FOOD FOR THOUGHT
Question time : managing the priorities
EU Poll. No time to lose !
Membre: LIBE Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures
Membre suppléante: AFCO Commission des affaires constitutionnelles; FEMM Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres; D-MX Délégation à la commission parlementaire mixte UE-Mexique; DLAT Délégation à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine
- PROGRAMME POST-STOCKHOLM
1. En matière de justice et affaires intérieures (agenda post-Stockholm) quels domaines sont à approfondir ?
Selon moi, nous devrons mettre l’accent à l’avenir sur des domaines comme la lutte contre les discriminations, l’assistance juridictionnelle ou encore la défense de la mobilité des travailleurs, qui sont des politiques déterminantes pour le quotidien des citoyens européens et l’avenir de l’espace européen de sécurité, liberté et justice.
Je regrette à cet égard que l’agenda post-Stockholm soit fixé par le Conseil lors de sa rencontre des 26-27 juin 2014, alors même que cette période coïncidera avec celle d’une Commission finissante et d’un Parlement européen, nouvellement élu, et qui ne sera pas encore pleinement opérationnel.
Ces orientations ne devraient plus pouvoir être rédigées par le Conseil seul mais bien plus dans l’esprit du Traité de Lisbonne, à savoir par un exercice conjoint du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.
En outre, je crains que les ambitions affichées ne se réduisent au final qu’à peau de chagrin en raison de divergences profondes au sein du Conseil sur un grand nombre de priorités et sur les arguments de subsidiarité déjà avancés par certains États.
Aussi j’estime que face à la crise économique que nous traversons, nous devons au contraire nous engager « pour plus d’Europe », sans quoi nous risquerions fort bien de voir cette crise se transformer en une profonde crise démocratique qui ne pourrait qu’être préjudiciable à tous.
- PROTECTION DONNÉES SUR L’INTERNET & SURVEILLANCE DE MASSE
1. Quel rôle l’UE devrait-elle assumer dans la gouvernance d’Internet ?
J’estime que le rôle de l’Union européenne doit pouvoir se décliner dans plusieurs directions sur cette question : cela va de l’adoption d’une législation européenne forte sur les données personnelles, à la révision de la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises afin de mieux protéger les citoyens contre l’IP-tracking et toute autre technique de traçage, en passant par l’instauration d’un « Cloud » européen qui imposerait le stockage des données personnelles collectées dans des infrastructures situées sur le territoire européen et soumises à des garanties fortes, ou encore la création d’une « Taxe Google », sur la base d’une coopération renforcée, portant sur les flux de données, ou même la création d’un moteur de recherche européen.
2. Quels sont les moyens possibles pour préserver la protection des données personnelles des citoyens et des acteurs économiques tout en garantissant leurs droits au choix ainsi qu’à la libre expression ?
Il nous faut adopter un cadre européen ambitieux de protection des données personnelles, qui, d’un côté, impose un consentement explicite et informé de l’utilisateur pour chaque acte de collecte, de traitement ou de vente de ses données, encadre strictement le profilage et évite toute forme de discrimination résultant de mesures de profilage, sanctionne davantage les entreprises dans les cas d’abus de collecte, de traitement ou de vente de données personnelles, encadre mieux le transfert de leurs données vers des pays tiers, et de l’autre côté, permette de restaurer la confiance des consommateurs dans les entreprises sur internet, en assurant une meilleure sécurité juridique des entreprises dans un cadre harmonisé au niveau européen, et en exemptant les PME dont l’activité principale n’est pas le traitement de données personnelles.
Un autre moyen d’action porte sur la défense du principe de neutralité du Net. C’est en ce sens que je me suis exprimée le 3 avril dernier pour faire en sorte que les fournisseurs d’accès à internet ne puissent pas bloquer ni ralentir l’accès aux sites qui leur déplaisent, ni accorder de traitement préférentiel à l’un plutôt qu’à l’autre. J’ai aussi défendu l’introduction d’une définition qui garantisse à tous les usagers un accès permanent aux contenus de leur choix et une vitesse de connexion adéquate.
