A l’heure où l’opacité des négociations du TTIP est de plus en plus discutée, la CJUE a conclu dans son arrêt Sophie in’t Veld contre Conseil de l’UE rendu le 3 juillet dernier que le principe de transparence, inscrit dans les traités, imposait la communication d’un document du service juridique du Conseil portant sur la base juridique de l’accord Swift.
Si le secret est inhérent à la diplomatie, l’articulation de cette dernière avec les principes démocratiques de responsabilité et de transparence fait aujourd’hui de plus en plus débat, à mesure que ces principes innervent davantage la société. La guérilla juridique emportée par l’eurodéputée libérale illustre les évolutions en ce domaine.
L’accord dit « SWIFT », du nom d’une société belge qui traite les flux financiers de 8 000 banques dans le monde, visait à légaliser l’accès des États-Unis à ces données en vue de la lutte anti-terroriste. Rejeté en 2010 par le Parlement européen en raison des lacunes en matière de protection des données et de recours judiciaire, il a finalement été revu puis adopté en juillet 2010.
En 2009, Sophie in’t Veld (ALDE) a demandé, en vertu du principe de transparence, l’accès à un document du service juridique du Conseil qui soulèverait des difficultés de comptabilité avec les standards européens de protection des données. Le Conseil s’y est refusé, soulignant que « l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales » empêchait la divulgation de tout document se rapportant aux négociations.
Elle s’est alors tournée vers le Tribunal de l’UE, lequel lui a donné raison. Suite au recours du Conseil, la CJUE a rendu un arrêt le 3 juillet dernier qui ôte le caractère automatique du secret en matière de relations internationales. Si le secret demeure, c’est désormais au Conseil qu’incombe la charge de la preuve de l’intérêt du public à ce que le document demeure confidentiel.
Ce n’est donc pas à une ouverture totale que les institutions européennes sont contraintes, mais à une appréciation au cas par cas —entre documents, voir à l’intérieur des documents— à laquelle elles doivent se livrer. En effet, la divulgation de certains documents, comme les stratégies de négociation, porterait un tort certain à l’intérêt public. Les progrès sont donc finalement modestes.
Cette décision intéresse tous ceux qui souhaitent avoir un accès aux documents de l’UE. Plus précisément, elle permet l’accès aux documents portant sur les relations internationales, parmi lesquels ceux relatifs au TTIP sont les plus discutés. Sophie in’t Veld salue à ce titre une « grande victoire ». Elle souligne que « l’UE doit passer d’une Europe de diplomates, de discrétion et de confidentialité à une Europe de citoyens, de transparence administrative et de confiance ».
Emmanuel Buttin
Pour en savoir plus :
– L’arrêt de la CJUE: [FR] et [EN]