Liberté de religion ou de conviction : l’Europe s’accorde sur la liberté de religion

Le Conseil des affaires étrangères a adopté lundi 24 juin 2013 les premières « lignes directrices de l’Union européenne en matière de promotion et la protection de liberté de religion ou de conviction ». (18 pages). L’objectif poursuivi est, comme le font les Etats-Unis depuis 1998, d’ancrer la liberté religieuse au sein de la diplomatie européenne d’où l’intitulé de « Guidelines ». Une diplomatie qui est celle des institutions comme celle de chacun des Etats membres. Le Conseil rappelle la nécessité de bien distinguer la critique des religions et des convictions et l’incitation à la haine religieuse. L’UE rappelle que la liberté religieuse « protège des individus et non pas une religion ou une conviction » en soi. L’Union européenne ne promeut pas de religion ou de convictions spécifiques. Ces lignes directrices, saluées comme il se doit, ne satisfait pas pleinement et unanimement les représentations de religions : ainsi la COMECE (Commission des épiscopats de la Communauté européenne) a tenu à souligner qu’il « devenait urgent d’agir et d’établir des mécanismes plus efficaces car les violations de la liberté de religion par certains gouvernements et acteurs non étatiques sont en hausse dans plusieurs pays du monde ». En d’autres termes , aller au-delà des discours !

 La liberté de religion ou de conviction protège le droit de « chaque être humain » de croire ou de ne pas croire, mais aussi de changer de religion ou de conviction. Et ce droit s’exerce « individuellement ou en communauté, en public comme en privé «  Tous les États doivent donc veiller à ce que leurs systèmes juridiques garantissent effectivement et efficacement cette liberté « sur l’ensemble de leur territoire, sans exclusion ni discrimination ».

L’accord a porté  sur une définition commune de la liberté de religion ou de conviction, et surtout sur les moyens de la promouvoir et de la protéger, d’une manière « opportune, consistante et cohérente ». Préparées depuis de longs mois (cf.Nea say) par les diplomates, des lignes directrices ont été adoptées par le Conseil des affaires étrangères, à l’image de celles déjà adoptées contre la peine de mort, la torture, ou en faveur des droits de l’enfant…

Ce texte élargit et affermit la politique européenne en faveur des droits de l’homme. De fait, si, jusqu’à présent, la Cour européenne des droits de l’homme se chargeait de vérifier l’application de ce principe à l’intérieur des pays membres du Conseil de l’Europe, la mobilisation de l’UE à l’égard des pays tiers ou au sein des organisations internationales n’était pas aussi organisée. Au-delà des « résolutions » et autres « déclarations » adoptées par le Parlement européen ou les ministres des affaires étrangères, il manquait un cadre d’action clair et structuré. Est-ce désormais bien établi ? cela reste à démontrer par des preuves concrètes

 De nombreux incidents graves avec mort d’hommes, puis la vague des “printemps arabes” ont montré la nécessité d’une action européenne forte. Les 27 ont donc pris conscience que la liberté de religion était de plus en plus menacée La préparation de ces lignes directrices figurait donc parmi les 97 actions prévues en juin 2012 lors de l’adoption du cadre stratégique européen pour les droits de l’homme et la démocratie. Au même titre, d’ailleurs, que d’autres – également adoptées – le même jour- concernant « les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou inter-sexuelles ».

 Plusieurs difficultés ont surgi pendant les négociations compliquant les discussions. Eviter d’alimenter tout ce qui peut être présenté tout particulièrement comme un combat de civilisation . Le texte prend soin de préciser que l’UE « ne considère pas les mérites des différentes religions ou convictions » mais reste « impartiale » à leur égard. Au passage, la revendication des pays musulmans de voir sanctionner la « diffamation des religions » – autrement dit le blasphème – est abordée.

 Les 27 rappellent la nécessaire distinction entre la critique des religions et des convictions et l’incitation à la haine religieuse, et que la liberté religieuse « protège des individus et non pas une religion ou une conviction en soi ». « Les auteurs ont choisi de coller aux textes internationaux: Déclaration universelle des droits de l’homme, Pacte relatif aux droits civils, etc., en Annexe figurent les normes et standards internationaux, une liste non exhaustive, est-il précisé. Est énuméré à part tout ce qui relève de l’Union européenne. L’objectif est que la méthode soit sûre et d’éviter de se retrouver avec des invocations et contestation de toutes natures, multiples  et contradictoires.

