Le commissaire Avramopoulos poursuit le dialogue régulier et étroit avec la commission parlementaire liberté sécurité et justice du Parlement Européen, faisant le point sur les activités menées jusqu’à maintenant et les projets pour l’avenir. Voici le contenu des débats du 3 décembre 2014.
Actuellement, la Commission Européenne est engagée dans un processus de réunions importantes pour fixer le programme du travail futur, notamment en matière de migration, affaires intérieures et citoyenneté. La stratégie définitive sera communiquée prochainement dans le dossier « programme de travail de la Commission ». Cependant, des résultats politiques ont été déjà atteints, grâce aux échanges fructueux et constructifs avec la Présidence italienne du Conseil, comme le confirment les Conclusions JAI du mois d’octobre (Voir en savoir plus). Ces dernières présentent un tableau des priorités communes : migration légale, lutte contre les entrées irrégulières, coopération avec les pays tiers, lutte contre la traite et le trafic d’êtres humains, mise en œuvre du système européen commun d’asile, respect des droits fondamentaux, surtout à l’égard des plus vulnérables.
Néanmoins, la Commission a joué un rôle proactif au-delà de Bruxelles, à l’occasion des conférences à différents niveaux des mois derniers : la Fundamental Rights Conference 2014, exclusivement dédiée à la migration vers l’UE, organisée par l’Agence de l’UE pour les Droits Fondamentaux (FRA), le 10 et 11 novembre 2014 ; les processus de Khartoum et de Rabat, qui a donné jour aux déclarations de Rome du 27 et 28 novembre 2014 ; et le Forum à haut-niveau politique sur la migration de Paris, le 1 et 2 décembre 2014. Un contexte très favorable à la promotion de l’approche européenne holistique, globale, intégrée et cohérente, humaine et humanitaire.
Migration et coopération au développement.
‘Comment pouvons-nous nous féliciter des dialogues à Khartoum, pays qui a fait l’objet d’une saisine de la Cour Pénale Internationale ? Quel signe donne l’Union Européenne? À quoi sert dialoguer avec ces pays corrompus, eux-mêmes aux racines de la criminalité organisée ?’ a lancé de façon un peu provocatoire , Mme. Vergiat, députée de la GUE, soutenue par Ana Gomes, S&D, et Judith Sargentini, des Verts. Les gouvernements européens sont eux-mêmes impliqués dans les réseaux de criminalité organisée, comment pouvons-nous faire confiance aux homologues africains, où il y a encore moins de garanties?
Le commissaire Avramopoulos, par contre, confirme son plein soutien aux résultats des discussions euro-africaines de la semaine passée. ‘Il faut se concentrer sur le fond des dialogues,’ dit-il, ‘les partenaires africains et les gouvernements européens ont démontré la volonté politique à coopérer : cela est déjà un bon résultat ’ ; et il ajoute ‘nous seront très attentifs aux critères à respecter, car des fonds ont été investis’.
D’ailleurs, l’approche holistique entrepris par la Commission trouve le soutien de la coordinatrice PPE Roberta Metsola : ‘La migration,’ d’après elle, ‘est une question qu’il faut aborder par une stratégie globale, notamment vers la Libye, pays à l’origine des drames de la Méditerranée.’ Et elle ajoute : ‘Il y a des réseaux criminels qui exploitent les personnes vulnérables, il faut les démanteler.’
Avramopoulos confirme : le programme pour 2015 est cohérent à cette ligne politique, et met fin aux interprétations divergentes et fragmentées des années précédentes.
L’immigration légale.
La création des voie légales et sures vers l’Europe est un des piliers de la nouvelle Commission Juncker, cheval de bataille d’Avramopoulos. Il rappelle : ‘Il faut garder à l’esprit que les gens viennent pour d’autres raisons que la criminalité : premièrement pour rejoindre leur famille, mais aussi grâce à des visa humanitaires. De surcroit, une large partie, a des compétences qui peuvent contribuer à la croissance de l’Union.’ Par conséquence, le Commissaire à la migration a insisté sur la nécessité de renforcer les liens entre migrants et marché de l’emploi, ‘premier pas vers leur intégration dans la société.’ A ce propos, affirme-t-il, ‘il faut travailler avec les entreprises et les syndicats, incluant les parties du Sud, même si les dialogues seront difficiles.’
