Les parlements nationaux revendiquent plus de participation dans la coopération policière européenne. Invités à la réunion de la commission LIBE le 14 novembre dernier, les représentants de sept assemblées nationales ont débattu avec leurs homologues européens de la réforme d’Europol. La proposition de la Commission, qui vise à « lisbonniser » l’Office Européen de Police, avait déjà suscité des réactions plutôt opposées de la part des députés de LIBE.
Le rapporteur désigné, M. Diaz De Mera (PPE), a ouvert la réunion par un rappel des contre-propositions de l’assemblée. Propositions qui se divisent essentiellement en quatre sections.
– Premièrement, la fusion d’Europol et de CEPOL (Agence européennes de formation des autorités policières) : souhaitée par la Commission européenne, elle est en revanche rejetée par tous les groupes politiques, à l’exception des libéraux. Ces derniers disent ne pas voir la plus-value du statu quo, à savoir le maintien de deux agences distinctes, l’une à La Haye (aux Pays Bas) et l’autre à Bramshill (au Royaume Uni).
-. Deuxièmement, la réforme de la gouvernance d’Europol : actuellement régie par un conseil d’administration (se composant d’un représentant de chaque État membre et d’un représentant de la Commission), sa structure se verrait ajouter un Comité Exécutif (Management Board), composé du Président du Conseil d’Administration (CdA), du représentant de la Commission et de trois autres membres du CdA élus en son sein. Jugée comme trop restreinte, la nouvelle enceinte a provoqué la ferme opposition des députés.
-. Toutefois, c’est le troisième volet, celui du contrôle parlementaire, qui a déchaîné les passions dans la salle au cours de cette dernière réunion. Un débat aux oppositions parfois surprenantes. Le point en question est déjà une source de tensions au sein de la commission LIBE, mais la réunion élargie de la semaine passé a creusé une ligne de fracture complémentaire et d’un côté inédite : celle entre le Parlement Européen et les assemblées nationales.
Un petit rappel sur le contexte politique sera sans doute utile. Quant au contrôle démocratique, la Commission européenne envisage une enceinte parlementaire composée par une « commission compétente » du PE (par exemple la LIBE) et par un représentant parlementaire d’une commission équivalente pour chaque Etat Membre. La réponse de l’assemblée européenne avait été plutôt positive, quoi que les eurodéputés n’avaient pas hésité à exprimer leurs doutes par rapport à la forme de ce contrôle. Le rapport Diaz De Mera opte pour une unité de contrôle (scrutiny unity) au lieu d’une nouvelle commission, sa composition interne calquant celle proposée par la Commission européenne.
L’opposition envers la position du rapporteur venait de deux front politiques distinctes. D’une part, la GUE – représentée par Mme Ernst – souhaite une commission spéciale à l’instar de celle qui existe au Bundestag, qui puisse avoir un rôle plus actif, au-delà de la seule réception d’informations. De l’autre part, les CRE (Conservateurs et Réformistes Européens) – par la voix de M. Kirkhope – se disent opposés à l’instauration de nouveaux organes parlementaires, en privilégiant l’échange de bonnes pratiques et l’amélioration du flux d’informations. De nouvelles structures ne feraient qu’entraver le travail d’Europol, dont on veut au contraire améliorer les capacités de réactions. De plus, M. Brons (NI) a dit craindre une possible politisation d’Europol, particulièrement dangereuse dans la mesure où l’Agence pourrait censurer des sites internet dans le cadre de son activité contre la cybercriminalité. Telle était la donne politique au moment de la présentation du rapport Diaz De Mera en juillet de cette année, largement confirmée aujourd’hui.
Ce qui ressort de la dernière réunion est une étrange rivalité, comme l’a définie Mme In ‘t Veld (ALDE), présidant la réunion, entre le Parlement Européen et les assemblées nationales. En guise de porte parole des capitales européennes, Lord Hannay, membre de la Chambre des Lords britannique, a revendiqué une participation accrue des parlements nationaux dans la nouvelle structure de contrôle. D’ailleurs, le député britannique n’a pas hésité à donner son aval à deux communications, provenant des parlements français et irlandais, s’inscrivant dans la même ligne de pensée.
En effet, la proposition de résolution européenne de l’Assemblée Nationale française déclare d’emblée que « le règlement ne doit en aucun cas restreindre les pouvoirs de contrôle des activités d’Europol que les parlements nationaux qui s’exercent en application des législations des États membres ». Quant au poids dans l’unité de contrôle, celui-ci serait d’abord numérique, avec deux représentants par Etat Membre au lieu d’un seul, dans le souci de garantir une meilleure représentativité démocratique. La constatation de Mme In ‘t Veld sur la lourdeur d’une unité comptant 116 membres n’a pas servi a faire reculer les représentants des parlements nationaux, parmi lesquels Mme Karamanlis, présidente de la commission Affaires Européennes à l’Assemblée Nationale française.
-. Peut-être les préoccupations quant à la protection des données, quatrième volet du rapport Diaz De Mera, sauront dégager un consensus entre deux acteurs, également appelés à surveiller le fonctionnement démocratique d’une Agence fondamentale pour l’Union.
Gianluca Cesaro
Pour en savoir plus :
– Enregistrement de la réunion de LIBE – 14/11/2013 – http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20131114-0900-COMMITTEE-LIBE
– Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs (Europol) et abrogeant les décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI – 27/03/2013 – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0173_/com_com(2013)0173_fr.pdf – (EN) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0173_/com_com(2013)0173_en.pdf
– Projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs (Europol) et abrogeant les décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI – 19/06/2013 – (EN) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/938/938283/938283en.pdf – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/938/938283/938283fr.pdf
– Proposition de résolution européenne sur Europol (Assemblée Nationale française) – 12/11/2013 – (FR) – http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/europe/resolutions/ppe1539.pdf