Ce sont des éléments essentiels tant pour les consommateurs que les petites entreprises de télécoms et cette réforme devrait favoriser des investissements et la création d’emplois. L’Internet doit rester un espace public où chacun peut accéder à un service ou une application de son choix, sans restriction ou limitation.
- JUSTICE
1. La Commissaire Viviane Reding insiste sur la nécessité d’une « justice pour la croissance ». Quels sont les moyens pour garantir un système judiciaire plus performant et équitable ?
Plusieurs démarches ont déjà été engagées dans le sens d’une réforme de la justice, domaine qui demeure encore largement de la compétence des Etats membres : qu’il s’agisse du droit à l’interprétation ou la traduction, du droit d’accès à l’avocat, de la lettre de droits, ou encore de la décision d’enquête pénale et du rôle d’Eurojust, ces décisions vont dans le bon sens et devraient encore être complétées, notamment en ce qui concerne l’accès à l’aide juridictionnelle sans laquelle le droit d’accès à l’avocat reste vain.
En outre, la mise en place d’un tableau de bord de la justice peut véritablement aller dans le sens d’une réelle amélioration, en soulignant la nécessité de garantir un système de justice de qualité dans le domaine de la justice civile, commerciale et administrative, ce qui ne peut qu’être profitable à nos concitoyens.
- LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE
1. Quels moyens peuvent améliorer la lutte contre la criminalité et la corruption au niveau européen ?
Les défis dans ce domaine sont immenses : lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée transnationale (notamment criminalité économique), cybercriminalité et criminalité facilitée par l’usage d’Internet (pédopornographie notamment), protection des infrastructures critiques ainsi que lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, la radicalisation violente et le commerce des armes à feu illégales…
Des instruments sont déjà en place, ou viennent tout juste d’être adoptés, pour favoriser une plus grande coopération entre les forces répressives, comme c’est le cas sur le gel des avoirs criminels par exemple.
Il nous faut toutefois regretter le fait que les différents instruments dédiés à l’échange d’informations en matière répressive est complexe et fragmenté et qu’il conduit à une utilisation inefficace des instruments disponibles ainsi qu’à une responsabilisation et à un contrôle démocratique inadéquat à l’échelle de l’Union européenne ; il nous faut donc travailler à renforcer la confiance mutuelle des autorités répressives afin de renforcer l’échange d’informations, sans quoi nous aurons beau développer d’autres outils encore, s’ils ne sont pas exploités dans leur plein potentiel, ils seront tout bonnement inutiles.
2. Comment assurer la sécurité des citoyens européens tout en préservant leurs droits fondamentaux ?
Comme je viens de le dire précédemment, certainement plus en développent la confiance entre les autorités nationales répressives, et certainement pas en développant davantage de moyens de surveillance pour lesquels nous n’avons absolument pas l’assurance qu’ils seront efficaces aux fins de l’objectif poursuivi.
La sécurité ne peut certainement pas tout justifier et ne saurait être acceptable si elle s’accompagne de mesures attentatoires aux libertés individuelles. C’est dans cet esprit que j’estime que nous devons rejeter toute mesure qui aboutirait à une surveillance préventive en l’absence de soupçons, faisant de chaque individu un suspect en puissance, cela n’est pas acceptable.
3. Croyez-vous que le mandat d’arrêt européen limite les droits des citoyens européens à avoir un recours effectif ? Si c’est le cas, pensez-vous que la nouvelle proposition de directive de la Commission européenne concernant la tutelle légale des personnes sujettes au mandat d’arrêt européen est adéquate pour assurer un recours effectif ?
