Le rythme s’accélère pour le gouvernement britannique. Ce dernier doit, avant le 31 mai 2014, décidé si oui ou non le Royaume Uni sera légalement tenu de respecter toutes les mesures de l’ex troisième pilier (police et justice pénale) adoptées avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009.
La ministre de l’intérieur, Theresa May, a affirmé le 9 juillet, devant la Chambre des Communes, que le pays va se désengager de ces mesures dans un premier temps pour mieux réadhérer à certaines d’entre elles à l’avenir. Exercice délicat en plein doute autour du cas britannique, tantôt grand réformateur du système européen, tantôt « sécessionniste ».
Depuis 2009 et l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il n’existe plus de structure en piliers concernant la législation européenne, si bien qu’elle a vocation désormais à être soumise presque entièrement au même régime (codécision, compétence de la Cour de Justice, etc…).
Sont concernées en premier lieu les mesures adoptées sous le « 3ème pilier » avant 2009 (Coopération policière et judiciaire en matière pénale). Selon l’article 10 du protocole n° 36 du Traité de Lisbonne, à partir du 30 novembre 2014, ces mesures adoptées avant 2009 et non amendées depuis seront soumises entièrement à la juridiction de la Cour de Justice de l’UE et à la compétence de la Commission Européenne.
Le Royaume Uni, en vertu de l’article 10 (4) du protocole précité dispose de la possibilité de refuser la juridiction de la Cour de Justice et la compétence de la Commission sur ces mesures en émettant des « opt-outs » sur l’ensemble de ces dernières avant le 31 mai 2014. Il ne peut décider de rejeter au cas par cas. Si bien que, si il souhaite toujours participer à certaines mesures, il devra réadhérer individuellement à chacune d’entre elles auprès du Conseil pour les mesures liées à l’Espace Schengen et auprès de la Commission Européenne et du Conseil pour les autres.
En pleine période de remise en cause de la participation du Royaume Uni à l’Union Européenne par le gouvernement de M. Cameron, l’occasion était trop belle. La ministre de l’intérieur, Theresa May, s’est exprimé sur le sujet devant la Chambre des Communes le 9 juillet et a bien entendu affirmé que le Royaume Uni fera usage de son droit « d’opt out » sur ces mesures « Pré-Lisbonne » non amendées. Elle a ensuite précisé qu’elle souhaitait voir le pays réadhérer à certaines mesures qui répondent aux intérêts du pays et en écarter d’autres qui lèsent ces intérêts.
Ainsi, la ministre a affirmé que le Royaume Uni réadhérera à 35 mesures en rapport avec la police et la justice en matière pénale. Parmi les mesures d’importance auxquels celui-ci doit réadhérer, se trouve le mandat d’arrêt européen. Mme May considère qu’il s’agit d’un élément indispensable pour la justice britannique afin de rapatrier sur son territoire les auteurs d’infraction.
En revanche, elle souhaite que des limitations soient apportées vis-à-vis des demandes de mandats d’arrêts que le Royaume Uni reçoit : il faudrait inclure, dans la législation britannique, une possibilité de refuser l’extradition de personnes présentes sur le territoire du Royaume Uni lorsqu’il s’agit d’infractions mineures.
De même, concernant les mandats d’arrêts européens à des fins d’instruction, la ministre souhaite que désormais soient privilégiées les décisions d’enquêtes européennes. Il faut garantir que le mandat d’arrêt européen n’intervienne que pour les cas où la personne a été formellement inculpée ou si une peine a été prononcée.
Enfin, d’autres garanties doivent être apportées aux ressortissants britanniques faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen : refus d’extradition en cas d’absence de double incrimination (dans le pays demandeur et au Royaume Uni), possibilité d’exécuter la peine au Royaume Uni, etc…
D’autres mesures feront l’objet d’une réadhésion. Le gouvernement britannique soutiendra par exemple la réadhésion à Europol que Theresa May considère comme un outil indispensable pour la police de son pays.
En revanche, lors de son discours, Mme May s’est refusée à ce que le pays réadhère aux mesures qui concernent les normes minimales en matière droit pénal ou les accords internationaux en matière de police et de justice pénale.
Le Royaume Uni continue donc sur sa stratégie individuelle « d’Europe à la carte ». Pour autant, cela ne lui empêche pas de réclamer une réforme plus globale de l’Union Européenne. En effet, M. Cameron a appelé à une réforme globale du système européen afin de rapatrier certaines compétences de l’UE vers les Etats membres.
M. Cameron souhaiterait en effet conserver le Royaume Uni au sein d’une UE réformée et non un Royaume Uni hors Union Européenne ou un Royaume Uni avec un accord spécial. La réforme toucherait la politique étrangère européenne, la politique agricole commune, la politique énergétique, etc…
Pourtant, dans le même temps, M. Cameron continue de promettre un référendum, qui devrait d’ailleurs être rendu obligatoire par une loi. Que se passerait-il alors si le résultat du référendum était la sortie du Royaume Uni alors que le gouvernement conservateur actuel avait auparavant appuyé une réforme de l’Union ? Et si en 2014 l’Ecosse vote son indépendance ?
Il est clair que la position britannique risque d’être difficile à tenir dans un tel cas de figure. Or, étant donné le soutien de l’opinion publique britannique à la sortie de l’UE, la course anglaise au moins disant risque de continuer. Doit on alors craindre (ou souhaiter) à long terme un opt-out des européens et de l’Union Européenne sur le Royaume Uni ?
Jérôme Gerbaud
En savoir plus :
– Version consolidée du Traité de Lisbonne – Protocole n°36 sur les dispositions transitoires (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M/PRO/36:FR:HTML(EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M/PRO/36:EN:HTML
– Déclaration de la Ministre de l’Intérieur Theresa May sur la décision 2014
(FR) https://www.gov.uk/government/speeches/home-secretary-oral-statement.fr (EN) https://www.gov.uk/government/speeches/home-secretary-oral-statement
– Article d’Euractiv du 15 juillet 2013 : « Appels en faveur de réformes à l’échelles de Vingt-huit ».