Deux semaines après le drame du Musée juif de Bruxelles du 24 mai 2014, le Conseil européen s’est résolument saisi du sujet du terrorisme. Après avoir discuté de la réforme d’Europol, les ministres se sont penchés sur le terrorisme à travers la question des combattants étrangers et la révision de la stratégie de lutte conte la radicalisation. L’attentat de Bruxelles a joué le même rôle dans la relace la lutte contre le terrorisme que ceux ,il y a près de 10 ans,commis à Londres.
Le départ de jeunes européens pour combattre auprès des islamistes est aujourd’hui largement médiatisé. Il pose en effet la question d’une part du départ —notamment de mineurs— vers ces zones, lequel est à l’origine d’un drame familial et de risques pour leur vie et d’autre part du retour d’individus présentant un haut risque de passage à l’acte en Europe. Près de 2 000 européens seraient ainsi présents en Syrie, sur un total de 10 000 étrangers. À cela s’ajoutent les théâtres de conflits maliens, des Balkans, d’Afrique du Nord et éventuellement aujourd’hui de l’Irak.
S’appuyant sur un document élaboré par le coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, les ministres ont souhaité accentuer les actions menées dans ce domaine, notamment au titre de la coopération et de l’échange d’informations. Le coordinateur de l’UE est à ce titre appelé à jouer un rôle accru. Le Conseil de décembre 2013 avait identifié les priorités de l’UE en la matière : la prévention, l’échange d’informations sur les voyageurs, l’action dans le domaine de la justice pénale et la coopération avec les pays tiers.
Dans ses conclusions, le Conseil JAI du 5 juin s’attaque à tous les aspects de la menace :
– l’échange d’informations : améliorer l’échange des bonnes pratiques dans la gestion des frontières, exploiter pleinement les possibilités offertes par le système d’information de Schengen (SIS II) à des fins de lutte contre le terrorisme, renforcer la coopération entre les Etats membres et Europol dans le domaine de l’analyse des groupes qui facilitent la migration illégale et des filières d’acheminement de combattants étrangers ;
– la circulation des personnes : renforcer la vérification de l’autorisation parentale pour les mineurs non accompagnés lors de leur départ, examiner les risques terroristes lors des demandes d’asile. Dans ce domaine, le Conseil souhaite poursuivre avec le Parlement les travaux relatifs à la directive PNR, laquelle porte sur l’utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière ;
– la circulation des biens : surveillance particulière de la circulation des substances chimiques, biologiques… ;
– et la coopération avec les Etats tiers : intégrer les questions de sécurité et de terrorisme dans les discussions de la Commission avec les Etats tiers relatives à la dimension extérieure des politiques de l’UE. Ce dernier point apparaît particulièrement crucial s’agissant par exemple de la coopération avec la Turquie par où transitent de nombreux combattants islamistes. Son efficacité doit toutefois être relativisée eu égard à l’état de délitement de l’appareil sécuritaire de certains pays touchés par ces conflits (Mali, Syrie, Irak mais aussi Niger ou Mauritanie).
Par ailleurs, les ministres ont adopté une version révisée de la stratégie de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes. La stratégie insiste particulièrement sur l’amélioration de la communication gouvernementale pour mobiliser l’ensemble de la société contre ce risque et s’attacher le soutien de la société civile, sur la prévention de la radicalisation via internet et les réseaux sociaux, sur l’accompagnement des personnes se désengageant et sur l’harmonisation les efforts internes et externes de lutte contre la radicalisation.
Ce plan, ambitieux dans ces principes et plus limité dans ces moyens, insiste particulièrement sur la protection des frontières en matière de lutte contre le terrorisme. L’attention qui doit être portée lors des demandes d’asile sur les risques terroristes témoigne de ce que l’étranger est perçu comme une menace en puissance. Or, les deux derniers attentats islamistes en Europe (le musée juif de Bruxelles et Mohammed Merah à Toulouse) ont été commis par des citoyens européens. On peut se demander si l’association un peu rapide entre immigration (légale et illégale) et terrorisme n’alimente pas un climat politique et sociétal déjà marqué d’une certaine xénophobie. Au contraire, les aspects pratiques pour une meilleure coopération, notamment l’interopérabilité de systèmes propres à chaque Etat membre —qui est elle en cause dans ces dernières affaires et dont l’amélioration aurait des effets concrets— sont plus marginalement traités.
Emmanuel Buttin
Pour en savoir plus :
-. Le compte rendu du Conseil du 5 et 6 juin : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/jha/143202.pdf
-. Les conclusions du Conseil: http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/jha/143108.pdf
-. Lutte contre le phénomène de radicalisation après le rapport de Gilles de Kerchove http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2845&nea=134&lang=fra&lst=0
-. Interview de Gilles de Kerchove dans le journal Le Soir du 14 juin 2014 http://www.lesoir.be/571930/article/actualite/belgique/2014-06-14/kerchove-jusqu-200-ex-djihadistes-sont-des-terroristes-potentiels-en-europe