Après près de 10 années de pratique, l’heure est à présent au bilan de cet instrument que le Parlement européen appelle à réviser pour palier plusieurs insuffisances identifiées, en demandant :
– l’introduction d’une clause sur le respect des droits fondamentaux et un « critère de proportionnalité » pour éviter que le Mandat d’Arrêt Européen ne soit utilisé de manière abusive et pour des délits mineurs, comme cela a pu lui être reproché dans des cas de remise de militants nationalistes basques par la France à l’Espagne ;
– l’introduction d’un droit de refus obligatoire, s’il existe des « motifs substantiels de croire que l’exécution de la mesure serait incompatible avec l’obligation de l’État membre d’exécution en vertu de l’article 6 du traité de l’UE et de la Charte des droits fondamentaux », mention qui n’existe pas dans la décision-cadre actuelle ;
– la mise en place d’un « contrôle de proportionnalité » sur la base de tous les facteurs pertinents, tels que la gravité de l’infraction, si l’affaire est prête pour le procès, l’impact sur les droits de la personne recherchée, y compris la protection de la vie privée et de la vie familiale, les répercussions sur les coûts et la disponibilité d’une mesure alternative moins intrusive ;
– enfin, les États membres devraient veiller à ce que toute personne dont les droits et libertés auraient été violés par la mise en œuvre du MAE, ou tout autre instrument de reconnaissance mutuelle en matière pénale, ait le droit à un recours effectif devant un tribunal.
Il nous faut donc une révision de cet instrument afin de le mettre en phase avec les exigences de respect des droits fondamentaux des citoyens européens, sans en altérer pour autant son efficacité.
- POLITIQUE D’ASILE
1. Y a-t-il des éléments du paquet asile, adopté en juin 2013, qui doivent être améliorés ? Si oui, pourquoi et comment ?
Malgré les efforts d’harmonisation entrepris depuis 1999, des divergences importantes persistent dans les pays européens en matière d’asile. Il suffit de comparer les taux de reconnaissance d’un État membre à l’autre pour constater à quel point demander l’asile en Europe peut encore s’apparenter à une loterie selon le pays responsable de la demande.
C’est pour répondre à ces difficultés que je me suis engagée dans la réforme du droit d’asile au niveau européen, pour que ce droit s’applique dans toute l’Union de manière plus juste, plus efficace, plus homogène, s’attachant à une meilleure protection des demandeurs et à une approche solidaire entre États membres.
Les textes approuvés ne sont évidemment pas parfaits, mais ils ont le mérite de fixer certaines règles qui manquaient jusqu’à présent. Le vide juridique qui a perduré jusqu’à présent a permis à certains États d’avoir des pratiques tout à fait scandaleuses en matière de protection des demandeurs.
À maintes reprises, les Socialistes ont rappelé qu’il était impératif de garantir une réelle valeur ajoutée de la réforme en cours par rapport au système existant. Alors que la droite militait pour le maintien d’un statu quo, les Socialistes ont privilégié une stratégie d’équilibre global à la fois ambitieuse et pragmatique ; une stratégie qui allie la qualité des systèmes d’asile, le respect des droits, l’efficacité du processus décisionnel et le suivi des politiques menées.
Des combats restent encore à mener et il s’agira notamment de :
– Renforcer l’efficacité et la qualité du processus décisionnel, en consentant dès la première instance, un effort soutenu en matière de services, de conseil et d’expertise pour permettre une prise de décision plus rapide et plus juste : les réfugiés pourront ainsi bénéficier d’un accès plus rapide à leurs droits et les cas de demandes infondées seront mieux identifiés.
– Accroître le dialogue et les échanges de savoir-faire entre les institutions européennes et la société civile : au sein du Bureau Européen d’Appui en matière d’Asile, le rôle du forum consultatif devra être renforcé pour assurer une meilleure coopération entre le Bureau et les institutions de la société civile concernées, d’une part, et d’autres organismes compétents d’autre part, actifs dans le domaine de la politique d’asile à l’échelle locale, nationale, européenne ou internationale.
– Appeler à la vigilance quant à la transposition en droit national : il sera primordial de veiller à un suivi étroit de l’interprétation et de la mise en œuvre du Paquet asile au niveau national, en particulier sur la question des mineurs non accompagnés, la détention, ou encore l’accès des forces de police aux données de la base Eurodac.
– Augmenter la participation de l’UE dans l’effort mondial de réinstallation : seuls 7% du nombre de personnes réinstallées dans le monde l’ont été en Europe. L’Europe peut faire plus et mieux.
– Accroître la coopération avec les pays tiers : il nous faut renforcer la coopération avec les pays tiers sur des aspects techniques, notamment en vue d’aider ces pays à consolider les capacités de leurs propres régimes d’asile et d’accueil (échanges, formations) et intégrer dans leur gestion des frontières les normes fixées par le droit international et l’UE (notamment en matière de principe de non refoulement).
