Facilitation d’enquête européenne en matière pénale: le rapport Melo au Parlement européen..

Les autorités judiciaires qui demandent à leurs homologues dans d’autres États membres de mener des enquêtes pénales dans leur pays, par exemple des perquisitions ou des interrogatoires de témoins, devraient obtenir une réponse plus rapide et plus favorable, grâce à un accord entre le Parlement et le Conseil. La  commission des libertés civiles (LIBE) a adopté le 5 décembre dernier le rapport Melo. L’accord sur la directive de décision d’enquête européenne inclut des dispositions pour garantir le respect total des droits fondamentaux.

 La coopération judiciaire traditionnelle en matière pénale repose sur divers instruments internationaux, essentiellement caractérisés par le «principe de la requête», qui doit s’entendre dans ce sens: un État souverain présente une requête à un autre État souverain, qui décide alors de donner ou de ne pas donner suite à cette demande. Cependant, le système traditionnel présent dans la pratique certaines lacunes, une lenteur et une complexité excessive, entravant la bonne administration de la justice, en temps utile et de façon efficace.

 Contexte. Pour cette raison le Conseil européen, réuni à Tampere en octobre 1999, a estimé que le principe de reconnaissance mutuelle devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l’Union. Cependant, la règle veut que la reconnaissance mutuelle automatique ne soit possible que dans les domaines du droit substantiellement harmonisés, ce qui est rarement le cas au sein de l’Union.

 L’application intégrale de la reconnaissance mutuelle doit donc faire face à différents problèmes posés  par les institutions juridiques et constitutionnelles des États membres. La difficulté réside dans la nécessité de sauvegarder les différences qui existent encore entre les pays en ce qui concerne les définitions des différentes infractions, ainsi que d’éviter qu’un État membre veuille opter pour une décision d’enquête européenne sachant que, dans le pays d’exécution, les faits qui la justifient ne constituent pas un acte criminel et ne seront dès lors pas sanctionnés.

 À cet égard, il convient de signaler que les actes juridiques existants sur la reconnaissance mutuelle (mandat d’arrêt européen, mandat européen d’obtention de preuves, etc.) ont supprimé le contrôle de la double incrimination en établissant une catégorie de 32 infractions sur la base de la présomption que ces infractions sont à ce point harmonisées qu’elles permettent la suppression de la double incrimination en question. Néanmoins, dans la pratique, cela ne s’est pas produit.

 Un autre point fondamental se fonde sur le principe de proportionnalité. Toute violation visible de ces exigences doit permettre à l’autorité d’exécution de refuser la mesure, en se basant sur la violation des droits de l’homme, ou sur la violation des principes constitutionnels fondamentaux. Conformément au principe de proportionnalité, l’Union européenne doit prendre uniquement les mesures nécessaires pour atteindre ses objectifs. Cela signifie que l’intensité de l’action doit être liée à la finalité poursuivie.

 En outre, il est capital de garantir qu’une décision d’enquête européenne soit adressée aux autorités compétentes et de prévenir ainsi le risque que des autorités étrangères soient impliquées dans l’échange de données à caractère personnel. Dans ce contexte, le rôle que EUROJUST doit jouer est tout à fait fondamental, étant donné qu’il s’agit d’un organisme spécialement créé dans le cadre de l’Union européenne pour promouvoir et améliorer la coordination des enquêtes et procédures pénales entre les autorités compétentes. Ce principe garantira la confidentialité des informations transmises, de manière à sauvegarder les droits fondamentaux des personnes impliquées, et assurera la réciprocité des informations entre les autorités compétentes.

 Afin de défendre le droit à un jugement équitable, il est nécessaire d’offrir un accès effectif à la justice. L’approbation et l’exécution d’une décision d’enquête européenne exigent des garanties spécifiques pour veiller à ce que les droits de toutes les personnes intéressées soient effectivement protégés. Les normes minimales de défense dans les procédures pénales incluent notamment la présomption d’innocence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, le droit d’être informé des charges retenues contre soi, le droit à une représentation juridique et le droit d’être assisté gratuitement d’un interprète (article 48 de la Charte et article 6, paragraphes 2 et 3, de la Convention européenne des droits de l’homme).

 Contenu de la directive. À l’égard de l’inadéquation de la coopération judiciaire classique par rapport à la réalité européenne actuelle, l’avancée que représente l’adoption de la directive objet du rapport Melo constitue sans nul doute un facteur positif, clairement propice à revigorer la construction de l’espace pénal européen.

 Le défi posé à la construction pénale européenne consiste dès lors à ce qu’elle puisse avoir lieu dans le respect et la garantie des droits fondamentaux. Il est significatif que le préambule de la Charte des droits fondamentaux fasse référence expressément à l’espace de «liberté, de sécurité et de justice», de par sa nature particulièrement sensible en termes de droits et de libertés fondamentales. Il est inutile de rappeler que la garantie doit être « réelle » et non « formelle ». Or, la création pensée et réfléchie de l’espace pénal européen implique de garantir, dans l’Union, un contrôle juridictionnel du respect des droits fondamentaux.

