Prévue par le Traité de Lisbonne fin 2009, l’Initiative Citoyenne Européenne permet aux citoyens de l’Union d’adresser des propositions législatives à la Commission dans les domaines de sa compétence. Conçue dans les termes de l’article 11.4 du TUE, le but de cette disposition est celui de rapprocher les citoyens européens à une Union qui demeure largement méconnue par ses propres habitants. Un an après son entrée en vigueur, le bilan est pourtant assez décevant. A présent, aucune initiative n’a vu le jour : si plusieurs ont été rejetées en raison d’incompétence, la plupart a été retiré ou peine toujours à atteindre le seuil minimal des signatures requises.
Peut être les conditions à remplir sont-elles déjà un obstacle non négligeable. Le règlement de 2011 chiffre les critères à accomplir, pour qu’une telle initiative puisse être présentée, à un million de signatures recueillies dans l’ensemble du territoire de l’Union, des minima étant prévus pour chaque Etat Membre ; en outre, l’initiative doit être patronnée par un comité d’au moins sept personnes représentant autant de nationalités européennes. Ce qui présuppose un réseau de contacts bien développé dans la plupart des Etats Membres et des moyens financiers appropriés. Cependant, les difficultés techniques n’expliquent pas tout l’échec.
Comme l’affirmait M. Casini (PPE), président de la commission AFCO (Affaires Constitutionnelles) du Parlement Européen, le 9 juillet dernier, « les citoyens européens sont loin d’avoir pris conscience de son importance » – voire de son existence – pour la société civile européenne. Alors que le but déclaré était celui de réduire l’écart entre une construction élitiste et son demos, la réalité est loin d’être idyllique. Ce constat ne va pas sans conséquences : l’introduction de moyens supplémentaires pour la démocratie directe ou participative ne suffit pas à elle seule à produire une citoyenneté.
Devenu opérationnel depuis 2012, le dispositif a fait l’objet de quelques dizaines de propositions, dont la plupart est toujours en phase de collecte des signatures. Malgré le petit nombre d’informations disponibles , des tendances générales peuvent être dégagées. Au cours de leur première année d’existence, les Initiatives Citoyennes présentées relèvent pour la plupart du social, de l’environnemental et des questions éthiques. Quant au social, des propositions ont été faites pour l’introduction d’un revenu minimal, inconditionnel européen (rejeté par la Commission par incompétence manifeste), pour le financement de périodes d’études à l’étranger des enseignants européens (« Teach for Youth – Upgrade to Erasmus 2.0 ») et pour la création d’un Bureau Européen des Femmes Entrepreneures (« Act4Growth »).
Les plus actifs semblent être les associations et les groupes écologistes, qui ont présenté des propositions concernant la suspension du paquet énergie et climat de l’UE, la gestion responsable des déchets ou l’instauration de limitation de vitesse à 30km/h dans les zones urbaines. Parmi les initiatives qui connaissent le plus de succès, toutefois, on trouve la proposition anti-avortement « Un de nous », dont le but est celui de couper tout fond direct et indirect de l’UE à toute entité qui promeut ou qui pratique l’avortement, ; il milite pour la protection de l’embryon dès sa conception. D’origine italienne, la proposition a atteint les 800.000 signatures et s’approche maintenant de l’objectif final. C’est peut-être, jusqu’à présent, l’une des seules initiatives qui franchira le seuil du Berlaymont de la Commission européenne. Et ce n’est pas par hasard : l’initiative repose en effet sur un network bien établi, celui du monde associatif catholique et chrétien, qui représente un soutien exceptionnel. Ce qui pose problème, toutefois, c’est justement l’obtention d’un nombre minimal de signatures dans chaque Etat Membre : si pas mal de pays ont déjà franchi le seuil requis, la plupart reste toujours à « conquérir ».
D’autres propositions visent plus spécialement la citoyenneté européenne. Parmi les plus intéressantes, l’initiative « Let me vote ! » plaide pour l’extension du droit de vote aux élections régionales et nationales aux citoyens européens qui résident dans un Etat Membre autre que celui d’origine. Il s’agirait – selon les organisateurs – d’activer un sentiment de citoyenneté européenne pour une population de par nature est plus réceptive vis-à-vis de ces questions. Selon les données d’Eurostat, les citoyens UE résidant dans un autre Etat Membre s’élevaient en 2012 à 13.6 millions, soit le 2.7% de la population de l’Union (avec une augmentation du 0.2% par rapport au 2011).
Force est de constater qu’aucune de ces initiatives n’a eu beaucoup de résonance médiatique, ce qui est à la fois la cause et l’effet de la faible participation citoyenne. Dans les mois prochains, on connaîtra le sort des premières initiatives enregistrées, dont la date limite de collecte arrivera à expiration début novembre. Eu égard aux scores atteints jusqu’ici, les chances qu’elles puissent aboutir se réduisent de plus en plus.
Gianluca Cesaro
Pour en savoir plus :
– Règlement (UE) 211/2011 relatif à l’ICE – 16/02/2011 – (FR) – http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:065:0001:0022:FR:PDF (EN) – http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:065:0001:0022:EN:PDF
– Site internet de l’ICE – http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/?lg=fr
– Communiqué de presse d’Eurostat – 17/07/2013 – (FR) – http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-17072013-BP/FR/3-17072013-BP-FR.PDF – (EN) – http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-17072013-BP/EN/3-17072013-BP-EN.PDF
– Dossier ICE de Nea say http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=ice&Submit=%3E