Faussement ingénu le journal le Soir de Bruxelles s’interroge le 3 janvier : où sont les hordes bulgares et roumaines annoncées et il constate que le Royaume-Uni est en pleine phobie migratoire. Ce qui aurait dû n’être qu’une formalité bureaucratique a dégénéré en véritable hystérie qui a même (légèrement il faut le reconnaître) débordé sur le continent, notamment en Allemagne où la CSU bavaroise, alliée de Angela Merkel a créé une polémique en lançant une campagne aux accents populistes ( « Wer betrügt, der fliegt, qui triche, dégage ! ». Le ministère du travail allemand a, lui, rappelé que les Roumains et les Bulgares installés en Allemagne étaient moins touchés par le chômage que l’ensemble de la population. Ce constat vaut mutatis mutandis pour le Royaume-Uni qui, sommé à plusieurs reprises par la Commission européenne, n’a pas pu apporter la preuve de ce qu’il avançait avec fracas.De déferlante, à ce jour, il n’en n’est pas question, et pour cause : nous sommes au bout d’une longue période d’une transition maximale de 7 ans et 17 Etats membres leur avait déjà donné libre accès aux travailleurs. Trois millions d’entre eux vivent le plus légalement dans les Etats membres. La politique a ses raisons mais elle ne peut durablement ignorer les faits.
Cette date du 1er janvier 2014 est l’aboutissement d’une longue transition, marquée par de nombreuses dérogations, il ne faut jamais l’oublier. Prenons l’exemple de la France qui n’a rien d’exceptionnel. Les ressortissants roumains et bulgares avaient accès depuis 2008 à une liste de 150 métiers dits « en tension » dans lesquels il existent des difficultés de recrutement. En octobre 2012, cette liste a été élargie à 291 professions. Pour exercer ces activités Roumains et Bulgares devaient demander une carte de séjour et ils étaient soumis à une autorisation allégée. Selon le ministère français de l’emploi, plus de72% des offres déposés au « Pôle Emploi » leur sont actuellement ouvertes. On est donc loin de partir de zéro pour être confronté à une sorte de Big Bang. La plupart des métiers du bâtiment (BTP), de l’agriculture, des métiers traditionnellement employeurs de main-d’œuvre étrangère pouvaient donc déjà accueillir ces travailleurs. Et il n’y a plus beaucoup de monde susceptible de partir, notamment chez les jeunes : le vivier naturel où puiser a été largement asséché, sur une population active d’une dizaine de millions, quatre vivent déjà à l’étranger !
Dans cette polémique on a mélangé hardiment des faits et des notions de nature différente. Le Royaume-Uni s’est surpassé en dénonçant « le tourisme social » qu’aucun chiffre ne vient confirmer : au contraire le taux d’inactifs parmi les migrants intra-européens est tombé de 34,1 % en 2005 (date d’entrée dans l’UE : 2004) à 30,7% en 2012. Et parmi ces derniers les retraités et les étudiants constituent les trois quarts. Quant aux présumés abus aux avantages sociaux, l’institut britannique Centre for Research and Analysis for Migration (CREAM) a démontré dans une étude que les migrants provenant des 8 pays nouvellement adhérents recourent nettement moins que les britanniques aux allocations familiales et primes au logement. Le Commissaire européen à l’emploi et aux affaires sociales, Laslo Andor, a concédé que ici ou là, localement, il pourrait y avoir des tensions temporaires de faible ampleur dans l’enseignement, le logement, les services sociaux (cf.infra « pour en savoir plus », Memo du 1er janvier). La Commission a rappelé en novembre (cf.infra « Pour en savoir plus ») que les personnes non actives venant d’autres Etats membres représentent une très faible part des bénéficiaires et que l’incidence de ces demandes de prestations sur les budgets nationaux est « insignifiant » dit la communication de la Commission.(cf. infra « Pour en savoir Plus »)
L’Occident ne fait plus autant rêver et ceux qui souhaitaient partir sont déjà partis et dans ces pays si le niveau de vie y est plus faible le taux de chômage y est également plus faible. Un autre constat à prendre en considération : qui dit libre circulation des travailleurs ne doit pas faire oublier que ces libertés sont très réglementées par exemple on ne peut s’établir pour une durée supérieure à trois mois que si on apporte la preuve qu’on dispose d’un travail ou de moyens « prouvés « de subsistance. Deux millions de postes restent vacants dans l’UE, cette forme de migration peut contribuer à la croissance plus que l’affaiblir. Le Royaume-Uni, un des plus ardents partisans de l’élargissement jusqu’à une date récente, l’avait si bien compris qu’en 2004 il fut l’un des trois pays à ne pas avoir imposé de restrictions aux 8 nouveaux adhérents. Bien entendu des prévisions apocalyptiques pourront continuer à circuler…, en attendant le Royaume-Uni a multiplié contrôles et restrictions du moins dans la mesure où le droit européen le permet : tests linguistiques, pas d’aide sociale liée au travail pendant les trois premiers mois de résidence, pas de prestations sociales pour les chômeurs après six mois d’inactivité si la preuve n’est pas apportée qu’ils possèdent de réelles chances de trouver un emploi, interdiction d’entrée pour les étrangers qui ont mendié ou ont été sans domicile fixe, augmentation des amendes contre les entreprises qui ne payent pas le salaire minimum. D’autres mesures sont en préparation. Mais en règle générale, il ne suffit pas d’arriver dans un pays pour être immédiatement éligibles à toutes sortes d’indemnités et à une protection sociale sans limite et sans condition.
