Exemption de visas pour les pays tiers : Les Emirats Arabes unis en lice pour gagner leur place sur la liste positive

 

Le 3 juillet dernier, EU-Logos faisait le récapitulatif de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n°539/2001 portant sur « la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation » (Nea Say n°135). L’article concluait sur la demande du Conseil de l’inclusion des Emirats Arabes Unis sur la liste positive. Cette question a donc alimenté la rentrée de la Commission LIBE, 8 amendements ayant été posés en ce sens.

 Un bref rappel de la discussion du 27 juin : certains pays tiers étaient passés de la liste négative à la liste positive (cela signifiant pour ces pays une exemption de visa) : cela concernait les Etats insulaires des Caraïbes, les Etats insulaires du Pacifique et des catégories spécifiques de ressortissants britanniques. Parallèlement, la liste négative (cela signifiant pour ces ressortissants une obligation de visa) était mise à jour avec l’inclusion du Soudan du Sud, dont l’indépendance a été acquise récemment,  le 9 juillet 2011. Mais désormais la question est toute autre : Les Emirats Arabes Unis ont-ils, eux aussi, leur place sur la liste positive ?

 C’est au rapporteur Mariya Gabriel (PPE) qu’ est donnée l’opportunité de traiter cette question. Elle informe le Parlement du dialogue régulier entretenu depuis janvier avec les Emirats arabes Unis qui, selon elle, sont tout à fait ouverts à un approfondissement de leurs relations avec l’Union européenne. De même, ses contacts réguliers avec l’ambassadeur sur place, dissipent tout doute quant au risque d’immigration clandestine qui pourrait être supposé. Ainsi, les personnes concernées par une telle exemption de visa seraient avant tout des étudiants (financés par les Emirats), des individus à la recherche de meilleurs soins médicaux et d’autres arrivant sur le territoire européen dans le cadre de voyages commerciaux. Il y aurait au final plus de 160 000 ressortissants de l’Union européenne aux Emirats Arabes Unis, de même qu’en 2012, plus d’un million d’entre eux se seraient rendus sur place. La cohérence régionale ne peut, elle non plus, être oubliée : au vu du fait qu’Israël dispose d’une telle exemption, comment justifierait-on le fait que tel ne soit pas le cas des Emirats ? Mais la question qui prédomine est celle de la réciprocité : ainsi, si accord il y a, les ressortissants européens doivent eux aussi être assurés d’être exemptés de l’obligation de visa, chose à laquelle les Emirats Arabes Unis se sont montrés tout à fait ouverts. Si cette question a une telle importance, c’est bien parce qu’aujourd’hui, non pas une, mais deux procédures sont applicables : d’un côté, une procédure gratuite et simplifiée aurait cours pour notamment les citoyens européens de l’Europe des 15 à l’inverse des autres, ceux issus des « nouveaux » Etats membres qui eux, devraient  faire appel à une procédure coûteuse et complexe. On comprend alors pourquoi la réciprocité est mise au premier plan, celle-ci renvoyant à l’égalité de traitement à laquelle les Etats membres tiennent tant.

 Tanja Fajon (S&D) insiste, elle, sur le principe sacro-saint de libre circulation qui l’avait rendue sceptique d’abord à un tel accord : elle doutait de l’accueil positif par les Emirats d’une telle mesure et de l’adhésion du Conseil à cela (il y a un an seuls trois pays étaient favorables à leur inclusion). Cependant, aujourd’hui elle ne doute pas du fait que les Emirats aient leur place sur la liste positive par leur respect des différents critères et la nécessité d’intégration que doit poursuivre l’Union européenne. Le seul élément qui la retient est la question des droits de l’Homme : ainsi, la Malaisie serait à ce niveau plus avancée, et là aussi des contacts sont entretenus : pourquoi y privilégier les Emirats ? A part cette réserve de légitimité par rapport à d’autres, Tanja Fajon constate l’absence d’obstacles à l’exemption dont il est question ici. C’est ensuite à Louis Michel (ADLE), dont la parole est relayée par Nathalie Griesbeck, qu’est donnée l’occasion de s’exprimer. Il est d’accord sur le fait que l’inclusion des Emirats n’oppose aucune objection que ce soit au niveau des risques sous-jacents ou des relations qu’ils entretiennent, de longue date, avec l’Union européenne. D’autant plus que ceux-ci bénéficient de passeports biométriques et s’engagent fermement à mettre en oeuvre le principe de réciprocité. Il se félicite des relations commerciales et de la circulation des étudiants qui ne pourra qu’en être facilitée. Cependant, si le parti des démocrates-libéraux n’a a priori pas une position défavorable face à ce projet, ils se réservent la possibilité de nuancer leur position au vu des débats qui auront lieu. Enfin, Salvador Sedo i Alabart (PPE) insiste sur la dimension stratégique qui sous-tend un tel accord : ainsi, les étudiants dont la circulation sera facilitée, au moment de retourner dans les  Emirats Arabes Unis après leurs études et d’y occuper des fonctions potentiellement importantes, auront tendance à rester liés à l’Union européenne. A terme, cela signifie un regain d’influence dans cette zone, ce qui n’est pas négligeable puisque d’un point de vue géostratégique il est primordial de renforcer l’influence de l’Union européenne dans le monde arabe.

 La Commission européenne se dit, elle –aussi, favorable à ces amendements, à la condition que le Conseil y mette son aval. Cependant, elle insiste sur la réciprocité comme condition impérieuse à une exemption de visa pour les ressortissants des Emirats : il est ainsi préférable qu’un accord bilatéral ai lieu avant que l’exemption de visa n’entre en vigueur. Finalement, c’est à la présidence que reviendront les derniers mots du débat : celle-ci soutient l’importance cruciale de l’inclusion des Emirats Arabes Unis à la liste positive, chose à laquelle de plus en plus d’Etats membres adhérent. Un accord sous peu est donc à envisager.

 Finalement, les amendements déposés en faveur de l’inclusion des Emirats Arabes Unis font presque l’unanimité : circulation des étudiants, réciprocité, géostratégie, chacun y va de son argument, mais le principal y est : les Emirats Arabes Unis sont bien partis pour voir leur nom s’inscrire  sur la liste de ceux auxquels l’Union européenne accorde le bénéfice d’une exemption de visa.

 

  Louise Ringuet

 

 

 Pour en savoir plus :

 (cf. article dans Nea say n° 136 de Louise Ringuet sur le débat en plénière du PE sur le régime général des visas )

       -. EU-Logos – « Visas, obligation ou exemption pour les pays tiers : quand l’exemption de visa s’étend et les listes de pays tiers s’étoffent » – Nea Say n°136 :http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2855&nea=136&lang=fra&lst=0

       -. COM(2012)650 final, Proposition de règlement du Parlement  et du Conseil modifiant le règlement (CE) n°539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation : http://www.ipex.eu/IPEXL-WEB/dossier/document/COM20120650.do

        -. Règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux sont les ressortissants sont exemptés de cette obligation : http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.douri=OJ:L:2001:081:0001:0007:FR:PDF

       -. Amendements déposés : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&mode=XML&language=FR&reference=PE514.815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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