Par ailleurs, d’après le Commissaire Avramopoulos, au niveau européen, à présent, il faut agir à partir des instruments législatifs en vigueur. Premièrement, il faut mettre en place une politique attrayante et efficace pour l’immigration légale, améliorant le dispositif de la Carte Bleu. De même, la Commission relance la refonte des directives ‘Chercheurs’ et ‘étudiants’. ‘Il s’agit de propositions ambitieuses,’ reconnait Dimitris Avramopoulos, ‘qui, par conséquence, nécessitent le ferme soutien du Parlement tout au long des négociations.’ Toutefois, Judith Sargentini (Verts) pointe le doigt sur l’insuffisance des propositions avancées : ‘C’est le moment de se pencher sur le travail non rémunéreéet moins qualifié, où le migrants subissent constamment des abus.’
Frontex et respect des droits fondamentaux.
‘Il n’y aura pas d’Europe forteresse,’ rebondit Dimitris Avramopoulos, en réponse aux inquiétudes des députés à cause de la fin de l’opération Mare Nostrum italien. ‘Triton,’ continue-t-il, ‘est la forme renforcée de ce qu’il y avait avant et, jusqu’à maintenant, il est déjà intervenu dans 27 cas de sauvetage.’
Par ailleurs, à la demande de Fernando Aguilar (S&D), à propos du respect des droits fondamentaux lors des actions opérationnelles aux frontières, il garantit : ‘Nous seront attentifs au respect du règlement Frontex, je suis disponible à une discussion plus approfondie si nécessaire.’
Le Régime Européen d’Asile Commun et le règlement de Dublin.
Kirkhope (ECR) lance de fortes critiques au système actuel : les procédures de traitement des demandes d’asile sont trop divergentes. Les conditions d’accueil diffèrent énormément parmi les pays, au détriment des droits des plus vulnérables.
La coordinatrice de la GUE, accompagnée, plus tard, par la voix de Sylvie Guillaume, de S&D, demande si la Commission a l’intention de garder le système actuel ou prévoit la révision du règlement de Dublin. Cecilia Wikström, coordinatrice ALDE, précise la question en insistant sur le respect de l’article 8 du règlement Dublin, concernant les mineurs non accompagnés, conformément à l’arrêt de la CJUE.
Le Commissaire n’a pas donné une réponse très précise, ni éclatante à l’ensemble de ces questions, alors que le 2 décembre le Régime Européen d’Asile Commun et le règlement de Dublin ont fait l’objet d’un échange bilatéral avec le ministre allemand Thomas de Maizière. Lors de l’entretien de Berlin, tous les deux ont déclaré leur faveur à un système de quota de réfugiés. Comme reporté par la presse européenne, le Commissaire Avramopoulos a reconnu publiquement les dysfonctionnements et les déséquilibres du système de partage, ainsi que les manquements de certains États membres, notamment de l’Italie. (Voir en savoir plus)
La députée Barbara Spinelli (GUE) lance son accusation directe : ‘Des centaines de syriens font grève de la faim au place Syntagma, pour réclamer de meilleures conditions d’accueil en Grèce, qui n’est pas en mesure de garantir leur protection.’ (Voir en savoir plus). Il en va de même pour l’Italie où, en plus, la procédure d’identification des migrants, selon une circulaire interne du gouvernement italien, n’exclue pas le recours à la force, si nécessaire. Le document a été dénoncé par Spinelli, qui a lancé une pétition afin de solliciter la Commission à intervenir. ‘Quelle serait, donc, sa réponse ?’La députée de la GUE demande la mise en oeuvre de la directive protection temporaire de 2001 ? Ou bien la refonte du règlement de Dublin 3 ?
