Le 15 avril 2014 le Parlement européen a adopté la directive établissant les conditions d’entrée et de séjour des cadres, experts ou employés stagiaires originaires des pays tiers dans le cadre d’un détachement intragroupe. Ces dernières années la mondialisation des entreprises et l’intensification des échanges commerciaux internationaux ont eu pour effet d’accroitre l’importance des mouvements des personnels d’encadrement et techniques des filiales des entreprises multinationales, cet instrument législatif, concernant le détachement, vise à faciliter ces mouvements ainsi qu’à établir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emplois. L’immigration choisie semble être l’approche majeure par la quelle l’Union veut encadrer la mobilité migratoire légale.
Le 15 avril 2014 les eurodéputés réunis en plénière à Strasbourg ont adopté par 360 voix pour, 278 contre et 38 abstentions la proposition de directive du PE et du Conseil établissant les conditions d’entrée et séjour des cadres, experts ou employés et stagiaires originaires des pays tiers dans le cadre d’un détachement intragroupe. Cet instrument législatif vise à introduire un régime spécifique, transparent et simplifié axé au moins sur cinq priorités : introduire une définition commune des personnes faisant objet d’un transfert temporaire au sein de la même entreprise, harmoniser leurs conditions d’entrée et séjour, garantir certains droits sociaux et économiques ainsi que la mobilité dans l’espace Schengen, renforcer leurs droits familiaux et à accélérer les procédures.
Dans la première partie de cet article nous aborderons le contexte de proposition de la directive et, dans la deuxième partie, nous nous pencherons sur ses principales nouveautés.
Contexte
La directive s’inscrit à la croisée des trois programmes établissant une approche « choisie » de l’immigration, telle que définie successivement par les programmes de La Haye, puis de Stockholm et la stratégie Europe 2020. Le premier a abouti à la proposition par la Commission d’un paquet des cinq directives (cf.Nea say concernant la migration de main-d’œuvre : la directive 2011/98/UE établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre; la directive 2009/50/CE établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié; la directive du Parlement européen et du Conseil, approuvée par le PE en première lecture le 25 février 2014, établissant les conditions d’entrée et séjour des ressortissants d’un pays tiers à des fins de recherche, d’études, d’échange d’élèves, de formation rémunérée et non rémunérée, de volontariat et de travail au pair; la directive du PE et du Conseil, approuvé par ce dernier le 17 février 2014, établissant les conditions d’entrée et séjour des ressortissants des pays tiers à fins d’emplois saisonniers.
L’UE considère que, étant donné le vieillissement de la population européenne et la croissance de la demande de travail, l’Europe connaitra au fur et à mesure qu’une économie de la connaissance sera mise en place, une attraction grandissante et en conséquence la nécessité d’un aménagement souple de la législation relative aux travailleurs migrants. Un tel objectif demeure au centre des priorités de l’Union. La stratégie Europe 2020 se fixe comme objectif pour l’Union à devenir une économie fondée sur la connaissance et l’innovation, dans un contexte de compétition accrue, il lui faut diminuer le fardeau administratif pesant sur les entreprises et établir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emplois.
Les mesures destinées à faciliter l’entrée dans l’Union des cadres, experts ou employés stagiaires originaires de pays tiers dans le cadre d’un détachement intragroupe répondent à toutes ces défis et fournissent des instruments à nécessaires à l’adaptation de l’espace européen au nouveau cadre de l’économie mondiale. En effet, ces dernières années, la mondialisation des entreprises, l’intensification des échanges commerciaux internationaux, la croissance et l’expansion des multinationales ont eu pour effet d’accroitre l’importance des mouvements des personnels d’encadrement et techniques des filiales des entreprises multinationales. Cependant, au niveau des Etats membres de l’UE, l’absence de régimes clairs, harmonisés et stables, les obstacles administratifs et d’autres rigidités empêchent ces mouvements.
