La réunion de la commission LIBE des 3 et 4 septembre 2014 s’est achevée par la présentation d’un rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe (M. Thorbjørn Jagland, Norvège) intitulé « Démocratie, droits de l’homme et Etat de droit en Europe » en 2014. L’exposé a été mené par M. Philippe Boillat, directeur général de la DG Droits de l’homme et Etat de droit. Le rapport avait déjà été présenté au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le 6 mai 2014 à Vienne.
Les chefs des Etats membres ont régulièrement rappelé lors de différents sommets que la mission du Conseil de l’Europe est d’assurer la « sécurité et la stabilité démocratique » sur le continent. A ces fins, le Conseil de l’Europe mène trois types d’actions : il élabore des normes juridiques, suit la mise en œuvre de ces normes et mène activités de coopération ciblées qu’il offre à ses membres.
Le rapport ne liste pas que des lacunes et défis mais propose des recommandations pour les Etats et le type de coopération nécessaire pour relever les défis et combler les lacunes identifiées. Ont été pris en compte une multiplicité de sources. Parmi celles-ci, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme et la surveillance de leur exécution par le Comité des Ministres, les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, du Comité Européen des Droits sociaux, de la Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance, du Comité consultatif pour la protection des personnes appartenant à des minorités nationales, du Comité sur la charte des langues minoritaires en Europe, du GRECO (GRoupe d’Etats contre la COrruption), du Comité d’Experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Moneyval), du Groupe de Lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) ou encore du Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe. S’y ajoute le suivi des travaux de la Commission de Venise et de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (la CEPEJ).
Afin de susciter la collaboration et la bonne entente entre les pays, le rapport opte pour une technique particulière. Il n’énumère pas les défis pour chaque pays mais les classe de façon thématique pour éviter de pointer du doigt les Etats. Ceci créera, d’après le Conseil de l’Europe, un esprit plus constructif et un meilleur dialogue entre les Etats.
Les deux plus grands défis sont le respect des minorités nationales (point qui concerne 39 Etats sur 47) et la surpopulation carcérale (30 Etats). D’autres reviennent également souvent tels que la corruption, le mauvais traitement par agents des forces de l’ordre, les dysfonctionnements du système judiciaire, l’exclusion sociale et les Roms, les lacunes pour les droits des migrants et l’asile, la liberté d’expression et des médias ainsi que des violations graves comme les discriminations, le racisme et les immunités.
Quelles suites pour ce rapport ?
Lors d’un récent débat, les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe se sont prononcés favorablement au rapport. Si ce dernier est fondé, comme nous l’avons dit, sur une approche thématique, son élaboration a tout de même permis de faire apparaître 3 défis majeurs par Etats. Ils sont traités de manière confidentielle mais le projet est que chacun des Etats ait, dans l’idéal, un plan pour remédier aux lacunes.
En complément à la présentation de ce rapport, M. Boillat a exprimé son souhait de voir certaines pistes de réflexion se développer au sein du Conseil de l’Europe. Il a notamment pointé la nécessité de mieux prendre en compte des mécanismes de protection ex ante de certains droits (l’exemple le plus parlant étant la liberté d’expression), le besoin de développer des mécanismes d’urgence pour aller sur le terrain (comme le fait le Comité pour la prévention de la torture), de développer le « early warning » pour sensibiliser à d’éventuelles violations des Droits de l’homme particulièrement sur la sécurité des médias et des journalistes.
Renforcer la collaboration UE/Conseil de l’Europe
En conclusion, M. Boillat a réitéré son invitation à destination des Etats membres de tirer encore plus profit des conclusions du Conseil de l’Europe qu’ils ne le font actuellement, rappelant que l’expertise de cette institution dans les domaines présentés est unique. La relation doit jouer dans les deux sens et aux yeux du Conseil de l’Europe, l’Union européenne doit être un interlocuteur privilégié. Il a parlé de « partenariat stratégique » entre les deux entités pour davantage de complémentarité et éviter les doubles emplois. Cela rejoint ce qui avait été exprimé le 6 mai 2014 à par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe réuni à Vienne.
A ce titre, on surveillera prochainement les avancées de la coopération avec la commission de Venise pour le « rule of law framework », la coopération pour l’adhésion de l’Union au GRECO et bien sûr l’avis de la Cour de Justice de l’UE sur l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des Droits de l’homme.
Clément François
Pour en savoir plus :
– Rapport du Conseil de l’Europe sur la Démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit en Europe en 2014 (FRA) https://edoc.coe.int/fr/liberts-fondamentales/5947-situation-de-la-dmocratie-des-droits-de-lhomme-et-de-ltat-de-droit-en-europe.html
– State of democracy, human rights and the rule of law (ENG) https://edoc.coe.int/en/fundamental-freedoms/5949-state-of-democracy-human-rights-and-the-rule-of-law-in-europe.html
– Script de l’intervention de M. Boillat devant la commission LIBE http://www.coe.int/en/web/human-rights-rule-of-law/speech-pb-2014-09-04