Ces quelques points de repères sont utiles à la veille d’une série de réunions qui vont avoir lieu : ministres de l’intérieur à Paris dimanche (avec une présence américaine), session du Parlement européen à partir de lundi, réunion de la Commission européenne qui a annooncé des propositions dans un délais de quelques semaines, réunion des Ministres des affaitres étrangères convoquées par la Haute représentante , Federica Mogherini.
Mais avant tout un rappel ignoré par presque tout le monde : l’article 29 du Traité de Lisbonne fait référence explicitement au terrorisme (Cf. infra « Pour en savoir plus ») Les institutions, le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil dont le Conseil européen, oeuvrent à la création d’une Europe ouverte et plus sûre. Elle est en charge de politiques visant à faire en sorte que se développent toutes les activités nécessaires et propices à la croissance économique, culturelle et sociale, parmi elles :la stratégie de lutte contre le terrorisme de 2005 qui définit les principes directeurs de la contribution de l’UE à la lutte contre le terrorisme.
Elle repose sur quatre piliers, dont la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme. La stratégie de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes («Stratégie de l’UE en matière de radicalisation», adoptée en 2005 et révisée en 2008 et 2014) jette les bases d’un renforcement de la participation de la société civile à la lutte contre la radicalisation. Les actions de l’Union ont coïncidé naturellement avec les attentats du 11 septembre et ce n’est pas un hasard s’ils ont constitué une impulsion décisive pour l’adoption du « Mandat d’arrêt européen ».
Bien que les actions de lutte contre la radicalisation relèvent principalement des compétences et de la responsabilité des États Membres, la stratégie de l’UE en matière de radicalisation souligne qu’il est important et utile de mettre en place un cadre européen pour permettre aux États Membres de mieux coordonner leurs politiques, d’échanger leurs informations, d’identifier les bonnes pratiques et de développer de nouvelles idées. Cette lutte contre la radicalisation constitue la partie la plus récente et la plus visible de l’action de l’Union (lutte contre les « foreign fighters), mais en réalité ce concept de « radicalisation est apparue très tôt au lendemain des attentats de Londres (2014) où l’origine des auteurs (quasiment tous nés en Angleterre et résidents de longue date) avait frappé , stupéfait et dérouté les autorités européennes qui immédiatement ont décidé,alors, d’en faire le point central de leur stratégie. Dix ans après les choses n’on pas fondamentalement changé et le massacre de Charlie Hebdo le confirme : il s’est agi d’un terrorisme contaminé par l’extérieur, mais pas importé de l’extérieur sur le plan opérationnel.
Au cours de la grosse décennie qui vient de s’achever depuis les attentas de New York, la lutte conte le terrorisme a été présent dans les Institutions européennes, presque chaque semaine. Elle a été mêlée à de gros dossiers, certains spectaculaires comme les pratiques de la CIA, l’espionnage de masse, qui ont donné lieu à la création de commissions parlementaires d’enquêtes, de rapports, de résolutions, de débats enflammés (cf. « Pour en savoir plus » dossier de Eulogos). Il a été (et reste au cœur) du dossier protection des données personnelles, de la préservation de la vie privée etc, etc. La commission des libertés publiques, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen débattait encore jeudi dernier de la rétention des données et de l’arrêt de la Cour de Justice. A nouveau l’accord Swift avec les Etats-Unis était la vedette des débats. C’est cette même commission qui a reçu à plusieurs reprises les secrétaires d’Etat américains successifs aux affaires intérieures, ceux de Bush comme ceux de Obama. Un mot clé l’emporte en la matière : Etats-Unis.
Bien entendu, la Commission a été sollicitée d’aiderles États Membres dans leurs efforts. Son rôle est important, il convient de le rappeler.
Le rôle de la Commission européenne
En 2011, la Commission a créé le Réseau de sensibilisation à la radicalisation >1< (RSR), un réseau de coordination de dimension européenne soutient les principales organisations d’acteurs locaux impliqués dans la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent, notamment les praticiens de première ligne et les experts de terrain, tels que les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé, les enseignants, les organisations de la société civile, y compris les groupes de victimes, ainsi que les responsables politiques, les autorités locales, les responsables des forces de l’ordre, les procureurs, les responsables de la sécurité, les spécialistes du contre-terrorisme, les groupes de réflexion, les instituts, et les universitaires. Le RSR n’a cessé de se développer et, aujourd’hui, il regroupe plus de 700 organisations, soit environ 1 000 participants provenant des 28 États Membres de l’UE.
