Le cinquième point de la session de la Commission LIBE a permis au Ministre de l’intérieur italien Angelino Alfano et au Ministre de la Justice Andrea Orlando de présenter le programme de la présidence italienne dans les domaines de la justice et des affaires intérieures à la commission parlementaire. L’occasion de confronter les vues de la présidence et des eurodéputés.
La présidence italienne a un objectif général de consolider l’Union européenne en établissant un lien étroit entre les États-membres. Les deux ministres ont également insisté sur l’importance de développer des relations interinstitutionnelles (entre le Conseil et le Parlement) grâce à des réunions formelles et informelles tout au long de la présidence.
Dans le domaine de la justice, une priorité : le Procureur européen
La justice au service de la croissance
La présidence italienne s’est engagée à se concentrer sur la révision du Règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, qui permettrait de trouver des solutions alternatives à la faillite. Dans ce domaine, un règlement instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges ( (CE) n° 861/2007) doit être également révisé. La présidence va également travailler sur un Règlement portant sur un droit européen de la vente.
Protection des données
Pour assurer une protection des données qui soit la plus complète possible, la présidence veut développer une approche cohérente avec les différents organes concernés (EUROJUST, EUROPOL, Parquet européen).
La protection des données doit être également assurée dans les relations de l’UE avec les pays-tiers. L’Italie s’est engagée à des progrès sur cet aspect et a déjà rencontré l’eurodéputé Jan-Philip Albrecht du groupe des Verts, rapporteur sur ce sujet à la Commission LIBE.
Droit civil
Pour faciliter la libre-circulation des citoyens et des entreprises, la présidence veut se pencher sur l’élaboration d’un Règlement visant à la simplification de la réception de certains actes publics au sein de l’UE et à la dispense de légalisation de ces documents.
Droit pénal
La priorité de la présidence italienne en matière de justice se trouve dans l’implémentation du Procureur européen. Il s’agirait d’une coopération judiciaire entre États-membres pour lutter contre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE. Une Directive sur ces intérêts sera discutée au Parlement dans le second semestre 2014.
- Monika Hohlmeier a estimé que le mandat du Procureur n’était pas assez clair : Est-ce qu’il va inclure le banditisme transfrontalier ou cela va-t-il être une compétence externalisée ? Laura Ferrara du groupe ELDD aimerait que la criminalité des cols blancs soit ajoutée au mandat du procureur.
- Andrea Orlando a déclaré que les missions du Procureur ne pourront être définies qu’après discussion avec la Commission et fixation des ressources financières qui lui seront allouées.
Il faut également renforcer le droit des victimes et des accusés.
Formation judiciaire
Liée à la création du Procureur européen, celle du Parquet européen exige la prise de mesures sur la formation des magistrats. La présidence en discutera lors de l’élaboration du Cadre financier pluriannuel de la justice avec la Commission.
Détention
Pour ce sujet, la présidence invitera à l’échange des meilleurs pratiques sur la gestion des prisons et travaillera surtout sur la reconnaissance mutuelle des jugements et des solutions alternatives à la détention. Cela permet une meilleure information et donc un meilleur fonctionnement de l’appareil judiciaire.
Justice en ligne
L’Italie ira dans le sens de la Commission en réfléchissant davantage à l’amélioration du portail e-Justice qui pourrait faciliter l’accès à la justice dans tous les États-membres.
Dans le domaine des affaires Intérieures, la présidence italienne se penchera sur les enjeux de l’immigration
Migration
La pression migratoire exercée sur l’UE notamment dans le Sud doit être allégée par la mise en œuvre des lignes d’actions de la Task Force Méditerranée, mise en place en octobre 2013 après la catastrophe de Lampedusa. Le Conseil informel de Milan du 8-9 juillet 2014 a estimé que les interventions d’urgence devaient être immédiates pour avoir un impact maximal.
Pour coordinatrice du groupe PPE Monika Hohlmeier, les solutions d’urgence ne pouvaient suffire en elles-mêmes car ce ne sont que des solutions de court terme. Il faut les coupler avec des mesures politiques. Cecilia Wikström, coordinatrice du groupe ALDE, a fait des remarques dans le même sens, en insistant sur le fait que des gens mourraient chaque mois pour tenter de rejoindre l’Europe. Judith Sargentini du groupe des Verts a également ajouté que ces tentatives se faisaient souvent au profit de contrebandiers, de passeurs.
Il faut également aller vers plus de coopération des États-membres et des différentes agences européennes (FRONTEX, EUROPOL et le Bureau européen d’appui en matière d’asile – EASO).
Un second volet de gestion de cette pression migratoire est d’encourager l’immigration légale : l’UE doit développer des partenariats de mobilité avec les pays tiers et entretenir un dialogue sur ces voies légales.
Les voies légales doivent être multipliées : la présidence italienne veut arriver à une proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers à des fins de recherche, étude, échange d’étudiants, formation rétribuée et non rétribuée et des services de bénévolat et au-pair.