Limitation de la liberté de circulation dans l’UE : la solution ? Le Premier ministre britannique James Cameron répand actuellement, avec ardeur et constance, l’idée que « la liberté de circulation à l’intérieur de l’Europe doit être moins libre », une argumentation qu’il développe dans un article récemment paru dans le Financial Times.
David Cameron fait observer que les migrations à grande échelle arrachent des personnes de talent aux pays qui ont besoin de leurs meilleurs éléments. Mais cette motivation altruiste est-elle vraiment la raison à l’appui des nouvelles politiques restrictives en ce qui concerne la liberté de circulation des citoyens de l’Union européenne à l’intérieur du Royaume-Uni ? Sûrement pas. Les problèmes budgétaires du système de protection sociale et l’impopularité croissante des nouveaux venus auprès de la population autochtone sont des motifs qui ont été adoptés comme arguments politiques, non seulement au Royaume-Uni mais aussi dans d’autres pays de l’Union. Mais nous sommes là dans une rhétorique purement politicienne.
Naturellement, la Commission européenne a développé des arguments allant dans le sens contraire : la Commissaire européenne à la justice, Viviane Reding et Laslo Andor, commissaire aux Affaires sociales et à l’Emploi, ont présenté des chiffres qui nous assurent que seuls 2,8% de citoyens de l’Union européenne (soit 14,1 millions de personnes) résident dans un autre Etat membre et que le taux annuel de mobilité transfrontalière dans l’Union n’est que de 0,29% (alors qu’il est de 2,4% entre les Etats qui composent les USA). Ce petit pourcentage de citoyens européens constitue-t-il effectivement un véritable fardeau pour les systèmes de protection sociale et de santé publique des pays d’accueil de l’Union européenne ? Poser la question c’est déjà y répondre. D’autre part, y a-t-il un tel abus effectif, à grande échelle, des aides publiques que cela justifierait de nouvelles restrictions de la liberté de circulation dans l’Union ? Ce n’est en tout cas pas l’avis de la Commission européenne : en fait, dans la plupart des Etats membres, les citoyens mobiles de l’Union européenne sont des contributeurs nets au système de protection sociale de leur pays d’accueil (par exemple, les citoyens mobiles européens ne bénéficient que de 4,2% des prestations sociales de l’Allemagne, 1,8% de l’aide sociale des Pays-Bas et 2,7% des allocations de chômage de la Finlande).