Contenu
La directive définit le détachement intragroupe comme le transfert temporaire à des fins professionnelles ou de formation d’un ressortissant de pays tiers vers une entité installée dans un Etat membre faisant partie de l’entreprise ou du groupe d’entreprise à la quelle le travailleur détaché est lié par un contrat de travail. Il est prévu que dans ce cas le travailleur candidat au détachement doit avoir occupé un emploi au sein du même groupe d’entreprises au moins pendant une période ininterrompue de 3 à 12 mois immédiatement précédent la date du détachement. Pour les employés stagiaires, il est demandé une période allant de 3 à 6 mois. Enfin, le texte fixe la durée maximale du détachement à trois ans pour les cadres et les experts et un an pour les stagiaires.
Il est stipulé que les membres de la famille de la personne détachée auxquels le regroupement familial a été accordé auraient le droit d’avoir accès à un emploi salarié ou à une activité indépendante sur le territoire de l’État membre de délivrance du titre de séjour des membres de la famille, ceci sans préjudice des dispositions pertinentes en matière de préférence communautaire.
La directive introduit des procédures pour faciliter la mobilité intracommunautaire des personnes détachées et leur permettre de travailler dans plusieurs entités d’un même groupe transnational situées dans différents Etats membres. A ce propos on distingue entre séjours de courte durée (durée maximale de 90 jours) et de longue durée (durée supérieure à 90 jours).
Quant aux droits économiques, il est stipulé que la rémunération offerte au travailleur transféré pendant la durée totale du détachement ne soit pas moins favorable que celle offerte à des ressortissants de l’État membre hôte concerné qui occupent des emplois comparables.
Des dispositions prévoient que les États membres prennent en considération les qualifications acquises dans un pays tiers, sans préjudice des restrictions concernant l’accès à des professions réglementées.
Les droits en matière de sécurité sociale doivent être accordés sans préjudice des dispositions figurant dans le droit national et/ou des accords bilatéraux prévoyant l’application de la législation en matière de sécurité sociale du pays d’origine. Toutefois, les accords bilatéraux ou la législation nationale en matière de droits de sécurité sociale des personnes faisant l’objet d’un détachement intragroupe adopté après l’entrée en vigueur de la directive ne sauraient accorder un traitement moins favorable que celui dont bénéficient les ressortissants de l’État membre dans lequel les activités sont exercées. Il peut découler de tels accords ou de cette législation nationale, qu’il est par exemple dans l’intérêt des personnes faisant l’objet d’un détachement intragroupe de rester affiliées au système de sécurité sociale de leur pays d’origine si l’interruption de cette affiliation risque d’être préjudiciable à leurs droits ou de leur faire supporter le coût d’une double couverture.
La directive précise les motifs de refus d’une demande d’admission dont: le fait que l’entité hôte a été principalement créée afin de faciliter l’entrée de personnes; l’employeur n’a pas respecté ses obligations légales en matière de sécurité sociale, de fiscalité, de droit du travail ou de conditions de travail; l’employeur ou l’entité hôte a fait l’objet d’une liquidation dans le cadre de la législation nationale sur l’insolvabilité; la présence temporaire de la personne admise a pour objet ou pour effet d’interférer avec un conflit du travail/un différend de gestion ou une négociation ; lorsque la personne admise séjourne à des fins autres que celles pour lesquelles son séjour a été autorisé ou encore que l’employeur occupe du personnel au noir.
L’analyse du contenue ainsi que du contexte de la proposition de cet instrument législatif montre bien comme l’approche sélective à l’immigration est le chemin privilégié pour déployer dans les années à venir un modèle plus performant de gestion de la mobilité migratoire.
(Alberto Prioli)
Pour en savoir plus :
– Rapport de S. Iacolino sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un détachement intragroupe : EN / FR
– Directive 2011/98/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre : EN / FR
– Directive 2009/50/CEdu Conseil 25 mai 2009établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié : EN / FR
– Rapport de C. Wikstrom sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux conditions d’ entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, d’échange d’élèves, de formation rémunérée et non rémunérée, de volontariat et de travail au pair : EN / FR
– Rapport de C. Moraes sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi saisonnier : EN / FR
– Directive «travailleurs saisonniers»: deux pas en avant, un en arrière! NEA say n. 142 : FR
– Transparence et sécurité juridique: pour les chercheurs, les étudiants, les stagiaires, les personnes au pair originaires des pays tiers!, NEA say n. 142 : FR
Ce billet est l’un des meilleurs que j’ai lu ce mois-ci !