Le 28 février 2013, EU-Logos vous annonçait la mise à l’ordre du jour de la situation particulière des mineurs non accompagnés à la commission LIBE (Nea Say n°131). Depuis l’examen de la proposition a suivi son cours : le 26 août 2013, le rapport de Mme Griesbeck sur la situation des mineurs non accompagnés dans l’Union européenne a été adopté par la commission LIBE avant d’être adopté ce 12 septembre 2013 en plénière.
Attardons nous dans un premier temps sur le contenu de la proposition de résolution du Parlement européen avant de faire le compte rendu des débats du 12 septembre dernier à Strasbourg. Rappelons-le, le terme « mineur non accompagné » désigne « un ressortissant de pays tiers ou un apatride âgé de moins de dix-huit ans qui entre sur le territoire des Etats membres sans être accompagné d’un adulte qui soit responsable d’eux ou un mineur qui est laissé seul après son entrée sur le territoire des Etats membres ». Il est ainsi demandé dans cette proposition à la Commission « de mettre en oeuvre des mesures législatives et non législatives visant à garantir la protection adéquate des enfants et des mineurs non accompagnés ». Un constat anime cette demande : le degré de protection des mineurs non accompagnés dans l’Union européenne laisse encore à désirer, tant au niveau de l’accueil que de l’aspect plus général des droits fondamentaux.
Pourtant, en 2010, la Commission soulignait dans sa communication pour un « plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2010-2014) » les trois volets d’action qu’elle comportait: prévention, protection et solutions durables. L’accent était mis sur l’importance de la collecte de données, ainsi, comment percevoir l’ampleur d’un phénomène ainsi que ses principaux aspects sans des chiffres appropriés ? De même, dans une optique d’échange des meilleures pratiques, les Etats sont appelés à partager leurs informations et, par extension à aller les chercher vers les principaux acteurs : agences, pays d’origine, pays de transit. Le volet préventif repose sur la nécessité de percevoir les raisons internes au pays tiers qui poussent le mineur non accompagné à quitter le territoire et ce, pour mieux les combattre ; à mener des campagnes de sensibilisation ; à encourager la mise en place de systèmes de protection de l’enfance. Ensuite, le volet « protection » renvoie à la nécessité de tenir compte de la vulnérabilité du mineur et d’y répondre au mieux, via par exemple la désignation d’un tuteur, des conditions d’accueil appropriées ainsi que le rejet de toute perspective de détention. Le but étant à terme de l’aider à retrouver sa famille, et d’identifier les personnes ayant pu profiter de sa vulnérabilité (traite et trafic d’êtres humains). Quant au dernier volet se concentrant sur « la durabilité » des solutions trouvées, insistait particulièrement sur le fait que le but à terme est le retour volontaire de l’enfant vers son pays d’origine si cela est possible ou l’accueil dans un pays de l’Union européenne avec un statut de protection approprié.
Si la proposition de résolution du Parlement européen se félicite d’un tel plan d’action, il est néanmoins perçu comme présentant de nombreuses lacunes du point de vue de la « protection des droits fondamentaux » de ces mineurs, d’où le constat que « les mesures existantes ne sont pas suffisantes ». Ainsi, parmi les propositions avancées, le statut de « tuteur légal » de l’enfant se doit d’être renforcé, de même qu’il est nécessaire, si retour volontaire de l’enfant il y a , de s’assurer que celui-ci bénéficie effectivement du degré de protection adéquat en relation avec sa condition. Le Parlement invite également la Commission à concevoir un manuel contenant toutes les informations nécessaires (meilleures pratiques, bases juridiques) pour que les acteurs tels que les Etats ou les organismes concernés, soient conscients de leurs obligations et devoirs. La collecte de données, elle aussi, est encouragée et la lutte contre la traite des êtres humains reçoit une priorité. Le manque de financement est également regretté : pour l’instant, aucune mesure spécifique pour les mineurs non accompagnés n’est prise en considération dans le Fonds européen « Asile et Migration » : pourtant, des éléments tels que la formation des gardes frontières à la vulnérabilité de ces individus est impérative. Dans le même temps, des normes minimales dans chaque Etat membre et pour chaque étape du processus qui guidera l’enfant concerné sont appelées à être mises en place, le tout avec l’exigence de ne jamais en référer à la détention du mineur. L’aspect sur lequel les Etats pourraient jouer est celui de « l’ignorance consentie » : ainsi, faute de moyens d’identification appropriés mis en place, il peut être difficile de juger de l’âge d’un enfant. L’Etat se conforterait sur base de l’adage « pas vu pas pris » transformé en « pas identifié pas protégé » dans une position de confortable ignorance. C’est pour cela que le Parlement invite à une identification appropriée de l’enfant, devant dès le départ être dirigé vers des services qui lui seraient personnellement réservés.