Le Commissaire confirme d’être au courant des évènements récents et admet qu’on est en présence d’un vide juridique. Toutefois, depuis 2010 la Grèce dispose d’un programme d’asile spécifique pour les Syriens ; de même, des sources officielles d’informations, assurent que les réfugiés de place Syntagma ont été dument accueillis. Néanmoins, la question sera abordée à Genève mardi 9 décembre, lors de la conférence interministérielle de l’UNHCR, sur les réfugiés syriens.
Sécurité : dossiers PNR, rétention des données, combattants étrangers et Frontières Intelligentes. Quelles garanties pour la protection des données ?
Au-delà de la question migratoire, le Commissaire a abordé les points clé du programme sécuritaire, à partir du dossier PNR., à son avis le plus urgent. D’après la Commission, l’arrêt de la Cour de Justice à propos des accords PNR EU-Canada n’a aucun impact sur le fond de la directive PNR, même s’il faudra attendre son avis. Il faut, donc, accélérer : ‘L’Union a besoin d’un PNR européen, pour améliorer la sécurité en Europe et lutter contre le terrorisme, tout en garantissant la protection données.’ Avramopoulos, conscient des incertitudes de certains députés, s’est dit prêt à organiser un briefing spécifique pour expliquer en détail la valeur ajouté d’un PNR européen, car ‘il faut agir le plus rapidement possible.’
La coordinatrice PPE, Metsola, soutient son avis: ‘L’arrêt de la CJUE, PNR Canada-UE, n’a pas d’incidence sur le fond des négociations. La directive renforcera la sécurité et le système de contrôle au bénéfice de tous les citoyens.’ Par contre, Cecilia Wikström (ALDE), rejointe par la collègue néerlandaise Sofie in ’t Veld, soulève une question d’actualité qui démontre l’aspect hautement critique du sujet: le Parlement néerlandais a voté contre un projet PNR national. Par conséquent, ‘s’il n’y a pas de soutien par les États, comment peut-on défendre un PNR européen ?’. Une question qui, toutefois, ne trouve pas de réponse.
Par ailleurs, d’autres critiques, notamment avancées par la GUE, s’opposent à la pression faite par le commissaire Avramopoulos, pour avoir une adoption du paquet PNR au plus vite. Ce qui porterait atteinte aux garanties du respect des Droits fondamentaux des citoyens européens.
De sa part, la Commission reconnait qu’il faudra améliorer le système et introduire des changements pour mieux préserver les Droits fondamentaux, entre autres celui à l’information. Il faudra aussi prévoir un Agent à la protection des données et le personnel devra recevoir une formation aux Droits fondamentaux. En ce moment, les négociations avancent entre Commission et Conseil ; en même temps, le Parlement est encouragé à proposer ses amendements, afin de s’accorder sur une proposition plus solide.
Cependant, ‘il ne faut pas retarder le travail,’ car il y a des évolutions qui sont en cours dans les États membres, il faut rester attentif. Le commissaire Avramopoulos insiste : ‘Une différenciation interne entre les législations nationales offre moins de garanties à l’égard des Droits fondamentaux des citoyens ; il est important, donc, que l’Union intervienne en harmonisant le système.’ Birgit Sippel, coordinatrice du S&D, confirme ce risque : ‘Il n’est pas admissible que des systèmes nationaux différents permettent des déséquilibres dans les garanties, notamment en matière de protection des données. Il faut plus de clarté en ce domaine.’
À ce propos, le commissaire a annoncé une réunion qui aura lieu en Janvier 2015, entre les experts des PNR nationaux, incluant les représentants des défenseurs des Droits liés à la protection des données. Néanmoins, le commissaire recommande la prudence : ‘Il faut prendre des décisions réalistes qui tiennent compte de la volonté législative.’
Une autre question abordée pendant les échanges des vues entre le Commissaire et les eurodéputés LIBE, a porté sur la rétention des données, fondamentale dans la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité, ainsi qu’en matière de télécommunication. Le Commissaire a affirmé : ‘Il faudra garantir la protection des données et le bon fonctionnement du marché intérieur. A ce propos, l’arrêt de la Cour de Justice inspirera la marche à suivre.’