La Commission européenne estime que le cadre juridique européen existant prévoit des garanties adéquates qui permettent que la liberté de circulation des citoyens ne soit pas une surcharge pour les budgets des Etats. C’est ainsi que tout Etat membre de l’Union européenne peut refuser d’accorder une aide sociale aux citoyens de l’Union non actifs économiquement qui déménagent dans un autre Etat membre au cours des trois premiers mois de leur séjour. En outre, pendant les cinq premières années de séjour, les autorités nationales peuvent évaluer si un citoyen est devenu une charge excessive et donc lui refuser le droit de séjour et annuler les prestations sociales dont il bénéficie. En ce qui concerne les droits à la sécurité sociale, la législation de l’Union européenne exige des personnes inactives qu’elles fassent la preuve qu’elles ont établi leur lieu de résidence habituel dans l’Etat membre d’accueil pour pouvoir revendiquer l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet Etat. En tant que demandeur d’emploi fraichement arrivé, un certain nombre de prestations sociales ne leur sont pas ouvertes. Par exemple ils ne pourront pas entant que demandeur d’emploi en France percevoir le RSA, prétendre à l’allocation de parents isolés ou être affilié à un régime de sécurité sociale comme celui qui fonctionne en France. La fraude, l’abus sont combattus, mais notons qu’ils sont aussi le fait des nationaux et dans ce cas, ils ont une autre ampleur.
Les allégations de certains Etats membres à propos de cas de fraude existants ne sont absolument pas une raison pour saper la liberté de circulation. Par ailleurs, les mesures et les outils actuels pour lutter contre la fraude et les abus sont déjà prévus dans la législation européenne qui réglemente ce droit fondamental : la Directive 2004/38/CE permet aux Etats membres de refuser, de révoquer ou de retirer les droits en matière de liberté de circulation dans ces cas-là et les habilite à restreindre la liberté de circulation de quiconque représente une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics. La Commission européenne fait valoir que malgré ses demandes réitérées elle n’a pas reçu de statistiques à ce sujet et enfin il revient aux autorités nationales d’exercer des contrôles pour combattre la fraude et ils ne peuvent se décharger de cette responsabilité sur les autorités européennes.
Afin d’améliorer la liberté de circulation, cinq nouvelles actions ont été proposées par la Commission européenne pour aider et assister les Etats membres dans ce domaine : a) élaborer un Guide sur la lutte contre les mariages de complaisance ; b) clarifier le concept de « résidence habituelle » dans le cadre des systèmes de sécurité sociale ; c) élargir le Fonds Social européen pour favoriser l’inclusion sociale ; d) rassembler les pouvoirs publics locaux des Etats membres pour échanger les meilleures pratiques ; e) coopérer avec les autorités locales.(cf.infra « Pour en savoir plus ») Ce ne sont pas seulement les intérêts financiers des Etats qui sont pris en compte mais aussi tout ce qui peut faciliter la vie quotidienne des citoyens européens mobiles, tous, pas seulement les roumains et les bulgares, mais aussi par exemple les britanniques, nombreux en Roumanie.
La liberté de circulation fonctionne relativement bien depuis des années ; et même s’il existe des cas d’abus et de fraude, des mécanismes juridiques de prévention et de lutte en la matière sont prévus dans la législation communautaire déjà en vigueur. Cette liberté de circulation a produit d’énormes bénéfices, non seulement pour les citoyens de l’Union mais aussi pour les petites et les grandes entreprises, et elle a aidé considérablement l’économie locale des Etats membres de l’Union européenne. Le renforcement de la liberté de circulation est attendu par la grande majorité des citoyens européens de presque tous les pays même ceux dont la situation est difficile et où le mot « crise » semble être présent en permanence dans leur vie et dans le discours politique.
La libre circulation reste plébiscitée par les européens ! Il ne faut pas s’en étonner compte tenu de tout ce qui vient d’être dit. La libre circulation des personnes, des biens et des services est considérée comme la principale réussite de l’Europe selon le dernier Eurobaromètre publié en décembre : 57% des personnes interrogées estiment que la libre circulation est le résultat le plus positif de l’UE devant la paix entre les Etats (53%) loin devant l’Euro (25%). Notons au passage que c’est celle-ci qui a permis que celle-là se réalise. Puis vient Erasmus (23%). Dans une étude publiée au printemps, 67% des personnes interrogées considéraient que la libre circulation des personnes bénéficiait à l’économie de leur pays. Le taux est supérieur à 70% dans quinze Etats et atteint 61% en France. Les plus réticents sont les Chypriotes et les britanniques, mais mêmes eux sont légèrement majoritaires à juger favorablement l’apport de la migration pour leur économie. A Londres un sondage IPSOS-MORI montre que deux tiers des britanniques sont prêts à accueillir des migrants de l’est à condition qu’ils payent leurs impôts et parlent anglais. La moindre des choses. Dans votre croisade contre la libre circulation, M. Cameron, bonne chance ! C’est ce que pensent the Guardian et the Observer du 21 décembre dernier qui estiment que le Royaume-Uni est isolé et que David Cameron ne vise pas autre chose que flatter les éléments nationalistes de son électorat et de cultiver leurs peurs. Ils donnent largement la parole au président bulgare Rosen Plevneliev dans une interview souligne que « isolating Britain and damaging Britain’s reputation is not the right history to write ». Le Royaume-Uni ne se tourne pas vers le long terme et aujourd’hui le peuple bulgare se pose des questions sur la démocratie au Royaume-Uni et sur le caractère humain et tolérant de sa société. (cf. infra « Pour en savoir plus »).