2. Pensez-vous que le règlement Dublin III garantisse un partage équitable des responsabilités entre les Etats membres ? Si non, en quoi faut-il le modifier ?
Tout d’abord, je tiens à rappeler qu’il était urgent de réformer le système Dublin, un système dont le coût reste tabou, mais dont l’inefficacité et les dysfonctionnements ne le sont plus. Il était également impératif de défendre une vision plus humaine du système, garante également d’une meilleure efficacité.
Ensuite, je soulignerai les éléments positifs de cette réforme à laquelle il n’a pas été facile d’aboutir, en raison d’une opposition tenace du Conseil, face à un Parlement s’attachant à défendre une meilleure protection des demandeurs et une approche solidaire entre États membres. J’en relèverai plusieurs :
– Un meilleur accès à l’information pour les demandeurs : les États membres ont pour obligation de prévoir une information du demandeur sur le système Dublin et leurs droits et de procéder à un entretien individuel.
– Un recours suspensif et l’assistance juridique gratuite : les demandeurs doivent pouvoir faire appel des décisions de transfert et, dans ce cas, bénéficieront d’une assistance juridique gratuite (sauf si une juridiction décide que la procédure n’a aucune chance d’aboutir) ; ils pourront aussi demander à rester dans le pays le temps que leur cas soit jugé.
– Un meilleur cadrage de la détention : les demandeurs peuvent faire l’objet d’un placement en détention quand il est établi – selon des critères clairement définis dans le droit national- que les demandeurs risquent de prendre la fuite. Il est prévu que la durée de placement en détention ne puisse excéder 3 mois.
– Un renforcement des droits des mineurs non accompagnés et des autres personnes vulnérables : ainsi les mineurs dont les parents ne sont pas dans l’UE devraient avoir le droit d’être réunis avec d’éventuels grands-parents, frères et sœurs ou oncles et tantes.
– Le mécanisme d’alerte rapide : ce mécanisme permettra d’anticiper au mieux les dysfonctionnements des systèmes nationaux d’asile et de prévoir par conséquent une série d’étapes pour y remédier au plus tôt.
Enfin, si le texte approuvé n’est évidemment pas parfait, il a le mérite de fixer certaines règles qui manquaient jusqu’à présent. À ce stade, il est encore difficile de prédire quel impact cette révision du règlement aura réellement en pratique. En effet, beaucoup de dispositions sont nouvelles ou formulées de telle façon à laisser aux États membres une marge d’interprétation relativement importante.
Il sera par conséquent essentiel d’être très vigilants dans la transposition de ce nouvel instrument pour mesurer dans les faits quel est le véritable impact de Dublin III.
3. L’Union européenne a adopté un statut de protection temporaire pour les réfugiés issus des crises comme celle en Syrie qui n’a pas été exploité jusqu’à présent. Comment pourrait-on améliorer son usage ?
On peut effectivement s’étonner du fait que les Etats membres de l’Union européenne qui ont adopté la Directive sur la protection temporairene la mettent pas en œuvre dans le cas des réfugiés syriens, alors même qu’elle permettrait justement d’organiser dans de meilleures conditions les opérations de réinstallation et la répartition de l’accueil par ces Etats. Pour les personnes qui parviennent à atteindre le territoire européen, l’« afflux massif », requis pour l’activation de cette Directive, devrait être considéré comme constitué.
C’est justement cette notion d’afflux massif qui devrait être précisée car elle reste soumise à de larges marges d’interprétation qui la rendent, de fait, inapplicable à ce jour. Encore une fois, on est loin de l’esprit de solidarité qui devrait animer les membres de l’UE, et ce d’autant plus en période de crise économique et de montée des populistes et nationalistes qui défendent les intérêts nationaux, bien avant le reste.
- TRAVAIL ET IMMIGRATION
1. Êtes-vous favorable à une approche sélective à l’immigration ?
