Le 27 novembre 2014, sous la présidence italienne du Conseil de l’Union européenne (UE) a eu lieu, à Rome, la 4ème Conférence interministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, co-présidée par le Sénégal à titre honorifique. Les discussions entre les Ministres des Affaires Étrangères et de l’Intérieur des 58 pays participants, les 28 de l’UE, deux pays Schengen (Suisse et Norvège) et 27 d’Afrique centrale et occidentale, ainsi que l’Algérie en tant qu’observateur, ont abouti à l’adoption de la Déclaration de Rome, qui définit les orientations politiques et leur modalité de mise en œuvre pour la période 2015-2017. Une conférence de presse a suivi les débats. Les représentants officiels des deux parties, européenne et africaine, ont présenté les résultats finals. (cf. Pour en savoir Plus). Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait lié migrations et développement.
Le processus de Rabat
En 2006 à Rabat, lors de la Première Conférence Euro-Africaine sur la Migration et le Développement, les représentants de plus de 50 pays ont lancé un processus de dialogue afin d’établir une vision commune et partagée sur la migration e le développement.
Le processus de Rabat rassemble les états d’origine, de transit et d’accueil de la route migratoire ouest-africaine, qui part de l’Afrique Sub-Saharienne et conduit à l’Europe. Les discussions ont évoluées au fil des années et, lors du dernier sommet à Dakar en 2011, les États ont défini une stratégie qui présente les principes et « guide lines » du processus, ainsi que les priorités à l’avenir, organisées dans par piliers: organisation de la migration légale, lutte contre la migration irrégulière, renforcement des synergies entre migration et développement. Pour chaque secteur, des initiatives concrètes, plus spécifiques, ont été lancées.
Le Commissaire européen à la migration, aux affaires intérieures et à la citoyenneté, Dimitris Avramopoulos, rappelle les succès plus remarquables, notamment du point de vue politique. D’après ses déclarations, le processus de Rabat a connu le succès de l’action en Mauritanie : renforcer la capacité du contrôle des frontières ; les opérations menées au Maroc, en Algérie et en Tunisie ayant pour objectif le renforcement du système de la justice criminelle.
D’autres actions concrètes ont été achevées au Benin et au Ghana. (Voir le plan sur en savoir plus).
Plus en générale, les dialogues ont visé à gérer le phénomène migratoire de manière concertée, globale et équilibrée, selon une approche cohérente et holistique qu’intègre les deux domaines politique concernés, notamment migration et développement.
Des principes renforcés.
A l’occasion de l’adoption de la Déclaration de Rome du 27 novembre dernier, Paolo Gentiloni, ministre italien des affaires étrangères, a manifesté sa satisfaction quant au résultat atteint, qu’il présente comme ‘un pas en avant important, qui renforce la dimension concrète des quatre piliers fondamentaux, à la base du dialogue entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique en matière de migration et développement.’ Le ministre italien aux affaires intérieures, Angelino Alfano, les a rappelés brièvement : organiser la mobilité légale et décourager l’immigration illégale; lutter contre la traite des êtres humaine et le nouveau pilier qui porte sur la promotion de la coopération et de la protection internationale.
Bien qu’il s’agisse d’un processus qui a été lancé depuis très longtemps, comme cela été reconnu par les intervenants à la conférence de presse, la 4ème conférence de Rome marque un tournant qui, d’après Alfano, ‘témoigne d’une nouvelle vision, une vision qui renonce aux antagonismes et promeut la dignité des êtres humains.’ D’ailleurs, le ministre du Maroc, a beaucoup insisté sur les aspects humains du phénomène migratoire. Il s’est fait porte-parole de la voix des migrants : ‘Ils n’ont pas de choix et s’ils sont ici c’est grâce aux efforts de toute leur famille, ils ont vendu des vaches et la terre. Ils ont traversé une route où ils ont été volés et violés.’
D’après lui, la déclaration de Rome vise à rapprocher le migrant au public selon une vision positive, contre l’image actuelle du migrant, très négative. ‘Le travail doit être fait dans nos sociétés,’ affirme-t-il, ‘il faut donner confiance aux citoyens.’ Toutefois, l’immigration, selon le ministre marocain, est une richesse si ‘légale, construite et maîtrisée avec tout le sens de la responsabilité nécessaire.’ Au contraire, une mauvaise gestion de la question migratoire a des conséquences négatives qui menacent le bien-être du citoyen. ‘La migration’, dit-il de façon très concrète, ‘est comme l’eau: si bien conduite, elle aide à faire grandir la végétation et à rendre féconde la terre. S’il n’y en a pas tout le monde a soif, si trop il y a des inondations.’
