Avouons-le, tout part ici de la symbolique : petit flash-back, nous sommes en 1999 à Tampere, en Finlande. C’est ici que l’on parle de la mise sur pied d’un espace européen de « liberté, sécurité et de justice ». Difficile pour EU-Logos donc, dont le coeur même bat au rythme de cette création d’ignorer le discours tenu le 13 septembre dernier en ce lieu par la commissaire Cecilia Malmström, en charge précisément de l’immigration.
Evidemment, nous allons nous centrer sur les points et rappels les plus importants de ce discours. D’abord, ces dernières années ont été marquées par la création de l’EASO (European Asylum Support Office) : dès 2004, le programme de la Haye faisait référence à la création d’un tel organisme qui assurerait la coopération entre Etats membres en matière d’asile. Ce n’est cependant qu’en 2011 que EASO devient opérationnelle et s’inscrit dans la liste des agences européennes. Ses fonctions peuvent être résumées en cinq volets : un soutien permanent aux Etats membres pour assurer un système d’asile qui soit efficace (formation, information..), un soutien spécial touchant à la qualité du système (relocation, contrôle de la qualité..), un soutien d’urgence (pour les Etats soumis à une pression migratoire trop forte comme récemment avec Malte), un rôle d’information et d’analyse (le rapport annuel de 2012 fera prochainement l’objet d’un de nos articles), et enfin un soutien aux pays tiers (« capacity building », protection régionale..). Le tout étant finalement en lien avec le principe de solidarité. Si celle-ci peine encore à se faire ressentir (référence par exemple à la situation syrienne), l’EASO a permis de fournir une aide importante à Malte ou à la Grèce.
L’élément phare de son discours reste la synergie qu’elle souhaite rétablir entre emploi, croissance et migration. Ainsi, il apparaît crucial, d’une part de valoriser les talents et compétences au sein même de l’Union européenne (éviter la « fuite des cerveaux »), mais aussi d’être conscients que l’Union européenne fait face à une pénurie de main d’oeuvre dans de nombreux secteurs comme le travail saisonnier dans l’agriculture, la santé, le tourisme…Ainsi, l’Union européenne doit s’ouvrir à la perspective de la migration légale : pour relancer l’activité de nos pays, encore faut-il disposer de la main d’oeuvre suffisante, la migration doit être donc vue sous l’angle de l’opportunité et non, comme la vague populiste essaye de le démontrer comme une façon, pour reprendre l’image populaire, de « voler le travail du citoyen européen ». Qui dit accueil de nouveaux individus, dit nécessité d’intégration. Celle-ci est elle-aussi à double tranchant : d’un côté, il faut être intraitable sur l’effort nécessaire de la part des personnes immigrées de prendre part à la société dans laquelle ils s’insèrent, via le volet le plus intuitif, celui de l’apprentissage de la langue. De l’autre, c’est à un effort des gouvernements qu’il faut appeler : si l’intégration est un devoir, elle est aussi un droit, à eux donc de mettre en place les instruments visant à la favoriser. Il ne suffit pas e vouloir s’intégrer, il faut aussi pouvoir.
Le domaine de la migration a, on le sait, connu de nombreuses transformations, particulièrement ces dernières années, mais ne nous berçons pas d’illusions le chemin reste long. C’est précisément à ce caractère évolutif que Malmström vient lorsqu’elle présente les propositions de directive sur la table actuellement. D’abord, les deux directives concernant les étudiants et les chercheurs ont été refondues pour n’en former qu’une : garanties procédurales, mobilité et transferts de compétences et de connaissances au sein de l’Union, accès au marché du travail sont conjugués dans une optique de croissance et d’emploi à long terme. D’autre part, elle fait état de la directive portant sur les travailleurs saisonnier qui devrait faire l’objet d’un accord en plénière le 22 octobre prochain. Celle-ci prévoit notamment des règles minimales communes concernant les droits et devoirs de ces travailleurs (cf article d’EU-logos à ce sujet). Enfin, elle mentionne la proposition de directive sur les transferts de travailleurs en entreprise de pays tiers vers une entreprise située à l’intérieur de l’Union européenne. Ainsi, des critères et définitions communes sont prévues dans le but d’une procédure simplifiée et plus transparente.
Finalement, si développer l’acquis est essentiel, une implémentation efficace des textes déjà adoptée doit elle aussi faire l’objet d’un souci constant.
De ce discours qui méritait que nous écrivions, au moins, quelques mots nous retiendrons quelques éléments clés : les perspectives ouvertes par la création de l’EASO sont fondamentales, la migration légale doit être reconsidérée (sa nécessité et ses modalités revisitées), et nous retiendrons finalement le caractère évolutif de la migration, ne devant pas nous faire oublier que si la législation suit son cours, l’implémentation attend parfois encore son tour.
Louise Ringuet
Pour en savoir plus :
-. Site de l’European Asylum Support Office (EASO) :http://easo.europa.eu/about-us/tasks-of-easo/
-. Europa – Communiqué de presse – « Faire de l’UE un meilleur pôle d’attraction pour les étudiants et chercheurs étrangers » : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-275_fr.htm
-.EU-Logos – « Directive « travailleurs saisonniers » : toujours pas d’accord entre le Parlement et le Conseil » – 4 juillet 2013 : http://europe-liberte-securite-justice.org/2013/07/04/directive-travailleurs-saisonniers-toujours-pas-daccord-entre-le-parlement-et-le-conseil/
-. Réseau européen des migrations – « Etat des lieux de la Directive relative aux transferts d’entreprise » – février 2013 : http://www.emnbelgium.be/sites/default/files/publications/proposal_for_a_directive_on_intra_corporate_transfer.pdf
Europa – « Progress in EU migration policy since 1999 » – Cecilia Mamlström : http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-13-702_en.htm