Dans le cadre post-Lisbonne, les travaux du chantier de l’Espace de Liberté, Sécurité et Justice se poursuivent. La procédure de co-décision a investi pour la première fois la réforme de l’Office Européen de Police (Europol), avec des conséquences non anodines. La proposition de règlement attend maintenant l’adoption de la commission LIBE, chargée de l’examiner en première lecture. A l’occasion de la dernière réunion estivale le 09 juillet dernier, le rapporteur désigné Agustin Diaz De Mera (PPE) a présenté son projet pour un premier échange de vues entre les membres de la commission LIBE.
La criminalité transnationale étant toujours en développement, il est vital pour l’Union Européenne de se doter d’une agence de police plus efficace, rapide et flexible. Eu égard aux derniers rapports produits par Europol, tels que le SOCTA (Serious and Organised Crime Threat Assessment) ou celui sur la criminalité organisée italienne, la Commission a envisagé une réforme de l’Agence afin de la rendre plus réactive aux nouveaux défis et plus adaptée aux dispositions du Traité de Lisbonne. Le règlement proposépar la Commission européenne – remplaçant les anciennes Décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI – prévoit notamment une participation accrue du Parlement Européen dans le contrôle d’Europol, la réforme de son administration, un système de protection des données plus efficace et l’amélioration de l’échange d’informations. Tout en étant capable de rassembler un consensus très vaste, le Parlement Européen n’est pas toujours en ligne avec les propositions de la Commission.
Quant au contrôle démocratique, la Commission européenne envisage une enceinte parlementaire composée par une « commission compétente » du PE (par exemple la LIBE) et par un représentant parlementaire d’une commission équivalente pour chaque Etat Membre. Cette commission devrait être convoquée par le Président de la commission LIBE et co-présidée par le représentant parlementaire de l’Etat détenant la Présidence tournante de l’Union. Seraient soumis à sa compétence le rapport annuel d’activités d’Europol, son programme de travail annuel et pluriannuel, ainsi que le rapport annuel sur Europol produit par le Contrôleur Européen de la Protection des Données (CEPD). La première réponse de la commission Libe est, sans surprises, très positive, quoi que les eurodéputés n’ont pas hésité à exprimer leurs doutes par rapport à la forme prévue de ce contrôle. Le rapport Diaz De Mera opte pour une Unité de Contrôle (Scrutiny Unity) au lieu d’une nouvelle commission : celle-ci se composerait des membres de la commission LIBE et de représentants des parlements nationaux. Mme Cornelia Ernst (GUE/GVN) souhaite une commission spéciale à l’instar de celle qui existe au Bundestag, qui puisse avoir un rôle plus actif, au-delà de la seule réception d’informations. Seul M. Timothy Kirkhope (ECR) s’est dit opposé à l’instauration de nouveaux organes parlementaires, en privilégiant le simple échange de bonnes pratiques et l’amélioration du flux d’informations. Quant à Rui Tavares (Verts/ALE), il s’est dit perplexe pour ce qui est de l’aspect complet des informations qui seraient transmises par Europol au Parlement Européen.
La gouvernance d’Europol, quant à elle, a fait l’objet de résistances majeures , en tout premier lieu concernant la fusion souhaitée par la Commission entre Europol et Cepol, l’Agence qui s’occupe de former les forces de polices des Etats Membres: la commission, dans son ensemble et tout groupes politiques confondus, a rejeté fermement cet agencement au motif que cela irait gâcher la mission de formation des officiers de police européens. Malgré le fait que la Commission européenne entend bien maintenir sa position et ainsi, espère-t-elle, faire des économies sur le budget européen, il est peu vraisemblable que la disposition puisse se concrétiser, compte tenu de l’opposition commune du Parlement européen et du Conseil.
Deuxièmement, les débats ont porté sur la structure administrative de l’Agence. Actuellement, l’organe de décision d’Europol est le conseil d’administration, qui se compose d’un représentant de chaque État membre et d’un représentant de la Commission, chaque membre disposant d’une voix. Le projet de règlement propose en plus la création d’un Comité Exécutif (Management Board) , qui serait composé du Président du CdA, du représentant de la Commission et trois autres membres du CdA élus en son sein. Le Directeur Exécutif pourrait d’ailleurs participer à ses réunions, tout en étant privé du droit de vote. Le rôle du Comité Exécutif ne serait pas du tout négligeable, étant chargé de préparer les décisions à adopter par le CdA et d’aider le Directeur dans l’exécution de ses missions. La position des eurodéputés quant à cette enceinte, jugée trop restreinte, a été nette. Selon M. Diaz De Mera (PPE) « faire une copie du Conseil d’Administration de quatre personnes n’est pas souhaitable », optant pour un contrôle plus vaste : ainsi, l’amendement 77 du rapport efface tout simplement les articles 21 et 22 consacrés au Comité Exécutif.
L’actualité internationale étant focalisée sur le « data gate » provoqué par Prisme, il était fort probable que le Parlement Européen allait proposer des amendements dans le sens d’une meilleure protection des données traitées par Europol. Le rapport Diaz De Mera prévoit à cet égard que l’échange d’informations se réalise avec l’autorisation de(s) l’unité(s) nationale(s) en question, tandis que l’échange de données personnelles, limité aux seules personnes qui ont commis ou sont suspectées de pouvoir commettre un crime, devra être soumis au contrôle du CEPD. Par ailleurs, Europol devra se doter d’un régime de protection des données qui soit en ligne avec les mesures prévues dans l’Union Européenne.
Plus généralement, les amendements proposés semblent limiter le rôle de l’Agence dans l’activité des Equipes Communes d’Enquête (JITs), ainsi que dans le transfert d’informations au niveau intra européen, tout en accordant une place majeure aux unités nationales. Cependant, les eurodéputés ont tous plaidé pour un accroissement des fonds à octroyer à Europol, compte tenu des nouvelles tâches découlant notamment des accords Swift et PNR.
Le délai pour le dépôt des amendements est fixé au 19 septembre, et l’examen en plénière aurait lieu en novembre.
Gianluca Cesaro
Pour en savoir plus :
– Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs (Europol) et abrogeant les décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI – 27/03/2013 – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0173_/com_com(2013)0173_fr.pdf (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0173_/com_com(2013)0173_en.pdf
– Projet de rapport de la commission LIBE sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs (Europol) et abrogeant les décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI – 19/06/2013 – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/938/938283/938283fr.pdf
(EN) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/938/938283/938283en.pdf
– Opinion of the European Data Protection Supervisor on the Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on the European Union Agency for Law enforcement Cooperation and Training (Europol) and repealing Decisions 2009/371/JHA and 2005/681/JHA – (EN) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dv/938/938506/938506en.pdf
– Enregistrement de la réunion LIBE – 09/07/2013 – http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20130709-0900-COMMITTEE-LIBE