A. La directive « Blue Card » (2009/50/CE)
Qu’est ce qu’un travailleur hautement qualifié ?
On entend par qualifications professionnelles élevées (article 2) « des qualifications sanctionnées par un diplôme de l’enseignement supérieur ou, par dérogation, lorsque cela est prévu par la législation nationale, étayées par une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable à un diplôme de l’enseignement supérieur et qui soient pertinentes dans la profession ou le secteur indiqué dans le contrat de travail ou l’offre d’emploi ferme ».
On peut s’étonner qu’une personne hautement qualifiée soit en partie définie par un individu détenteur d’un diplôme d’études supérieures de 3 années au moins. En tenant compte du fait que désormais, nombre d’étudiants doivent aller jusqu’au Master pour être considérés à peine comme qualifiés pour avoir un travail, nous avons quelques doutes sur une telle définition.
Quels sont les critères d’admission ?
Le ressortissant de pays tiers doit (article 5) :
– présenter un contrat de travail valide
– présenter un document attestant qu’il satisfait aux différentes conditions
– justifier qu’il possède les qualifications professionnelles élevées pertinentes
– disposer d’un document de voyage en cours de validité
– disposer d’une assurance
-maladie
– ne pas être considéré comme une menace pour l’ordre public, la sécurité ou la santé publique
– que son salaire brut soit au moins égal à une fois et demie le salaire annuel brut moyen dans l’Etat membre concerné
En quoi l’admission de ces individus est-elle favorisée ?
En tout cas, cette admission n’est pas favorisée en termes de délais. Ainsi, l’article 11 portant sur les « garanties procédurales » stipule qu’une décision sera rendue « dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 90 jours suivant la date de présentation de la demande ». Cela peut être un frein important à l’immigration dans le sens où les critères d’admission imposent d’avoir un contrat de travail valide afin de faire la requête pour une Blue Card. Or, il peut être relativement difficile pour un employeur d’attendre ensuite jusqu’à 90 jours que la demande aboutisse. C’est d’ailleurs pour cela que les britanniques n’ont pas opté « in » pour cette directive : ils préfèrent offrir un délai bien plus attractif pour les travailleurs qualifiés. Cependant, l’article 4 de la directive prévoit la possibilité de prendre à cet égard des « dispositions plus favorables ». De ce fait, beaucoup d’Etats membres utilisent cette clause pour être plus attractifs : ainsi, une directive qui devait avoir l’ambition d’harmoniser, pousse les Etats membres à voir au-delà tant l’accord trouvé manque d’ambition.
Quel succès ?
Faute est de constater que cette carte bleue européenne ne fonctionne pas. Ainsi, aucune carte bleue européenne n’a été délivrée en Belgique. Une véritable Blue Card comparable à la « Green Card » américaine a-t-elle été mise en place ? L’article 18 de la directive permet d’en douter. Ainsi, ce n’est seulement qu’après 18 mois de séjour légal dans l’Etat d’accueil, que l’individu peut se rendre dans un autre Etat membre pour y exercer un emploi hautement qualifié. Cela signifie donc que la Blue card n’a de valeur que dans un seul Etat membre, contrairement à la carte américaine qui permet de circuler librement entre les 50 Etats. Si un ressortissant souhaite circuler dans un autre Etat membre, il doit solliciter une seconde Blue Card : il s’agit donc d’une carte bleue européenne qui n’a de valeur que nationale, aussi paradoxal que cela puisse être.
B. La directive sur le statut et les droits des résidents de longue durée
Sur les droits des résidents longue durée :
Quelle idée derrière la directive ?
Le but est ici de définir des droits minimaux qui seront garantis à toutes les personnes concernées par cette directive afin d’éviter des distorsions de concurrence entre Etats membres. De même, il y a une préoccupation importante de la sécurité juridique des ressortissants de pays tiers au travers de la définition de normes minimales. Attention cependant : la plupart des Etats membres n’ont pas attendu cette directive pour traiter de manière égale les citoyens nationaux et les ressortissants de pays tiers. Cependant, cette directive était nécessaire pour deux raisons :
– consolider au niveau européen ce qui existe dans les Etats membres
– venir pallier au manque de normes dans certains Etats membres
Quel champ d’application ?
La directive s’applique à toutes les personnes ayant accès au marché du travail dans un Etat membre de l’Union européenne et y résidant légalement, même si l’objet de leur admission dans celle-ci n’était pas le travail au départ (par exemple, le regroupement familial).
Quels droits ?
