La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a donné raison, mardi 27 mai, à l’ancien président de la Cour suprême hongroise, Andras Baka, en concluant que son limogeage avait obéi à des motifs politiques et non pas, comme le plaidait Budapest, à la nécessité de restructurer l’autorité judiciaire. Vers une reprise de la chronique, riche en évènements, des différends qui opposent la Hongrie de Viktor Orban à l’Europe. (Cf . «Pour en savoir plus »)
Selon la CEDH M. Baka a été « révoqué » début 2012, trois ans et demi avant la fin de son mandat, « parce que, alors qu’il était président de la Cour suprême, il avait publiquement critiqué la politique gouvernementale en matière de réforme judiciaire ». La Cour de Strasbourg considère qu’il y a eu « violation de la liberté d’expression », mais aussi violation du droit à un tribunal, puisque cette révocation, décidée par le Parlement, « échappait dès lors à toute forme de contrôle par un juge ».
Ancien juge à la CEDH, dont il fut membre de 1991 à 2008, Andras Baka avait été élu en 2009 président de la Cour suprême par un Parlement hongrois alors dominé par la gauche et les libéraux. La majorité conservatrice l’a non seulement démis de ses fonctions, mais l’a empêché de se porter ensuite candidat pour diriger la Kuria – la nouvelle forme de Cour suprême – puisqu’une des conditions impératives, désormais, est d’avoir au moins cinq ans d’expérience comme juge en Hongrie. L’expérience acquise dans un tribunal international n’est pas prise en compte.
Les magistrats considèrent que « les faits et l’enchaînement des événements dans leur ensemble corroborent la thèse du requérant selon laquelle la cessation prématurée de ses fonctions (…) était liée aux points de vue et critiques qu’il avait publiquement exprimés ».
Pour M. Baka, ce verdict apporte « une satisfaction morale à tous les juges hongrois ». Son avocat qui avait soumis sa plainte à la CEDH, Andras Cech, se félicite que la juridiction européenne ait suivi son argumentation sur presque tous les points, dont le fait que le président de la Cour suprême, qui se trouve aussi à la tête du Conseil national de la justice, est légalement tenu d’exprimer son opinion sur tout projet de loi concernant la magistrature.
Or, peu de temps après le retour aux affaires de Viktor Orban, en avril 2010, la nouvelle majorité conservatrice avait mis en chantier une réforme judiciaire qui prévoyait d’abaisser immédiatement l’âge légal de départ à la retraite pour les juges de 70 à 62 ans. Cette mesure, qui touchait des centaines de magistrats, a aussitôt été dénoncée comme une purge contre les juges nommés sous des gouvernements de gauche.
La commissaire européenne à la justice, Viviane Reding,(tout comme le président de la Commission José Manuel Barroso, et le Parlement européen s’en était émue. (cf.Nea say » pour en savoir plus »)En novembre 2012, la Cour de justice de l’Union avait jugé cette loi sur l’âge de la retraite des juges contraire au droit européen. Sous le coup d’une procédure d’infraction, la Hongrie a alors été forcée de revoir sa conduite.
L’intervention de Mme Reding a blessé, meurtri M. Orban. C’est l’une des raisons pour lesquelles le premier ministre hongrois, membre du Parti populaire européen, vient de refuser de soutenir la candidature de Jean-Claude Juncker, désigné par le groupe conservateur pour devenir président de la Commission. « La commissaire européenne envoyée par le Luxembourg – Mme Reding – n’a fait que du mal à la Hongrie ces dernières années. Pourquoi devrions-nous le soutenir, lui, après ça ? », a-t-il déclaré à la veille des élections européennes, où son parti, le Fidesz, a remporté 51,49 % des voix. Mardi, son bureau a renouvelé cette déclaration de guerre contre le « petit » Luxembourg.
Venant après une autre condamnation récente concernant l’exécution des peines à perpétuité (cf. autre article) on peut s’attendre à ce que Orban fulmine à nouveau de façon spectaculaire. Il rejoindra ainsi David Cameron dans sa détestation du Conseil de l’Europe.
Henri-Pierre Legros
Pour en savoir plus :
– Dossier Hongrie de Nea say (FR)
– Communiqué de presse et décision de la CEDH (FR) / (EN)