J’estime avant tout que nous devons sortir de cette vision fantasmée et manichéenne qui ferait de l’Europe une « forteresse » imprenable pour les uns ou une grande « passoire » pour les autres. Pendant des années, le Conseil européen, dominé par les Conservateurs, n’a eu de cesse, allié à un Parlement européen dominé par la droite, de développer une boîte à outils européenne extrêmement bien pourvue en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’en finir avec une politique à courte vue qui tait les besoins démographiques à moyen terme. Nous devons donc aller au-delà de simples aménagements cosmétiques en améliorant les vois légales d’accès à l’immigration, en particulier pour les travailleurs peu ou pas qualifiés.
Avec mes collègues socialistes européens, nous voulons que l’Union européenne promeuve activement l’ouverture des canaux d’immigration légaux, garantissant l’accès à l’emploi, à l’éducation et à la recherche en fonction des besoins des différents marchés du travail, des enjeux démographiques auxquels l’Europe sera confrontée, et sur la base de politiques actives en matière d’intégration et d’inclusion, reposant sur un ensemble fort de droits sociaux et civiques pour les migrants.
Cela permettra également de réduire la nécessité pour les migrants de recourir à des méthodes d’entrée irrégulières toujours plus dangereuses, et qui constituent une activité extrêmement lucrative pour les organisations criminelles se livrant à la traite des êtres humains.
2. Que faire pour assurer l’intégration socio-économique des migrants ?
Il est dans l’intérêt de l’Union et de ses citoyens de faire en sorte que les migrants puissent s’intégrer et jouer pleinement un rôle dans la société.
Nous avons conduit les efforts en vue de l’adoption, au niveau de l’Union, d’instruments juridiques en matière de migration qui garantissent aux travailleurs une égalité de traitement contre le dumping social, comme la directive sur les travailleurs saisonniers. Nous avons obtenu des garanties pour les droits des travailleurs, avec des sanctions adéquates à l’égard des employeurs qui recourent au travail non déclaré.
Tous nos efforts doivent viser à défendre une politique européenne progressiste en matière d’immigration, au sein de laquelle les individus, leur dignité, leur sécurité et leur protection occupent une place centrale. Les migrants ne sont pas juste des travailleurs; ce sont avant tout des êtres humains, dotés des mêmes droits humains et sociaux comme les autres, qui ont le droit de circuler librement et de bénéficier de l’égalité de traitement sur le lieu de travail.
Cet effort doit s’accompagner d’un plus grand soutien de l’Union européenne aux communautés nationales et locales qui contribuent aux efforts d’inclusion et d’intégration, notamment dans le cadre urbain, en faveur de politiques d’emploi, de cohésion et de développement régional.
L’Union européenne doit également favoriser une conception plus inclusive de la citoyenneté et encourager les États membres à rendre possible l’extension de la nationalité aux enfants et aux jeunes nés ou ayant grandi en Europe, comme une étape fondamentale vers une véritable intégration. L’extension du droit de vote lors des élections locales et européennes aux citoyens qui résident depuis longtemps dans l’Union pourrait largement contribuer à leur intégration.
L’Union européenne doit enfin veiller à ce que les États membres appliquent la législation européenne et mettent fin à toutes formes de discrimination fondées sur l’origine ethnique, les convictions, l’âge, le sexe, le handicap ou l’orientation sexuelle, que ce soit sur le lieu de travail ou ailleurs dans la société.
Nous continuons de demander au Conseil de soutenir une directive globale étendant la protection contre la discrimination, quels qu’en soient les motifs. Nous devons aussi nous opposer à ceux qui cherchent à utiliser la question de l’immigration pour promouvoir la xénophobie.
- ÉGALITÉ DES GENRES
1. Quels sont les enjeux majeurs concernant l’égalité homme-femme au niveau européen ? Des quotas dans les entreprises sont-ils nécessaires ?
Le continent européen doit être un espace d’émancipation et de progrès pour les femmes et les hommes qui y vivent. Dans une Europe dominée par l’austérité, le principal enjeu reste selon moi la lutte contre les inégalités salariales et la précarité qui touche plus violemment encore les femmes. Nous devons nous doter d’une législation plus contraignante en matière d’égalité salariale, afin que les entreprises mettent systématiquement en œuvre des programmes d’action.
