Mettre en place un espace de justice pénale dans l’Union européenne.

Le 12 février dernier,  Mme Marianne Wade, directrice de l’Institute de l’administration judiciaire de la faculté de droit de Birmingham, a présenté à la commission LIBE une étude intitulée «Développement d’un espace de justice pénale dans l’Union européenne». L’étude présentée par Mme Wade vise à contribuer au débat sur la mise en place d’un espace de justice pénale dans l’Union européenne conformément au Traité de Lisbonne. Comme l’avait envisagé la commission LIBE, elle se penche tout d’abord sur la notion de formes graves de criminalité en ce qu’elle pourrait contribuer à définir le champ législatif matériel de cet espace.«La notion de formes graves de criminalité n’a pas de portée juridique dans les États membres et, par conséquent, l’analyse de cette notion et des procédures et mécanismes spécifiques mis en place par les États membres à cet égard ne peut constituer une base suffisante pour une initiative européenne» a souligné Mme Wade. Il faut tout d’abord que la notion de formes graves de criminalité soit définie d’une façon autonome en recherchant une base spécifique pour définir et limiter le champ d’application matériel d’un espace de justice pénale dans l’Union européenne.

Le contenu de l’étude.

L’indéniable différence entre «procédures spécialisés» et «procédures normales» dans les États membres rend impossible le recours à une analyse juridique comparative des pratiques des États de l’UE pour dégager des indicateurs quant à la portée légitime d’un espace de justice pénale. Il convient clairement de limiter cette portée aux infractions pour lesquelles une intervention supranationale est nécessaire, mais il apparaît qu’une définition autonome est nécessaire pour circonscrire cet espace.

Selon l’étude de la faculté de droit de Birmingham, deux grandes catégories d’activités criminelles peuvent légitimement relever d’une telle définition. D’une part, les infractions dont l’Union européenne est elle-même victime et, d’autre part, les infractions pour lesquelles l’Union a une obligation morale d’intervenir dans la mesure où elles facilitent d’une façon ou d’une autre la criminalité transnationale. Ce dernier cas concerne toutes les situations où les libertés garanties par l’Union font l’objet d’abus à des fins illégitimes. Il s’agit des valeurs communes de l’Union en tant que communauté susceptibles, en tant que telles, d’être protégées par le droit pénal.

Les systèmes de justice pénale ne doivent être, conformément aux traditions européennes, mis en œuvre qu’en dernier ressort. Il convient de procéder à un examen attentif des catégories d’actes répréhensibles et du caractère proportionnel du recours à des mécanismes supranationaux de justice pénale afin de les combattre, ainsi qu’à un contrôle de subsidiarité, avant qu’un espace de justice pénale dans l’Union européenne ne puisse être mis en place pour le traitement de ces infractions.

 Compte tenu du haut degré de priorité accordé à un grand nombre de droits et de leur mise en œuvre parfois rigoureuse, il apparaît qu’un espace de justice pénale dans l’Union européenne devrait être conçu comme un espace de normes élevées et de bonnes pratiques.

Les formes graves de criminalité.

 Pour ce qui concerne les formes graves de criminalité, il semble que, dans les faits, les enquêtes menées dans les États membres se fondent toujours sur l’exercice d’une direction donnée en matière de poursuites. La grande majorité des juridictions confient aux procureurs la direction des enquêtes et, pour les formes graves de criminalité, cela se reflète également en pratique. Toutefois, les enquêtes ne relèvent pas uniquement des organismes publics.

En effet, un grand nombre d’États membres accordent aux défendeurs et/ou à leurs avocats des droits de participation et un petit nombre d’États membres accordent également des droits formels aux victimes. Pour mettre en place un espace de justice pénale dans l’Union européenne, il importe que ces intérêts ne soient pas ignorés puisqu’ils constituent une part importante des attentes des citoyens en matière de justice.

La durée des peines de prison auxquelles peuvent être condamnés les citoyens varie largement selon les États membres, traduisant des conceptions très différentes de ce qu’un État peut légitimement imposer à ses citoyens. Il est difficile d’envisager qu’une notion commune se dégage dans les années à venir.

Les mauvaises conditions de détention sont un phénomène bien trop répandu dans l’Union. Cela nuit à la confiance mutuelle des praticiens du droit pénal dans les systèmes des autres États membres, alors que cette confiance devrait justement constituer la base d’une reconnaissance mutuelle. Si un espace de justice pénale dans l’Union européenne doit servir les intérêts des citoyens et leur notion de la justice, cette question doit être réglée de toute urgence.

Tous les facteurs juridiques plaident en faveur de la présence obligatoire d’avocats de la défense conformément aux traditions des États membres. En toute logique, ces frais de défense sont généralement pris en charge par l’État concerné, même si les systèmes utilisés à cet effet varient.

 

Conclusion.

 La citoyenneté européenne constitue une notion essentielle pour la mise en place d’un espace de justice pénale dans l’Union européenne. En effet, certains intérêts des citoyens ne peuvent être protégés efficacement que par l’Union. La bonne gouvernance implique par conséquent que l’espace de justice pénale dans l’Union européenne ne concerne qu’un nombre limité d’infractions matérielles.

Les critiques adressées jusqu’à maintenant aux développements de la justice pénale européenne concernent les notions d’équité, de droits individuels, d’intérêt des victimes et de la société dans son ensemble. Il est en particulier déploré que les droits individuels soient négligés de façon disproportionnée, voire ignorés. Se baser sur l’idée d’un espace de justice pénale dans l’Union européenne au service des citoyens européens dans leur ensemble et de chaque citoyen en particulier, tout en reconnaissant que ce système fonctionne à l’aide de mécanismes plaçant les citoyens dans une situation précaire, pourrait contribuer de manière utile à la poursuite du développement d’un espace de justice pénale dans l’Union européenne.

Cesare Tanda

  

Pour en savoir plus:

-. Developing a Criminal Justice Area in the European Union: (EN)http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dv/16_executivesummary_/16_executivesummary_en.pdf (FR)http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dv/16_executivesummary_/16_executivesummary_fr.pdf

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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