 L’importance de l’espace pénal européen est aujourd’hui évidente. Il s’agit d’une priorité concédée dans la construction européenne avec une émancipation progressive par rapport aux mécanismes classiques de coopération. Après avoir promu la coopération policière et judiciaire afin de compenser la disparition des frontières intérieures, l’Union européenne va à présent au-delà de cette coopération interétatique au profit de la construction progressive d’un espace pénal homogène.

Les avancées doivent avoir lieu autour des axes suivants: reconnaissance mutuelle, coordination des enquêtes et protection des droits fondamentaux dans les procédures pénales, en application des mesures définies à l’article 82 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La relation de complémentarité entre la reconnaissance mutuelle et l’harmonisation est réaffirmée en accentuant le fait que la reconnaissance mutuelle ne peut se faire sans harmonisation.

 Objectifs. L’objectif principal de la décision d’enquête européenne est de veiller à ce que les autorités judiciaires puissent demander plus facilement l’ouverture d’une enquête dans un autre pays de l’UE et ainsi obtenir des preuves. Par exemple, si les autorités judiciaires françaises recherchent des criminels qui se cachent en Allemagne, elles pourraient demander à leurs homologues allemands d’effectuer une perquisition ou d’interroger des témoins en Allemagne.

 Ce genre d’opérations est déjà possible, mais les enquêteurs doivent se baser sur un ensemble de règles dont certaines remontent à plus de 50 ans et qui, dans de nombreux cas, sont sources de retards injustifiés et de charges supplémentaires. De plus, la décision d’enquête européenne réduira les formalités administratives en introduisant un formulaire standard unique pour la demande d’aide en vue de mener une enquête pénale ou d’obtenir tout type de preuve.

 En outre, conformément aux nouvelles règles, une demande de décision d’enquête européenne pourra uniquement être refusée pour des motifs spécifiques, par exemple si elle menace la sécurité nationale ou si la mesure demandée n’est pas autorisée par la loi dans l’État membre concerné.

 Par ailleurs, les députés ont introduit des dispositions pour garantir le respect total des droits fondamentaux. Les autorités judiciaires des États membres peuvent refuser une décision d’enquête européenne si elles estiment qu’elle est incompatible avec leurs obligations en matière de droits fondamentaux. C’est la première fois qu’une disposition explicite est introduite dans un instrument de reconnaissance mutuelle en droit pénal.

 Les États membres disposeraient d’un délai maximal de 30 jours pour décider d’accepter ou non une demande de décision d’enquête européenne. Si elle est acceptée, un délai de 90 jours serait alors fixé pour mener l’enquête demandée. Tout retard devrait être communiqué au pays européen qui a fait la demande de décision d’enquête européenne. Ces délais visent à garantir que les enquêtes pénales transfrontalières ne soient pas retardées sans justification.

 Bien que le rapport Melo soit bien conçu dans ces objectifs, il a suscité quelques controverses entre les députés de la Commission LIBE, notamment en ce qui concerne les domaines du droit qui ne sont pas encore harmonisés. Il faudra donc travailler afin que la directive en examen puisse être adoptée sous la nouvelle présidence grecque du Conseil.

   Le texte devrait être voté en plénière au début de l’année prochaine et adopté formellement par le Conseil des ministres peu après. Une fois la directive adoptée, les États membres disposeront de trois ans pour la transposer en droit national. Le Royaume-Uni prendra part aux dispositions sur la décision d’enquête européenne, mais pas l’Irlande ni le Danemark.

 «Cet instrument permettra des poursuites pénales efficaces, en particulier pour les crimes transfrontaliers liés par exemple au terrorisme, à un meurtre, au trafic de drogues et à la corruption. Il garantira aussi le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales », a conclu le rapporteur du Parlement Nuno Melo.

 

 Cesare Tanda

 Pour en savoir plus:

       -. Draft report MELO on the European Investigation Order in criminal matters: (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/889/889747/889747en.pdf (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/889/889747/889747fr.pdf

       -. Amendments 55 – 199 (MELO):(EN)http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/891/891612/891612en.pdf (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/891/891612/891612fr.pdf

       -.Working document no. 1 MELO on the European Investigation order in criminal matters:

(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dt/887/887403/887403en.pdf

(FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dt/887/887403/887403fr.pdf

      -. Working document no. 2 MELO on the European Investigation order in criminal matters:

(EN)http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dt/887/887421/887421en.pdf (FR)http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dt/887/887421/887421fr.pdf

       -. Making cross-border crime investigations easier:

(EN) http://www.europarl.europa.eu/news/en/news-room/content/20131202IPR29571/html/Making-cross-border-crime-investigations-easier

(FR) http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20131202IPR29571/html/Faciliter-les-enquêtes-pénales-transfrontalières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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