Au bout du compte qu’est-ce qui change réellement le 1er janvier et abandonnons les contrevérités alarmistes ? Et pourquoi cette date du 1er janvier 2014 ? Lorsque la Bulgarie et la Roumanie ont adhéré en 2007, les « anciens »ont voulu se protéger et se sont donnés la possibilité (inscrite dans le traité d’adhésion ) d’imposer des restrictions pour lutter contre d’éventuels flux importants de main d’œuvre compte tenu des disparités économique et pour une durée maximale de sept ans. L’échéance du 1er janvier était donc programmée de longue date. Elle concerne encore neuf Etats membres qui imposent encore ces restrictions dont l’Espagne qui est un cas à part : après avoir en 2009 entièrement ouvert son marché l’Espagne a obtenu , et sous l’effet de la crise, de la Commission européenne l’autorisation de rétablir les barrières à l’égard des seuls Roumains et Bulgares mais cette restriction prend fin au 1er janvier. Quant au Royaume-Uni ses diatribes sont bien connues mais s’il refusait de lever les restrictions, ce serait une violation du Traité d’adhésion et une procédure d’infraction pourrait être engagé contre le Royaume-Uni et s’il n’y était pas mis fin cela pourrait se terminer devant la Cour de Justice européenne (CJCE). Rappelons que le même processus de restriction de sept ans a été appliqué lors du précédent élargissement ainsi que pour l’Espagne et le Portugal. En revanche la Suède, la Finlande et l’Autriche n’ont pas connu ce processus lors de leur adhésion en 1995. La Croatie qui a adhéré il y a six mois, reste le seul Etat concerné par ce type de mesures. Il y a très rarement des surprises dans la construction européenne tout est prévu longtemps à l’avance, trop longtemps peut-être, si bien que les intéressés perdent de vue l’échéance et sont « surpris » lorsque l’échéance arrive enfin, d’où mauvaise humeur, contestations, tentatives pour renégocier, obtenir de nouveaux délais et manipulations politiques de l’opinion publique comme s’y emploie David Cameron.
Ce qui va changer : lors de leur adhésion en 2007, la Roumanie et la Bulgarie s’étaient vu imposer « une période transitoire » avant que leurs 30 millions de ressortissants puissent bénéficier de « la liberté de circulation des travailleurs », garantie par l’article 48 du traité européen. Les anciens Etats membres craignaient notamment des tensions sur le marché du travail. Cette « période transitoire » n’est pas une mesure exceptionnelle, nous l’avons déjà dit. Cependant, la majorité des pays de l’UE n’ont pas attendu le 1er janvier 2014 pour permettre aux Roumains ou Bulgares de venir travailler chez eux. Certains ont imposé aux deux Etats une période transitoire de 2 ans ou de 5 ans. Seuls neuf pays – Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne et France – ont attendu le maximum des 7 années. Certains pays avaient même fait le choix de n’imposer aucune période de transition et on n’a signalé aucun effondrement de l’économie dans ces pays. Ni même de simples difficultés dues aux travailleurs bulgares et roumains.
Les études montrent que la plupart des migrations datent de 2007, date d’entrée des deux pays dans l’UE et non pas de la fin d’une période transitoire dans tel ou tel Etat membre. Pendant cette période, les Etats ont appliqué des restrictions aux travailleurs bulgares et roumains. Nous avons vu que la France avait de son côté dressé une liste de métiers dits « en tension » (en difficulté de recrutement). En France, c’est précisément cette mesure qui va changer. La liste des métiers ne s’appliquera plus. Cela ne signifie pas pour autant que les Bulgares et les Roumains pourront exercer tous les métiers : les emplois de la fonction publique dite « régalienne » (défense, justice, impôts, police…) restent totalement fermés aux étrangers, même membres de l’Union européenne. Et au-delà, ils auront de toute façon toujours les mêmes difficultés à trouver un emploi, de fait, car c’est toujours plus difficile lorsqu’on est Bulgare ou Roumain. L’obligation faite aux Roumains et aux Bulgares exerçant une activité professionnelle de détenir un titre de séjour prendra également fin au 1er janvier 2014. Un passeport ou une carte d’identité sera suffisant.