La Commission a aussi demandé au RSR de recenser les pratiques les plus pertinentes en vigueur dans les différents pays de l’UE. Ce recueil d’approche >2<, d’enseignements et de meilleures pratiques présente les démarches de huit praticiens dans le domaine de la prévention de la radicalisation, chacune étant illustrée par plusieurs exemples concrets.
S’appuyant sur l’expérience acquise dans le cadre du RSR, et notamment sur les recommandations formulées à l’occasion de la première conférence de haut niveau, la Commission a adopté le 15 janvier 2014 une communication intitulée «Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent: renforcer l’action de l’UE» («Communication sur la prévention»). Dans ce document, elle identifie dix domaines dans lesquels les États Membres et l’UE pourraient renforcer les actions visant à prévenir la radicalisation et le recrutement (notamment, par exemple, la recommandation concernant la mise en place de stratégies nationales de prévention et de réseaux nationaux de praticiens). La communication explique aussi comment la Commission entend soutenir les États Membres et les acteurs concernés dans leurs efforts en matière de prévention. Parmi les mesures de soutien opérationnel annoncées par la Commission figurent, en particulier, la transmission de l’expertise du RSR aux États Membres afin de les aider à développer et à mettre en oeuvre des ‘stratégies et des projets de sortie’, et le développement de programmes de formation.
En juin 2014, le Conseil a adopté une stratégie européenne révisée en matière de prévention de la radicalisation et du recrutement («stratégie européenne révisée en matière de lutte contre la radicalisation»). Cette stratégie reconnaît qu’il est important d’impliquer le RSR et de s’appuyer sur son expérience concernant:
-. l’élaboration de programmes de sensibilisation et de modules de formation sectorielsà destination des intervenants de première ligne;
-. la participation de la société civile et du secteur privé, et l’exploitation de leurs ressources et de leur expertise, afin d’accroître la résilience;
-. les échanges de meilleures pratiques et d’expériences en vue de l’élaboration de programmes de sortie;
-. l’acquisition de savoir-faire et la réinsertion des anciens terroristes;
-. l’orientation des recherches vers l’étude du phénomène de radicalisation dans un contexte en constante évolution;
-. la coordination entre, notamment, les universitaires et les praticiens de première ligne; et l’éclairage sur les décisions politiques futures, notamment dans le domaine des stratégies et programmes de sortie.
La Commission a également apporté un soutien financier, sous forme de subventions, à différents projets en faveur de la prévention de la radicalisation et du recrutement.(Cf. http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network/index_en.htm ; http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network/ ran-best-practices/index_en.htm
Les objectifs spécifiques et les résultats escomptés de ces projets sont les suivants:
-. consolider les réseaux rassemblant des praticiens et des responsables politiques. Exemple de projet: European Network of Deradicalisation (Réseau européen pour la déradicalisation).www.european-network-of-deradicalisation.eu)
-. fournir des conseils pratiques, par exemple par l’élaboration de recommandations et d’orientations. Exemple de projet: Formers and Family (Anciens et famille) – un projet qui a pour but d’élaborer des lignes directrices sur la façon d’impliquer les familles et les anciens dans des initiatives de prévention.
-. développer des outils pratiques, par exemple des modules/programmes de formation ou du matériel et des outils d’apprentissage en ligne. Exemple de projet: CoPPRa I et CoPPRa II – projets pour la création de matériel et programmes de formation ainsi que d’outils d’apprentissage en ligne. www.coppra.eu Exemple de projet: Improving security by democratic participation (Améliorer la sécurité par la participation démocratique) – un projet qui propose des formations pour apprendre à détecter les signes de radicalisation et à réagir en conséquence. www.isdep.eu/content/462/what-is-isdep
-.développer du matériel audiovisuel, par exemple des films présentant des contre-discours. Exemple de projet: Victim’s counter-terrorism gathering: The voice of the survivors against radicalisation. Exemple de projet: Counternarration Counterterrorism. Exemple de projet: European Platform of de-radicalisation narratives (Plateforme européenne de récits de déradicalisation) – un projet audiovisuel qui implique aussi l’élaboration de matériel de formation, le recensement des bonnes pratiques et la création d’une base de données de récits.