Nathalie Griesbeck (ALDE), rapporteur sur le sujet, a regretté que les mineurs non accompagnés soient souvent traités comme des adultes migrants irréguliers et que leur vulnérabilité soit du même fait souvent niée. Deux principes clés doivent selon elle être gardés à l’esprit : les mineurs sont avant tout des enfants et leur intérêt supérieur doit être pris en compte. Ce à quoi, Roberta Metsola (PPE) s’empresse d’opiner en affirmant haut et fort que « lorsqu’il s’agit des enfants, il n’y a pas de compromis possible ». Anna Maria Corazza Bildt (PPE) profite de l’occasion pour mettre en avant son pays, la Suède, qui dans le cadre du conflit syrien accueille énormément de mineurs non accompagnés dans le cadre de la politique de regroupement familial notamment. D’autres interventions ont marqué ce débat,: l’intérêt de l’enfant est unanimement perçu comme devant faire l’objet de tous les sacrifices et dépassements de la part des Etats membres. Terminons par l’intervention de Viviane Reding au nom de la Commission : elle met en exergue d’abord le caractère permanent de la présence de mineurs non accompagnés dans le phénomène migratoire. Et c’est parce que « la société sera jugée sur la manière dont elle traite ses éléments les plus vulnérables ».Elle s’accorde avec le Parlement européen sur la nécessité de poursuivre les progrès réalisés par le programme d’action de la Commission. C’est ainsi qu’elle annonce la publication, dans un avenir immédiat, d’un manuel à destination des Etats membre et des organisations officielles concernées « reprenant les différentes conditions qui affectent les enfants. Elle a demandé une harmonisation des pratiques des Etats membres ». Dans le même temps, dans le cadre de la communication sur l’application de la Directive retour devant avoir lieu à la fin de l’année, Viviane Reding promet d’ores et déjà que l’accent sera mis sur la situation des mineurs non accompagnés.
En conclusion, saluons cette avancée : si des progrès ont été réalisés ces derniers mois dans le secteur de l’asile et de l’immigration de manière globale, on se félicitera que l’attention y soit déjà portée sur les individus les plus vulnérables.
Louise Ringuet
Pour en savoir plus :
Europa – Plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2010-2014) :(FR) http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/fight_against_trafficking_in_human_beings/jl0037_fr.htm (EN) http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/fight_against_trafficking_in_human_beings/jl0037_en.htm
Communication de la Commission : « Plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2010-2014) – COM(2010)213 final – 6 mai 2010 :(FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0213:FIN:FR:PDF
(EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0213:FIN:EN:PDF
Rapport sur la situation des mineurs non accompagnés dans l’Union européenne – 26 août 2013 :(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&mode=XML&reference=A7-2013-251&language=FR
EU-logos – « Immigration : mineurs non accompagnés. A l’ordre du jour de la commission LIBE du Parlement européen » – Nea Say n°131 : http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2736&nea=131&lang=fra&lst=0&arch=0