La promotion d’une image positive liée au phénomène migratoire est, d’ailleurs, soutenue par les autres ministres et commissaires européens. D’après Paolo Gentiloni, ‘l’immigration doit être perçue pas seulement comme une menace, mais aussi comme une opportunité.’ De surcroît, la Haute représentante à la politique étrangère, vice-présidente de la Commission Européenne, Federica Mogherini, ajoute : ‘la migration est une richesse en termes économiques, pour le pays d’accueil mais aussi pour celui du départ.’ Une richesse, toutefois, qui souffre de la griffe de la criminalité organisée qui pratiquent la traite et le trafic des êtres humains profitant de la vulnérabilité des gens.
Par conséquence, tous les États, notamment au niveau européen, doivent mettre en œuvre une politique commune en matière d’immigration, à partir de la migration légale, à l’intérieur et aussi à l’extérieur du continent européen. En outre, la vice-présidente de la Commission Européenne encourage les pays participants au dialogue, à attaquer le mal à ses racines. En particulier elle encourage l’Union Européenne à ‘promouvoir des actions de développement durable,’ à ‘travailler sur la prévention des conflits et mettre en place d’autres actions de soutien dans les pays de transit.’ Ce faisant, conclue-t-elle, ‘une attention particulière doit être réservée aux individus, notamment à l’égard des femmes, parmi les sujets les plus vulnérables, traversés psychologiquement par un drame profond que moralement nous ne pouvons pas permettre.’
Une nouvelle vision holistique entre les politiques.
Sur la base des valeurs et des priorités fondamentales renouvelées à l’occasion de la Conférence de Rome, celle-ci annonce une évolution cruciale dans le processus de Rabat. D’après les commentaires à chaud lors de la conférence de presse, ‘les États ont su aller au-delà de la dichotomie entre ‘humanitaire’ et ‘sécuritaire.’ Les dialogues ont été étendus également à la coopération économique, qui cible les racines des problématiques abordées. Ce nouveau format des discussions est très innovateur par rapport au passé : est désormais reconnu l’interdépendance entre les politiques différentes.
De plus, il en résulte davantage de cohérence qui a été renforcée par rapport aux acteurs inclus dans les dialogues et dans la mise en œuvre de leurs résultats. Pour la première fois, la Conférence a accueilli la participation conjointe des ministres des affaires intérieures et extérieures des pays adhérant au processus de Rabat.
Par ailleurs, cette synergie correspond au nouveau processus lancé par l’Union Européenne, elle-même, comme l’ont souligné Federica Mogherini et Dimitris Avramopoulos, commissaire à la migration, aux affaires intérieures et à la citoyenneté. D’après leurs déclarations, il s’agit d’un nouveau ‘modus operandi’ qui rassemble dans un format unique tous les aspects touchés par le phénomène migratoire. En pratique, les Commissaires européens concernés travaillent de manière conjointe et coordonnée, parce qu’ ‘il n’y a pas de politique purement interne, ni purement externe, ce serait absurde’, affirme la Haute représentante à la politique étrangère.
Un travail concerté entre pays
En conclusion, la déclaration de Rome du 27 novembre 2014 rappelle que ‘la question migratoire traverse l’ensemble des États partie, qui partagent entre eux une grande responsabilité,’ relève de sa part le ministre sénégalais, co-président de la Conférence. Par conséquent, il exhorte à ‘travailler de concert afin de décourager ce phénomène, dans le plein respect des droits de l’homme.’ De même, il reconnaît que c’est un grand défi qui, cependant, pourra être surmonté seulement grâce à un travail commun.’
Toutefois, la question migratoire ne connaît pas de frontière, donc, comme relève la Haute représentante à la politique étrangère, l’horizon des résultats obtenus lors de la Conférence de Rome s’étend au-delà des États du processus de Rabat, incluant différentes régions de l’Afrique concernées par d’autres cadres de dialogue bilatéral, multilatéral et régional. Ce qui est repris par le Commissaire Avramopoulos qui a annoncé le dialogue du processus de Khartoum qui s’est tenu le lendemain..
Elena Sbarai
En savoir plus
-. 4ème Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement www.processusderabat.net
-. Première Conférence Euro-Africaine sur la Migration et le Développement, du 10 et 11 juillet 2006, Rabat. Déclaration www.dialogueuroafricainmd.net et Plan d’action www.processusderabat.net
-. Infographie historique du processus de Rabat www.processusderabat.net
-. Carte des initiatives dans la région www.processusderabat.net
-. Texte de la Déclaration de Rome (15 pages) http://italia2014.eu/media/3775/fr_declaration_prog_rome_final_27_11_2014.pdf