-. créer des plateformes en ligne afin de permettre des échanges et des recherches sur les politiques, la recherche, des études de cas et le partage des meilleures pratiques.Exemple de projet: Formers and Family (Anciens et famille) – un projet visant la création d’une plateforme en ligne à l’intention des familles, organisé par le biais du RSR. Exemple de projet: European Policy and Practices Exchange Portal (portail européen d’échange sur les politiques et pratiques).www.counterextremism.org
Au cours de la période 2014-2020, les projets en rapport avec la prévention de la radicalisation seront financés au titre du Fonds pour la sécurité intérieure (FSI), par le biais de l’instrument FSI-Police. Cet instrument disposera, pour cette période, d’un budget d’un peu plus d’un milliard d’euros, dont 662 millions en gestion partagée et 342 millions en gestion directe >4<. Pour ce qui concerne la gestion partagée, la Commission encourage vivement les États Membres à utiliser les fonds disponibles pour soutenir des projets et des mesures visant à prévenir la radicalisation. S’agissant de la gestion directe, la Commission prévoit d’investir jusqu’à 12 millions d’euros dans des initiatives pertinentes.
Définition du terrorisme : art 29 du traité de Lisbonne (cf. Article de Nea say de juillet 2008)
L’article 29 du traité sur l’Union européenne fait référence spécifiquement au terrorisme en tant que forme grave de criminalité. L’action de l’Union en matière de lutte contre le terrorisme s’insère dans le cadre du 3e pilier, à savoir la coopération policière et judiciaire en matière pénale (titre VI du traité sur l’Union européenne).
Dans cette perspective, les infractions terroristes sont définies comme des actes intentionnels, notamment l’enlèvement ou la prise d’otage, la libération de substances dangereuses ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines, les meurtres, etc. Sont également considérées comme étant des infractions terroristes les actes qui peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale lorsque l’auteur les commet dans le but de gravement intimider une population ou contraindre des pouvoirs publics, gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques (décision-cadre du 13 juin 2002).
L’action de l’Union s’appuie sur des instruments spécifiques destinés à faciliter l’entraide entre les services répressifs des États membres tels que Europol, Eurojust, le mandat d’arrêt européen et les équipes communes d’enquête (composées de responsables des autorités répressives des différents États membres et, le cas échéant, d’agents d’Europol).
D’autres instruments visent également plus directement les organisations terroristes, leurs membres ainsi que leur fonctionnement, comme l’établissement d’une liste commune des titulaires dont les avoirs terroristes doivent faire l’objet d’une confiscation.
Les progrès de l’Union en matière de lutte contre le terrorisme ont essentiellement évolué en fonction de différents évènements depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ainsi, ont été adoptés :
un plan d’action visant à renforcer la coopération policière et judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme par le Conseil européen qui s’est réuni le 21 septembre 2001 en session extraordinaire suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 ;
une déclaration qui prévoit une clause de solidarité en vertu de laquelle tous les États membres sont tenus de mobiliser l’ensemble de leurs moyens, y compris militaires, en cas d’attaque terroriste contre l’un d’entre eux lors du Conseil européen de mars 2004 suite aux attentats à Madrid le 11 mars 2004 ;
un stratégie anti-terroriste (décembre 2005 complétée par la suite cf. supra), suite aux attentats de Londres, qui s’articule autour de différents axes: prévention, protection, poursuite et réaction.
Pour en savoir plus :
Dossier de Nea say (Eulogos) http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3393&nea=153&lang=fra&arch=0&term=0
-. http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/financing/fundings/projects/index_en.htm
-. http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/financing/fundings/security-and-safeguarding-liberties/
internal-security-fund-police/index_en.htm