Fabrice Leggeri, le nouveau Directeur Exécutif de l’agence Frontex, s’est présenté aux parlementaires de la commission LIBE. Il a démontré sa compétence et ses ambitions pour Frontex, mais pourra-t-il tenir ses engagements ?
Le 26 novembre 2014, le Management Board de Frontex, sur la base d’une liste proposée par la Commission européenne, a choisi le successeur de Mr Ilkka Laitinen, qui a guidé l’agence, en étroite collaboration avec Mr. Gil Arias, l au cours de ces huit dernières années. Le Commissaire à la migration, aux affaires intérieures et à la citoyenneté, Dimitris Avramopoulos, a manifesté son plein appui au nouvel élu, certain qu’il saura mener à bien sa mission principale : le renforcement de la coopération opérationnelle entre les États membres de l’Union dans la gestion commune des frontières extérieures.
Le rôle à jouer, et le profil du directeur exécutif de Frontex.
Le directeur exécutif dirige et représente l’Agence. Il est le représentant légal de l’Agence et son image vis-à-vis de l’extérieur. Il exerce ses fonctions en toute indépendance et rend compte de ses activités au conseil d’administration. Le directeur exécutif joue un rôle essentiel dans la gestion de l’Agence. Il est chargé de prendre et de gérer les mesures administratives, opérationnelles et financières nécessaires au bon fonctionnement de l’Agence. (2014/C 180A/02)
L’ample expérience professionnelle et l’expertise technique de Mr. Fabrice Leggeri sont confirmées par 18 ans de carrière fructueuse.
Français d’origine, il a accompli sa formation universitaire dans des écoles renommées, comme Sciences Po Paris et l’ENA. Ensuite, depuis le début de son parcours professionnel, il a acquis une large expérience en matière de visa, frontières, immigration, notamment grâce au rôle important joué au sein du Ministère des affaires intérieures français, occupant des postes dehaute responsabilité. Il a été un point de contact fondamental pour l’Union Européenne, entre autres, pour avoir contribué à la rédaction de la Communication de la Commission en 2003, qui a abouti à la création de l’agence Frontex. Par ailleurs, il a acquis des compétences stratégiques internationales, ayant travaillé comme diplomate en chef de la délégation française en Corée du sud.
Frontex et le respect des Droits fondamentaux.
L’agence Frontex peut, donc, se considérer satisfaite d’avoir un Directeur exécutif compétent en matière de défense, politique intérieure européenne et internationale. Mais les députés de la commission LIBE ont insisté sur la surveillance et le respect des Droits fondamentaux et ont demandé au Directeur exécutif à préciser quelles seront les garanties qu’il compte donner à plein leur respect lors des opérations menées par Frontex.
Fabrice Leggeri s’est efforcé de donner toutes les assurances à cet égard: le premier objectif de Frontex est de garantir la sécurité à travers le contrôle des frontières extérieures, les Droits fondamentaux : l’Etat de Droit restent au cœur de son action.
Il se porte garant du respect des principes dégagés par la Cour de Justice de l’UE, ainsi que de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), notamment du principe de proportionnalité. De surcroit, il est ‘totalement déterminé à garantir l’application effective de la Charte des Droits fondamentaux de l’UE’, dans toutes les activités menées par Frontex, grâce aussi aux contactes développés avec les ONG et les acteurs e la société civile.
Un engagement fort, confirmé par l’intention de se rendre directement sur le terrain pour vérifier la bonne conduite de l’agence. En effet, il est bien conscient que, même s’il y a déjà un contrôle général de la part de Frontex, grâce à l’officier indépendant en charge des Droits fondamentaux, dans d’autres cas particuliers des manquements persistent.
Des perspectives de changement ?
Mais Fabrice Leggeri est allé au-delà des critiques, montrant sa détermination pour réaliser son projet de façon clairvoyante : il a fait observer qu’‘Il est paradoxal que la coopération opérationnelle européenne dépende des apports individuels et volontaires des États membres’, affirme-t-il.