De même, il nous faut définitivement adopter le projet de directive permettant d’allonger le congé maternité à 20 semaines, d’interdire le licenciement des travailleuses enceintes, et d’instaurer un congé paternité rémunéré d’au moins deux semaines, dans tous les pays de l’Union européenne.
S’agissant des quotas dans les entreprises, je considère que nous devons en finir avec les clubs masculins très fermés que sont essentiellement aujourd’hui les conseils d’administration. Pourquoi en passer par l’instauration de quotas ? Parce que sans aucune action légale, nous avons bien peu de changements à attendre pour en finir avec les postures actuelles qui tolèrent l’existence d’inégalités dans le monde de l’entreprise.
Il ne s’agit pas là selon moi de mener la guerre des sexes : nous avons la responsabilité d’accélérer notre route vers l’égalité. Il s’agit donc bien plus de créer un terrain plus favorable aux femmes, en donnant un sérieux coup d’accélérateur aux entreprises en mouvement sur ce sujet. C’est seulement par ce phénomène d’entraînement que l’on pourra véritablement progresser dans la féminisation des comités exécutifs et des directions, qui progresse encore trop lentement.
2. Est-ce que vous êtes favorable à l’adoption d’un cadre européen sur l’avortement ?
La santé sexuelle et génésique, l’éducation sexuelle, les grossesses non désirées, les avortements, la violence à l’égard des femmes sont redevenus des sujets où des retours en arrière se manifestent aujourd’hui partout en Europe. Les femmes qui ont les revenus les plus faibles ne peuvent pas se rendre dans les pays où l’avortement est pratiqué dans un cadre légal et donc médicalement plus sûr.
Le temps des cintres, des aiguilles à tricoter, des faiseuses d’ange et des douloureux voyages loin de chez soi pour pouvoir mettre un terme à une grossesse non désirée parait loin, et pourtant, c’est une réalité pour beaucoup d’Européennes.
Le revirement que constitue la présentation de cette loi limitant strictement l’accès à l’IVG en Espagne illustre non seulement la fragilité de ces acquis face à la vague réactionnaire que traverse le continent, mais surtout la nécessité de ne jamais abandonner le combat pour une Europe des droits des femmes, dans laquelle la France a un rôle majeur à jouer. Tous les pays industrialisés et développés doivent pouvoir protéger et accueillir ces femmes qui veulent avorter.
L’avortement est un droit fondamental : rien ne doit porter atteinte à l’accès des femmes à leur autonomie, à leur choix de vie, à leur liberté. C’est pourquoi je suis favorable à l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux pour que celui-ci devienne un droit garanti dans tous les pays de l’Union européenne.
3. Quelles initiatives l’UE pourrait adopter pour faciliter l’application de la convention d’Istanbul?
Peut-être serait-il d’abord utile que tous les Etats membres de l’UE signent et ratifient cette Convention, or ce n’est toujours pas le cas pour 8 d’entre eux (l’Irlande, Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la République Tchèque, la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie).
Pourtant, cette convention constitue en effet le texte le plus complet, le plus contraignant et le plus protecteur sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes au niveau européen.
Le 4 mars dernier, l’Agence européenne des Droits fondamentaux publiait une étude dont les résultats sont particulièrement inquiétants : une femme sur trois serait aujourd’hui victime de violences en Europe !
En attendant ces nouvelles ratifications, plusieurs actions peuvent être mises en œuvre comme renforcer le financement du programme DAPHNE, principal outil européen de lutte contre les violences faites aux femmes, ou encore mettre en œuvre une stratégie coordonnée pour l’abolition de la prostitution et contre la traite des êtres humains au sein de l’Union européenne.
- QUESTIONS HORIZONTALES
1. Comment assurer une transposition, efficace, correcte et rapide des directives ?
Contrairement au rôle joué jusqu’à présent par la Commission actuelle, la prochaine Commission, si elle est dirigée par un Président de gauche, devra s’engager à jouer pleinement son rôle de « gardienne des Traités », et donc veiller à l’application correcte des traités et des décisions prises pour les mettre en œuvre.
