La répression des employeurs d’étrangers en situation irrégulière doit être amplifiée selon la Commission et la commission LIBE (point XII de l’ordre du jour)

La Commission a présenté à la commission LIBE un bilan de la mise en oeuvre de la directive 2009/53/CE du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs et ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. L’insuffisante effectivité et l’hétérogénéité des pratiques nationales porte atteinte à l’efficacité de la directive. Plus fondamentalement, les députés s’interrogent sur la possibilité de renforcer les droits des migrants irréguliers face aux employeurs.

Une application de la directive par les Etats membre en demi-teinte selon la Commission

Le travail illégal est un phénomène qui résulte de l’offre de migrants irréguliers « en quête d’une vie meilleure » et d’employeurs peu scrupuleux qui souhaitent tirer profit de cette main d’oeuvre faiblement rémunérée. Cette situation se retrouve essentiellement dans des secteurs où le recours au facteur travail est intensif : la construction, l’agriculture, le nettoyage ou la restauration/hôtellerie.

Il est particulièrement dommageable car il entraîne des manques dans les budgets publics, le remplacement de travailleurs légaux et favorise l’exploitation d’une population vulnérable. La directive cherche à jouer sur la « neutralisation du facteur d’attraction que constitue l’obtention d’un emploi », c’est-à-dire qu’elle renforce les sanctions pour l’emploi illégal et améliore les mécanismes de détection.

Les sanctions sont tout d’abord financières, proportionnellement au nombre de ressortissants de pays tiers employés illégalement. Les amendes fixées par les Etats membres varient de 500€ à 500 000€. Ces écarts témoignent du risque que le niveau des sanctions financières n’excède pas toujours les bénéfices liés à l’emploi de migrants en situation irrégulière.

Des sanctions pénales peuvent s’ajouter notamment en cas de récidive, de conditions de travail abusives ou d’emploi illégal d’un mineur. Elles peuvent consister en la fermeture de l’établissement, le recouvrement de subventions publiques ou l’exclusion de la passation de marchés publics. L’incitation ou la facilitation de l’emploi des migrants irréguliers est également passible de sanctions pénales.

Le dispositif répressif est complété par des mesures de protection des ressortissants de pays tiers employés illégalement. Les migrants en situation irrégulière ont ainsi le droit d’être rémunérés pour le travail accompli, tout comme l’employeur est obligé de verser tous les impôts et cotisations sociales, sur la base d’une présomption de relation d’emploi d’au moins trois mois.

L’accès à la justice et la facilitation des plaintes sont des éléments structurant de protection pour remédier aux injustices. Les migrants en situation irrégulière peuvent ainsi porter plainte à l’encontre de leurs employeurs, éventuellement par l’intermédiaire de tiers. La directive impose aux Etats membres d’apporter systématiquement et objectivement une information aux migrants sur leurs droits. Les Etats peuvent éventuellement octroyer un titre de séjour d’une durée limitée.

Des mesures de prévention ont été instaurées : les employeurs doivent disposer d’une copie des documents d’identité pendant la période d’emploi et notifier aux autorités compétentes le début de la période d’emploi. De surcroît, la directive prévoit que les Etats membres effectuent des inspections « efficaces et appropriées » en fonction des secteurs les plus à risques.

Toutefois, les retards dans la transmission des rapports d’inspection à la Commission ne permettent pas d’avoir un tableau clair de la situation. De plus, les écarts dans le nombre d’inspections sont très importants: en Bulgarie, en Estonie, en Pologne ou en Suède, moins de 1% de tous les employeurs ont été inspectés en 2012, contre 17% en Autriche ou en Italie. Si la directive permet de s’assurer que tous les Etats répriment l’emploi de migrant en situation irrégulière, la sévérité des sanctions varie considérablement entre les Etats. Enfin, l’accès à la justice demeure extrêmement difficile pour les migrants.

Des marges de progression existent dans la mise en place de la directive. Les Etats ont à ce titre des efforts importants à faire pour améliorer les inspections et les rapports. La commission ne propose pas d’amélioration de la directive pour le moment, mais elle évaluera au fil du temps les résultats qui lui parviendront.

La directive devrait être plus effective pour lutter efficacement contre le travail illégal selon les députés

Un premier député regrette tout d’abord que la directive ne porte pas ses fruits partout. Il s’interroge pour savoir s’il était envisageable de contraindre les Etats membres pour contrôler davantage. Bodil Ceballos (Vert) nuance les écarts dans les contrôles : en Suède par exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup d’inspections car le travail saisonnier et le nombre d’immigrants illégaux sont plus limités.

Angelika Mlinar (ALDE) s’alarme que la directive ne soit pas mise en place de manière plus approfondie et s’interroge sur l’application du volet droit des migrants de la directive. Malin Bjork (Vert) partage cette interrogation. Plus fondamentalement, elle estime que « la toile de fond de la directive est (…) la lutte contre l’immigration » et plus marginalement le respect des droits des travailleurs. Ceux-ci sont en effet dans un dilemme : soit ils dénoncent l’employeur, auquel cas ils n’ont plus de travail et risquent l’expulsion, soit ils acceptent cette exploitation. Elle s’interroge enfin sur ce que la Commission compte faire pour faciliter les dénonciations par les travailleurs. Dans cette même perspective, Helga Stevens (Conservateurs et Réformistes) insiste sur la nécessité d’atteindre les migrants, au moyen des syndicats par exemple.

Lors de son intervention, la Présidence italienne a souligné le caractère prioritaire du dossier immigration. Il s’agit notamment pour elle d’accélérer les négociations sur la directive chercheurs-étudiants, mais elle se dit prête à suivre également ce dossier.

Pour conclure, la Commission insiste sur la nécessité d’avoir une approche globale en luttant d’une part contre l’immigration illégale, et en stimulant d’autre part les canaux réguliers (travailleurs saisonniers, regroupement familial, chercheurs). Il est toutefois difficile d’envisager une lutte harmonisée contre les employeurs peu scrupuleux sans une uniformisation des sanctions et une standardisation des inspections.

Emmanuel Buttin

 

Pour en savoir plus :

communication de la Commission [FR] et [EN]

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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