Ce qui ne change pas :Bulgares et Roumains -dont les Roms- jouissent depuis 2007 du droit de libre circulation et de séjour en Europe, au même titre que tous les citoyens de l’Union. Ils peuvent se rendre librement dans n’importe quel Etat de l’Union européenne à condition de ne pas rester plus de trois mois dans le même pays. Au-delà de cette période, les citoyens européens doivent disposer de ressources suffisantes et d’une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour l’assistance sociale de l’Etat où ils séjournent. Cela signifie le plus souvent trouver un travail. Cette situation, identique pour tous les citoyens européens même ceux qui sont au sein de l’espace Schengen, ne changera pas le 1er janvier. De même, les Roms aujourd’hui expulsés par la France pour divers motifs (menace pour l’ordre public, trouble à la salubrité publique, par exemple) pourront toujours l’être. De la même manière que peut l’être un citoyen d’un autre pays de l’UE.
Est-ce une ouverture aux Roms ? Les principales vagues d’immigrations ont déjà eu lieu : chute du mur(1989), suppression des visas (2001) adhésion (2007). Certains d’entre eux appartiennent à la communauté rom : 330 000 en Bulgarie et 620 000 en Roumanie, mais ils sont nombreux ailleurs notamment en Hongrie, Slovaquie, Italie, France, Espagne. Etre rom ne signifie pas être automatiquement bulgare ou roumain. Il est faux, une grossière erreur, de résumer l’ouverture du marché du travail aux ressortissants de Bulgarie ou de Roumanie à « une ouverture aux Roms ».
Y a-t-il un lien avec Schengen ?NON ! La libre circulation des travailleurs roumains et bulgares dans l’UE ne signifie pas non plus que la Roumanie et la Bulgarie rejoindront l’espace Schengen le 1er janvier prochain. Cette convention, synonyme à tort dans l’esprit des gens de relâchement des contrôles aux frontières, a été ratifiée par Bucarest et Sofia, mais sans effet pour l’instant. Chaque Etat membre de l’espace Schengen dispose en effet d’un droit de veto sur l’élargissement de l’Europe sans passeport, et Bucarest comme Sofia devraient continuer de s’y heurter, en raison notamment de la crainte de plusieurs Etats membres d’une immigration massive venue d’Asie et du Proche-Orient, via la Turquie et l’Ukraine. Rappelons en le soulignant que Schengen ne signifie pas disparition des frontières mais au contraire un renforcement des contrôles aux frontières extérieures, c’est sur celles-là d’où vient le danger et c’est sur celles là qu’il faut faire porter l’effort et pas sur les vieilles frontières intérieures où les contrôles ont été abolies, il y a plus de vingt ans, lors de la réalisation du « Grand Marché intérieur » encore faut-il préciser que des contrôles peuvent intervenir à l’intérieur du territoire, en tout point . L’ouverture totale du marché de l’emploi aux Bulgares et roumains n’a rien à voir avec l’adhésion des deux pays à l’Espace Schengen. Un tel élargissement requiert l’unanimité. Or à tour de rôle, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, voire d’autres, s’y opposent, arguant que les deux pays deviendraient gardiens d’une partie des frontières extérieures de l’UE et qu’ils doivent en conséquence améliorer leurs systèmes judiciaires et la lutte contre la corruption. Notons que la Commission européenne, qui n’est pas partie prenante à la prise de décision, a en son temps délivré son feu vert, estimant que les conditions techniques étaient remplies. La non appartenance de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Espace Schengen n’empêche pas leurs ressortissants de circuler librement au sein de l’UE et de bénéficier de tous leurs droits liés à ce droit fondamental qui a une valeur quasi constitutionnelle.