Des défis…
Toutefois, les députés de la commission parlementaire LIBE restent réalistes: ‘Le budget Frontex a été lourdement réduit, comment peut-on faire confiance à un renforcement du rôle de l’agence ?’ demandent-ils. Pour sa part, le nouveau directeur est bien conscient des contraintes financières. Par conséquence, il faudra faire un travail plus précis : ‘Choisir mieux , pour investir mieux et obtenir plus de résultats.’ À ce propos, les institutions doivent travailler étroitement de manière conjointe, afin d’identifier les priorités pour le futur. Sur ces bases, les ressources Frontex seront distribuées efficacement. D’ailleurs, le soutien du Parlement, responsable budgétaire de l’Union, sera fondamental lors de l’adoption du prochain cadre financier pluriannuel.
Mais le budget limité, dénonce Leggeri, n’est pas le seul de défi de Frontex: la pression des États membres sur le travail de l’agence ainsi que de l’opinion politique des citoyens, posent nombre d’obstacles à l’avenir.
…aux priorités !
Il faut rester confiant et, conscient des difficultés qu’il faudra surmonter, garder à l’esprit les priorités à respecter. A ce propos, Fabrice Leggeri semble avoir les idées très claires quant à son mandat.
Premièrement, Frontex devra rester attentif sur tous les fronts : maritime, terrestre et dans les aéroports, car ‘les menaces viennent d’un peu de partout’.
En plus, il faut construire une culture commune et soutenir une approche solidaire pour renforcer la coopération dans la gestion des frontières extérieures européennes. Il rappelle que Frontex est ‘un élément de convergence’, ‘une pièce du puzzle’. D’après lui, les États membres doivent développer une coopération plus étroite entre eux, sur le terrain politique et opérationnelle, grâce aussi au soutien d’autres agences comme CEPOL, EUROPOL et l’agence européenne des droits fondamentaux (FRA).
Ce doit être un travail d’équipes entre les États, mais aussi au sein de l’Union et entre l’agence et les institutions. A ce propos, il est fondamental d’établir une communication efficace et transparente. Sur ce point, Leggeri s’engage à faire rapport régulièrement auprès du Parlement européen qu’il invite à visiter le quartier général de Frontex à Varsovie, en février 2015.
Un bref coup d’œil à l’actualité : Triton.
Quant aux priorités, la députée Elly Schlein (S&D) pose une question très ponctuelle : depuis un mois Triton est opérationnel en Méditerranée. Bien conscients de ses limites, notamment par rapport à la mission Mare Nostrum, ne ‘ risque-t-on pas de fermer les yeux’ sur les tragédies déjà en cours. Comment renforcer l’opération ? S’interroge la députée . Mais Leggeri dans réponse souligne qu’il faut garder présent à l’esprit une vision d’ensemble: ‘Frontex est une pièce dans un ensemble plus vaste.’ En conséquence, il faut compléter son action par des instruments politiques et législatifs européens, mais aussi par des engagements opérationnels complémentaires de la part des États. Lors des missions Frontex, le Droit de la mer et les Conventions internationales sur la recherche et le sauvetage, devront toujours être respectés.
Cependant, cette dernière affirmation se heurte à une question brulante, notamment après la lettre du directeur de la division opérationnelle de Frontex, Klaus Rösler, au directeur de l’immigration et de la police de frontière du ministère de l’intérieur italien Giovanni Pinto. Comme reporté par l’agence adnkronos, Rösler se plaint pour les sauvetages ‘excessifs ‘hors de la zone de la mission, ainsi que de l’usage de la langue italienne pendant les opérations, contrairement à ce qu’établit le règlement. A peine un mois de son lancement, Triton commence à déclencher déjà les premières tensions entre autorités européennes et nationales, comme prévu. Un point sur lequel Mr. Leggeri devra surement se pencher dans les mois à venir. Ce point sera à nouveau soulevé lors de l’audition du président du Conseil , le Ministre italien de l’intérieur Alfano (cf. autre article consacré à son audition).
Seul l’avenir dira si la personne choisie sera l’homme de la situation au bon moment? Son mandat débutera officiellement le 1er janvier 2015, pour une durée de cinq ans.
Elena Sbarai
Pour en savoir plus
-. France’s Fabrice Leggeri appointed new executive director of Frontex, 26 November 2014 http://frontex.europa.eu
-. Statement by Commissioner Avramopoulos on the appointment of the new Executive Director of Frontex, 26 November 2014 http://europa.eu/rapid/press-release
-. Euractiv Triton: Frontex a Italia, troppi interventi fuori area www.euractiv.it