L’article 11 de la directive 2003/109 énumère toute une série de droits qui renvoient à l’égalité de traitement. Cependant, la série de droits qui leur sont reconnus se limite strictement à cette liste. Sont reconnus les droits : – d’un accès à un emploi salarié et à une activité non salariée
– d’une éducation et formation professionnelle
– d’une reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres professionnels
– d’un accès à sécurité sociale, aide sociale et protection sociale
– d’un accès aux avantages fiscaux – d’un accès aux biens et services
– de la liberté d’association, d’affiliation et d’engagement dans une organisation de travailleurs ou d’employeurs
– d’un libre accès à l’ensemble du territoire de l’Etat membre concerné
Le fait que seuls les éléments de cette liste soient inclus sous l’égide de l’égalité de traitement fait que cette dernière a des limites, contrairement à la conception d’un tel principe pour les européens. D’autant plus que §2 offre des possibilités de dérogations à l’égalité de traitement.
Sur le statut des résidents longue durée :
La directive 2003/109 est très importante car elle véhicule une certaine philosophie de la politique d’immigration : celle d’intégrer des personnes sur base de la reconnaissance que des migrants vont rester sur le territoire. Il y a une réelle prise de conscience qu’il faut garantir un passage au niveau européen d’une immigration temporaire à une immigration permanente. Selon l’article 4 de la directive, le statut de résident longue durée ne peut s’acquérir qu’après cinq années de résidence légale et ininterrompue. Certains problèmes se posent néanmoins. D’abord, le champ d’application est relativement restreint puisqu’on exige cinq années de résidence légale et ininterrompue. De plus, la directive ne s’applique pas aux ressortissants de pays tiers qui viennent suivre une formation professionnelle ou faire des études, sous protection temporaire ou subsidiaire, qui sont des réfugiés, des travailleurs au pair, saisonniers ou détachés. Cependant, on observe que les catégories de personnes énumérées n’ont de toute façon pas vocation à rester dans l’Union européenne, leur statut étant par essence temporaire. De plus, la directive 2011/51/UE a donné aux bénéficiaires d’une protection internationale la possibilité désormais de postuler au statut de résident de longue durée. Cependant, le point e) de l’article 3 de la directive a posé question dans l’affaire C- 502/10. Le cas renvoie à un prêtre qui exerçait aux Pays Bas depuis 7 ans avec un titre de séjour limité à son travail. Ainsi, si les Etats membres ont pensé à inclure nombre de catégories à l’article 3, ils ont oublié celle des prêtres. La question est donc la suivante : le permis de séjour formellement limité peut-il offrir la perspective d’une obtention d’un permis de séjour à durée indéterminée ? La Cour a répondu par la négative à cette question ajoutant néanmoins qu’il était nécessaire « qu’une telle limitation n’empêche pas l’installation durable du ressortissant de pays tiers dans l’Etat membre concerné ». En ce qui concerne les autres conditions prévues, les Etats membres doivent exiger, selon l’article 5 de la directive, des ressources stables, régulières et suffisantes et une assurance maladie. De plus, ils « peuvent » exiger que les ressortissants de pays tiers respectent un ensemble de conditions d’intégration. Cette clause a été demandée par l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas. Une clause sur l’ordre et la sécurité publique a également été introduite.
C.La directive sur les étudiants et chercheurs de pays tiers
Idée de la directive
Les directives du 13 décembre 2004 sur les étudiants et celle de 2005 sur les chercheurs restaient peu ambitieuses au vu du pouvoir laissé aux Etats membres. Cependant, l’ambition sous-jacente de l’Union européenne est quant à elle beaucoup plus intéressante à développer. L’UE veut attirer le plus grand nombre possible d’étudiants étrangers pour un ensemble de raisons liées, d’une part à la politique d’éducation (droits d’inscription plus élevés) et d’autre part, dans l’ambition de s’inscrire pleinement dans le mouvement de globalisation. Ainsi, il ne sert à rien pour une puissance régionale d’investir dans la recherche avec un tel déficit de chercheurs : en 2000, celui-ci était de 700 000. Du coup, il faut attirer ceux de l’extérieur en facilitant leur admission.