Il faut également améliorer les politiques concernant les mineurs non accompagnés, souvent demandeurs d’asile ou victimes de la traite des êtres humains. Timothy Kirkhope, coordinateur pour le groupe ECR, s’est inquiété des abus qui pourraient exister si les politiques concernant les mineurs étaient trop laxistes : les jeunes peuvent être selon lui utilisés pour toute sorte de trafic.
L’intégration est un élément également important du phénomène migratoire, qu’il faudra améliorer.
Pour la politique de retour efficace et durable, celle-ci doit prendre en compte les droits des migrants et la spécificité de son pays d’origine.
Contrôle aux frontières
Le contrôle des frontières est essentiel pour lutter conte l’immigration illégale et les trafics de diverses natures.
La présidence veut renforcer le rôle et les compétences de FRONTEX, mais également ses ressources financières.
Les frontières méditerranéennes ne sont pas les seules à devoir être protégées : pour avoir une protection efficace, il faut que les aspects intérieur et extérieur des frontières soient envisagés, c’est pourquoi sous la présidence italienne, les Conseils JAI auront lieu en présence des ministres des affaires étrangères. Il faut réellement développer une solidarité entre les États-membres.
Asile
Pour l’asile, la présidence aimerait la mise en œuvre du Système européen commun d’asile. Il faut également travailler à une reconnaissance mutuelle des décisions nationales en matière de protection internationale et de libre circulation des bénéficiaires de protection.
Pour Birgit Sippel, coordinatrice pour le groupe S&D, la question de l’asile ne peut être réglé tant qu’il n’existe pas de route légale pour atteindre l’Union européenne.
La présidence italienne veut d’ailleurs dialoguer plus avec les pays-tiers pour éviter des situations désastreuses : la gestion des demandes d’asile passe également par une meilleure gestion des situations dans les pays concernés.
Sécurité pour le développement: lutter contre la criminalité
La lutte contre les organisations criminelles et les réseaux illégaux qui y sont liés est une priorité pour la présidence italienne. Ce type d’organisation peut avoir de graves conséquences sur le fonctionnement des marchés, et notamment les marchés publics : toute activité de blanchiment sera particulièrement combattue.
La présidence italienne estime que la sécurité des voies de communication et des transports doit être traitée : il faut prévenir toute activité de sabotage.
Pour Cecile Kyenge, eurodéputée S&D, la présidence italienne doit aussi combattre toute forme de violence et de racisme, et surtout sur Internet.
Drogues
La présidence italienne continuer à travailler à l’application de la Stratégie antidrogue de l’UE (2013-2020) et du Plan d’action drogue correspondant de l’Union européenne (2013-2016).
Elle veut également réfléchir à un cadre législatif pour les nouvelles substances psychoactives (autrement connue sous ces noms « drogues de synthèse », « euphorisants légaux », « euphorisants végétaux », « sels de bain », ou « réactifs de laboratoire »).
Lutte contre le terrorisme
La présidence italienne va se concentrer à la fois sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, que ce soit celui commis par des organisations criminelles ou par des microcellules. Il faut également lutter contre les loups solitaires, qui sont très difficiles à identifier vu leur mode de fonctionnement.
Cybersécurité
En prenant en compte la Stratégie de cybersécurité de l’Union européenne: un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé, la présidence ira dans le sens d’une directive visant à renforcer la sécurité du réseau et des informations dans toute l’UE.
Pour assurer une telle sécurité, la présidence invite les États-membres à échanger sur les bonnes pratiques et à faire coopérer les forces de police.
Politique des visas
La présidence veut rationaliser le code des visas en simplifiant les procédures. Cela a pour but d’augmenter la mobilité au sein de l’UE. Elle continuera également le dialogue avec la Chine sur la migration et la mobilité.
Protection civile
L’action italienne se centrera sur la prévention et la réaction aux catastrophes, en améliorant l’aide humanitaire d’urgence.
Coopération douanière
Pour la coopération douanière, la présidence essaiera de régler le problème de la sous-évaluation, qui permettra de voir si des organisations criminelles sont impliquées.
De nombreux défis attendent la présidence italienne, qui a fixé un programme très ambitieux pour arriver à la mise en place d’un véritable espace de sécurité.
Margot Molenda
Pour en savoir plus :
- Programme de la présidence italienne du Conseil de l’Union europénne (1er juillet 2014 – 31 décembre 2014) [FR] [EN]
- Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité [FR][EN]
- Règlement (CE) n° 861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges [FR] [EN]
- Portail e-Justice européen [FR/EN]
- Le régime d’asile européen commun [FR] [EN]
- Stratégie antidrogue de l’UE (2013-2020) [FR] [EN]
- SEAE, Dossier sur la Stratégie de cybersécurité de l’UE : un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé [FR] [EN]