Cette date du 1er janvier est-elle liée à la directive sur les travailleurs détachés ? Non les travailleurs migrants européens ne doivent surtout pas être confondus avec eux. Les travailleurs migrants sont rémunérés comme les salariés du pays d’accueil et leur employeur doit payer les mêmes cotisations que pour un autre salarié du pays d’accueil. En revanche le salarié détaché doit, certes être rémunéré au même niveau que les nationaux et travailler dans les mêmes conditions (temps de travail hebdomadaire, nombre de congés payés…) mais l’employeur s’acquitte des cotisations sociales dans le pays d’origine du salarié détaché. C’est là qu’est la source d’une certaine concurrence déloyale.
Que nous enseigne le passé ? Les craintes initiales d’un afflux massif de travailleurs en provenance des nouveaux adhérents étaient exagérées et ne se sont pas vérifiées. En 2004 au moment de l’adhésion, un million de travailleurs en provenance de ces pays était recensé, en 2019, ils étaient 2,3 soit 0,6 % de la population totale. La Commission estime qu’en 2020 cette proportion passera à 1% avec d’ailleurs de grandes disparités de pays à pays. Mais il convient de faire remarquer que ce taux de 1% est bien inférieur à celui de 5% concernant les citoyens de pays tiers non membre de l’UE installés dans l’Union et ces chiffres restent très inférieurs à ce que l’on constate aux Etats-Unis par exemple. Les levées progressives des restrictions n’ont pas donné lieu à l’invasion de « hordes » de bulgares et roumains. Les craintes ont été surestimées.
Conclusions.
Les confusions sont nombreuses, chez les politiques notamment, mais également dans la presse, même celle qui a un bon renom, elle véhicule ( peut-être sans s’en rendre compte )les pire contrevérités et les erreurs grossières. Les autorités publiques, les politiques ne font pas assez de pédagogie, et d’informations factuelles objectives sur la question. Personne ne s’emploie à faire baisser l’ignorance, les préjugés. Le mal s’étend et gagne tout le monde y compris ceux qui ne sont pas des xénophobes, actifs, déclarés, conscients de l’être.
Pourquoi ce discours hystérique qui ne résiste pas à l’analyse des faits ? Réponse : c’est l’expression de la xénophobie et de la peur de l’étranger. « Le discours autour du risque de l’arrivée massive de migrants est l’expression de la xénophobie et de la peur de l’étranger » estime Laurent El Ghozi fondateur du collectif Romeurope. Selon lui, le scénario de l’invasion nait de la confusion entre levée des mesures transitoires, adhésion à l’Espace Schengen qui supprime les contrôles aux frontières intérieures et renforce la surveillance extérieure. L’adhésion future de la Roumanie et de la Bulgarie ne modifie en rien la libre circulation de leurs ressortissants, un droit dont ils jouissent depuis 2007.Sans oublier l’inévitable « les travailleurs détachés » pour lesquels les ministres viennent de tomber d’accord (Cf. autre article dans Nea Say) qui apporte son lot de confusions. Ne parlons pas du « phénomène ROM », autre problème complexe, mais différent. La crise économique et la crise d’identité rendent encore plus difficile le chemin qui mène à un espace Schengen pacifié et à une libre circulation sans entraves et sans querelles politiciennes.
Nous sommes encore loin de la volonté de la Commission européenne de faire de la libre circulation une valeur stratégique pour les citoyens, leurs familles, la croissance et l’emploi comme elle vient de le rappeler dans sa communication éclairante de novembre dernier .
Pour en savoir plus :
-.Libre circulation des personnes : cinq actions en faveur des citoyens, de la croissance et de l’emploi, Com/2013/837 final du 25 novembre 2013 (EN)http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=457&newsId=2006&furtherNews=yes (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0837:FIN:FR:PDF
-. La libre circulation des ressortissants de l’UE : (FR) http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=457&langId=fr (EN) http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=457&langId=en
-. Eurobaromètre, analyse de l’opinion publique : page d’accueil http://ec.europa.eu/public_opinion/index_fr.htm
-. The Guardian / the Observer 21 December 2013 : Bulgaria issues fierce rebuke to David Cameron over migrants. UK faces isolation, president warns, as prime minister is accused of’pandering ‘to nationalists http://www.theguardian.com/uk-news/2013/dec/21/bulgaria-rebuke-david-cameron-migrants
-. Aide Mémoire du commissaire Laslo Andor du 1er janvier 2014 http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-1_en.htm