La Commission s’est aussi penchée sur la problématique des ‘combattant étrangers’. D’après les déclarations d’Avramopoulos, elle envisage une surveillance plus attentive par les garde-frontières, des mesures d’intervention rapide menées par les Etats membre, notamment grâce à l’accès au Schengen Information System (SIS). En outre, l’échange d’informations entre agences et autorités, européennes et nationales, permettra d’accélérer l’activation des mécanismes d’alerte.
Enfin, avec l’accord du Parlement Européen, la Commission retirera le paquet ‘Frontières intelligentes’ du 2013. Une nouvelle proposition est envisagée entre la fin du 2015, début 2016, afin d’améliorer la relation coût-avantages. Elle sera formulée en coopération étroite entre les institutions européennes, et notamment avec les deux rapporteurs en charge du dossier, Tanja Fajon et Agustín Diaz de Mera. Un Trilogue est prévu dans les jours à venir et les députés seront tenus au courant des pourparlers, avant le Coreper, par le Commissaire. Après le lancement de l’initiative, il y aura une deuxième phase, où la Commission et le Conseil travailleront en coopération avec les autorités de protection des données.
A ce propos, Tania Fejon demande plus de clarté quant aux changements qui seront apporté sà la proposition précédente : ‘Dans quelle mesure l’Union a besoin d’un système de frontières intelligentes, alors qu’il comporte des coûts considérables? Seront-ils ’proportionnels aux objectifs envisagés? Quelles autorités auront accès aux données?’
Citoyenneté. Des réponses très vagues.
Au-delà du portefeuille du Commissaire, les députés n’oublient pas ses compétences en matière de citoyenneté : ‘Quel sera l’avenir de l’Initiative citoyenne européenne, alors que le Rapport Timmermans fait référence à une réponse politique ? Quel est l’avis du Commissaire, à la lumière des discours de Cameron sur l’immigration intra-UE ?’, demandent-ils de concert.
Le Commissaire, par contre, reste très vague : ‘Les États membres n’ont pas encore exprimé leur position conjointe sur la migration intra-UE.’ D’ailleurs, il n’est pas en mesure de répondre sur le futur de l’initiative citoyenneté européenne, même s’il promet une coopération étroite avec le commissaire Timmermans, chef de file pour ce dossier . Enfin, il manifeste sa disponibilité à dialoguer de manière constructive avec le premier ministre britannique.
En conclusion, les députés ont confirmé leur intérêt et sensibilité aux questions migratoires et sécuritaires, élevant leur voix au nom des Droits fondamentaux.
Elena Sbarai
En savoir plus
– .EU-Logos, Conseil de l’Union Européenne Justice et Affaires Intérieures : premier test d’engagement et de solidarité des Etats Membres. Quels sont les résultats ? 17 Octobre 2014 europe-liberte-securite-justice.org
-. EU-Logos, Le Processus de Khartoum est lancé : de grandes ambitions pour la migration! Ne seront-elles que des promesses en l’air?, du 5 décembre 2014http://europe-liberte-securite-justice.org
-. EU-Logos, Immigration Europe-Afrique : un tournant politique ! 4ème Conférence Interministérielle Euro-Africaine sur la migration et le développement. 2 décembre 2014 http://europe-liberte-securite-justice.org
-. Libération, ‘Grèce: des Syriens campent devant le Parlement pour de meilleurs conditions d’accueil’, AFP du 23 Novembre 2014 http://www.liberation.fr
-. EurActiv, La Commission va proposer aux Etats membres de répartir les migrants par quotas FR http://www.euractiv.fr EN http://www.euractiv.com
-. EU-Logos, Les accords PNR entre l’UE et le Canada continuent à poser problème au sein du Parlement Européen divisé, 18 novembre 2014 http://europe-liberte-securite-justice.org
-. EU-Logos, Editorial: Initiative Citoyenne Européenne (ICE) en question? un gadget voué à l’échec? 11 juin 2014 http://europe-liberte-securite-justice.org