En cas d’inapplication ou de mauvaise application du droit communautaire par un État membre, la Commission devrait davantage saisir la CJUE afin que celle-ci prononce des sanctions à son encontre, ce qu’elle a très peu fait en matière d’asile, je souhaite le souligner.
2. La « clause sociale horizontale » oblige l’UE à prendre en considération les conséquences sociales chaque fois qu’une mesure est envisagée. Selon vous quels seraient les instruments les plus pertinents pour assurer son application ?
Il nous faut tout d’abord constater que les propositions lancées à l’initiative de la Commission BARROSO au cours de cette dernière mandature ont largement fait l’impasse sur la clause sociale horizontale ou encore la défense des services publics.
Pour la prochaine mandature, avec mes collègues Socialistes, je défends l’adoption d’un Traité social européen, complétant et équilibrant l’Union économique et monétaire (UEM).
Ce Traité social européen se fondera sur quatre piliers :
1. La promotion d’un taux d’emploi élevé et la garantie d’une protection sociale adéquate doivent conformément au Traité être prises en considération pour la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union ; il importe dès lors d’améliorer la gouvernance sociale, parallèlement à l’instauration de la gouvernance économique européenne, dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux et du dialogue social.
2. Un certain nombre d’instruments qui s’articulent autour de :
– l’instauration de salaires permettant de vivre décemment, y compris un salaire minimal destiné à lutte contre le phénomène des travailleurs pauvres ;
– la montée en puissance de la garantie européenne pour la jeunesse : 6 milliards ont été mobilisés pour les deux prochaines années. Il en faudra 21 selon l’organisation internationale du travail (OIT) ;
– la construction d’un socle de protection sociale pour garantir l’égalité d’accès aux services de santé de base ;
– la transférabilité automatique effective des droits à pension ;
– la préservation de services publics accessibles et de haute qualité ;
– la construction et l’accès à des logements sociaux abordables ;
– l’adoption d’un protocole social destiné à protéger les droits sociaux et du travail fondamentaux ;
– la promotion de l’égalité des salaires et des droits pour toutes les personnes effectuant un travail de même valeur ;
– l’adoption d’une stratégie renouvelée en matière de santé et de sécurité ;
– l’établissement d’un cadre de qualité en matière de stages et d’apprentissage.
3. S’agissant du pouvoir des Parlements nationaux, l’autorisation devra leur être donnée d’exiger une initiative législative de la part de la Commission européenne.
4. Enfin, au niveau des moyens financiers, des enveloppes suffisantes devront être dédiées à l’investissement social sous la forme par exemple d’emprunts obligataires destinés au financement de projets d’innovation sociale.
2. Comment voyez-vous l’engagement des Parlements nationaux dans les activités de l’UE? Quel avenir doivent-ils avoir dans le processus décisionnel de l’UE ?
La méthode communautaire a pris toute sa place sur un large spectre de politiques communautaires, comme la politique de la pêche, les politiques qui relèvent du marché intérieur, la protection des consommateurs, ou encore les normes sanitaires.
Pour autant, sous l’effet de la crise, les questions extrêmement politiques et soumises aux contraintes de l’urgence ont été aspirées par les logiques intergouvernementales, significativement dans le domaine économique et financier, en réponse à la crise de 2008.
Face à cela, l’institution parlementaire constitue un véritable contrepoids pour assurer l’équilibre des pouvoirs. C’est ainsi que si le Parlement européen doit s’approprier toutes les ressources que lui confèrent les traités sur les questions économiques et financières et dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et d’évaluation, les parlements nationaux doivent de leur côté renforcer leur rôle d’évaluation et de contrôle des décisions européennes.
Nos parlementaires doivent s’approprier pleinement les outils dont ils disposent déjà, tels que les auditions, les interpellations du gouvernement, l’expertise déployée dans le cadre des commissions parlementaires. Une proposition serait de prévoir, comme au Bundestag, que la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale en France associe de droit des eurodéputés à ses travaux.
*Merci à Madame SYLVIE GUILLAUME de nous avoir donné son temps et pour avoir répondu (avec exhaustivité et clarté) au questionnaire de notre projet "Food for Thought".