 Mais c’est surtout la logique du partenariat et du « dialogue politique »qui  a été retenue. Quant aux outils, ils incluent « le suivi, l’évaluation et la rédaction de rapports » sur la situation de la liberté religieuse, la diplomatie – y compris les « visites aux pays tiers », qui seront « l’occasion de soulever les thèmes inclus dans ces lignes directrices », et le cas échéant de « rencontrer des défenseurs des droits de l’homme ». Il s’agit de pousser les États à « changer leur dispositif législatif » et ainsi « assurer l’égalité des droits de leurs citoyens ». « Il ne s’agit donc pas de nommer ambassadeur spécifique comme Haut Représentant, comme cela s’est fait par ailleurs. Il ne s’agit pas non plus de se contenter de publier de liste noire des pays violant le plus la liberté de religion ». Au registre des incitations, l’utilisation d’« instruments financiers » est en revanche prévue, dont l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, doté tout de même de 1,104 milliard d’euros sur six ans, ou la possibilité éventuellement de suspendre un accord de « coopération ».

 La difficulté majeure est née du fait que  les atteintes n’émanent pas toujours des États mais parfois des sociétés elles-mêmes. Mais d’autres États, « en transition », pourraient avoir intérêt et être incité à jouer la carte de la coopération avec l’Union européenne.

 Demeurent enfin quelques interrogations. Comment réagiront certains pays à majorité musulmane lorsqu’ils se verront questionner sur leur législation par des États européens – la France au premier chef – qu’ils accusent d’« islamophobie »  malgré le fait qu’elle répète que sa loi de 2004 sur les signes religieux et celle de 2010 sur la dissimulation du visage dans l’espace public ne sont pas discriminatoires puisqu’elles s’appliquent à tous, mais ce n’est pas toujours convaincant. L’efficacité d’une action d’un  bloc de 28 États membres de l’UE. Peut être perçue comme contre productive dans ses effets.

 Cet instrument des « Guidelines » est certes accueilli comme un bon outil,une véritable  boîte à outils, opérationnelle et  mise à la disposition des agents du Service d’Action extérieure de l’UE (SEAE), des Délégations et représentations de l’UE ainsi que des ambassades dans leurs relations avec des pays tiers. Religieuse. Mais ces lignes directrices sont aussi considérées par d’autres ( par la COMECE par exemple) comme trop générales  et certaines questions spécifiques gagneraient à être précisées ( par ex. l’éducation §41). La Comece suggère  une révision future de ces lignes directrices. Bien plus cette révision  pourrait s’inspirer des recommandations formulées par le Parlement européen le 13 juin dernier, notamment sur les aspects suivants :

 -le renforcement de la dimension collective de la liberté de religion : Les institutions européennes devraient garantir une interprétation de ce droit fondamental qui ne soit pas seulement réduite à une dimension individuelle, mais qui comprenne également pleinement sa dimension sociale et institutionnelle ;

 -la reconnaissance pleine et entière du droit des parents à éduquer leurs enfants selon leur propre conviction, conformément au droit international ;

  – une approche plus équilibrée du principe de non discrimination, avec une attention particulière à l’impact que l’application de ce principe pourrait avoir sur la liberté religieuse.

 Pour en savoir plus

      -. Guidelines sur la promotion et la protection de la liberté de croyance et de religion (FR) n.a.  (EN) http://consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/EN/foraff/137585.pdf

        -. Recommandation du Parlement européen à l’intention du Conseil (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0279+0+DOC+XML+V0//FR

(EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0279+0+DOC+XML+V0//EN

       -. Dossier de Nea say sur la liberté de religion ou de conviction http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=134&lang=fra&lst=0&arch=0&nea=134&idssth=205

      -. Déclaration des chefs d’Etat ou de gouvernement sur le dialogue interconfessionnel et la cohésion sociale http://www.consilium.europa.eu/uedocs/NewsWord/fr/misc/78362.doc

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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