Pour les étudiants
Les conditions d’accueil sont ainsi réduites au minimum :
– un document de voyage en cours de validité
– assurance-maladie
– ne pas être considéré comme une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique
– éventuellement la preuve du paiement des droits exigés pour le traitement de la demande, une connaissance suffisante de la langue
Pour les chercheurs
Ceux-ci doivent disposer d’une convention d’accueil au sein d’un organisme de recherche agréé et remplir les conditions au statut de résident longue durée. Les Etats membres leur délivrent ensuite un titre de séjour pour une durée d’au moins un an renouvelable pour le chercheur et sa famille. Ce sont aux Etats de fixer le nombre maximal d’heures ou de jours auxquels le chercheurs peut s’adonner à l’enseignement (article 11). L’article 13 de la directive encadre l’exercice de la libre-circulation.
Développements récents
La Commission a publié le 25 mars 2013 une proposition de directive visant à réviser à la fois la directive sur les étudiants et celle sur les chercheurs. Le 5 novembre dernier, la commission des libertés civiles a approuvé le mandat de négociation par 49 voix pour et une voix contre. Mme Wikström peut désormais entamer les négociations avec le Conseil. Le texte prévoit une fusion de la directive sur les étudiants et de celle sur leschercheurs. Il y est prévu qu’après leurs études ou leurs recherches, les ressortissants de pays tiers puissent encore rester un an et demi sur le territoire de l’Etat membre pour y chercher du travail. En ce qui concerne les frais de traitement des demandes, ceux-ci ne doivent pas être excessifs ou disproportionnés et devront ensuite être remboursés. De plus, les Etats membres ne disposent plus que de 30 jours pour statuer sur une demande. Enfin, il y aura une extension substantielle du droit à travailler pour les étudiants et du droit à enseigner pour les chercheurs.
Ceux-ci pourront être rejoints par leur famille et disposeront du droit à la libre circulation, ce droit étant également étendu aux volontaires et tagiaires. Wikström a affirmé après le vote en commission LIBE : « le vote d’aujourd’hui montre que le Parlement comprend la nécessité d’établir des règles plus efficaces et simplifiées pour les étudiants et les chercheurs des pays tiers, afin de leur permettre d’entamer une vie dans un pays de l’UE après avoir terminé leurs études ou leurs recherches. Nous avons besoin de ces personnes et nous devons être plus compétitifs sur le marché mondial afin d’attirer les étudiants et les chercheurs étrangers pour qu’ils viennent en Europe. Le vote d’aujourd’hui renforce la proposition de la Commission et j’invite maintenant le Conseil à finaliser sa position dès que possible afin de parvenir à un accord. »
D.La directive sur le permis unique
Quelle est l’idée de la directive ?
Il s’agit dans le cadre de cette directive de forcer les Etats membres à ne délivrer qu’un seul document valable pour le séjour, l’accès au territoire et au travail. Ainsi, jusqu’ici, dans la plupart des Etats membres, deux documents coexistaient : le permis de travail et le titre de séjour. De ce fait, certains disposaient de l’un et non de l’autre. L’idée est donc finalement de simplifier la vie des travailleurs et des entreprises. Cela ne signifie pas pour autant une fusion des administrations qui s’occupent de l’une ou l’autre matière, mais plutôt une coordination, une collaboration. Néanmoins, l’exigence de cette simple collaboration a été difficile car les uns dépendaient du ministère du travail et les autres du ministère de l’immigration, chacun défendant ses propres prérogatives. Ce qui prime cependant ici, c’est le résultat, non l’organisation choisie dans ce but par chaque administration.
La directive prévoit donc :
– un permis de séjour et de travail unique
– une procédure unique d’obtention du permis
– un ensemble de droits L’égalité de traitement est garantie à l’article 12 de la directive (conditions de travail, participation à un syndicat, éducation, avantages fiscaux, reconnaissance des diplômes, sécurité sociale, assistance et accès au logement offerts par les services de l’emploi).
Les Etats peuvent néanmoins limiter certains de ces acquis à la connaissance de la langue ou les restreindre à une sélection de droits (par exemple, exclusion de l’accès aux bourses). De plus, le champ d’application de la directive est largement restreint puisqu’il ne concerne pas les travailleurs détachés ou transférés, les travailleurs saisonniers, les candidats au statut de réfugié, les bénéficiaires du statut de résident de longue durée. Ces aspects viennent largement nuancer l’égalité de traitement des travailleurs migrants avec les citoyens européens. L’association européenne des droits de l’Homme serait particulièrement inquiète de la perspective adoptée par la directive : celle-ci ne serait dirigée que vers une vision utilitariste des travailleurs en fonction de l’opportunité économique qu’ils constitueraient. Cette directive a été adoptée en décembre 2011 et devrait entrer en vigueur le 25 décembre 2013.