Deuxième Conférence internationale (CIN2) sur la nutrition : la première Conférence Intergouvernementale du XXIème siècle à être consacrée aux problèmes de nutrition dans le monde.

La CIN2 qui a eu lieu du 19 au 21 novembre 2014 à Rome a été organisée conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en coopération avec l’Équipe spéciale de haut niveau sur la sécurité alimentaire, le FIDA, l’IFPRI, l’UNESCO, l’UNICEF et  la Banque Mondiale. La Conférence a rassemblé au siège de la FAO les délégués de plus de 170 gouvernements, 150 représentants de la société civile et une centaine du secteur privé.

Plus de vingt ans après la première Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN), l’organisation de la CIN 2, était l’occasion de placer la (mal)nutrition au centre des préoccupations de la Communauté internationale. Beaucoup de changements sont survenus entre les deux conférences. Premièrement, l’idée que la question de la faim se résumerait essentiellement à un déficit de calories a progressivement été complétée par la prise de conscience de la nécessité d’une bonne qualité nutritionnelle de l’alimentation comme élément indispensable à la réalisation de la sécurité alimentaire et du droit à l’alimentation. Deuxièmement, les approches soulignant uniquement les interventions de santé ont été abandonnées en faveur d’une approche multisectorielle, qui reconnaît également l’importance de l’action au niveau de l’agriculture, de l’éducation et de la gestion des risques de catastrophes, entre autres.

Des progrès notables ont été réalisés en termes nutritionnels. La population sous-alimentée a baissé d’environ 20 %. A l’échelle mondiale, on se nourrit mieux, de façon plus équilibrée et plus saine. En conséquence, on vit plus longtemps et en meilleure santé. Mais le nombre de personnes souffrant de la faim reste tout de même élevé, notamment en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, les problèmes de surpoids et d’obésité sont devenus préoccupants dans de nombreux pays, y compris dans des pays en développement, ce qui n’était pas le cas en 1992. Ceci tend à favoriser certaines maladies, comme les maladies cardiovasculaires, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et certains cancers.

Ces dernières années, les institutions internationales de sécurité alimentaire, ont répertorié une baisse du nombre de personnes touchées par la sous-alimentation, de 100 millions au cours des dix dernières années et de 209 millions depuis 1990. Malgré ce recul, les chiffres en valeur absolue (soit 805 millions de personnes souffrant de malnutrition chronique entre 2012 et 2014) demeurent inacceptables dans un monde qui regorge de richesses. La dénutrition est à l’origine de 45 % des décès d’enfants dans le monde en 2013, constituant la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans. Au-delà de la sous-alimentation chronique, plus de 2 milliards de personnes continuent de souffrir de la « faim cachée », entendue comme une carence en micronutriments (vitamines et minéraux ou oligo-éléments). A l’opposé, l’excès pondéral et l’obésité, qui sont également des formes de malnutrition, ont progressé rapidement dans toutes les régions du monde, touchant 42 millions d’enfants de moins de 5 ans (excès pondéral) en 2013 et plus de 500 millions d’adultes (obésité) en 2010.

Par ailleurs, les progrès accomplis au niveau global sont loin d’être généralisés : d’importantes inégalités persistent d’un pays à l’autre ainsi qu’au sein d’un même pays en ce qui concerne l’accès à une nourriture adéquate. Globalement, c’est la région de l’Amérique latine et des Caraïbes qui a le plus progressé, notamment grâce aux mesures sociales instaurées par certains états. L’Afrique subsaharienne et l’Asie de l’ouest ont obtenu quant à elles des résultats beaucoup plus modestes.

Margaret Chan, directrice générale de l’OMS, a exhorté les pays à faire des politiques environnementales, une partie intégrante des discussions de la CIN2, et a averti que les problèmes d’obésité sont en train d’augmenter considérablement les coûts des soins de santé. Elle a appelé l’industrie alimentaire à produire des aliments plus sains et à cesser de vendre de la nourriture de tous les jours malsaine. Elle a annoncé que l’édition 2015 de la Journée mondiale de la Santé allait être axée sur la sécurité alimentaire

Par ailleurs, José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, a souligné qu’alors que la faim reste un problème important, le monde se trouve également confronté aux défis émergents de l’obésité et du double fardeau de la nutrition. Il a indiqué qu’avoir assez de nourriture pour que tout le monde puisse manger correctement, n’est pas avoir une alimentation saine, et a souligné la nécessité de « rendre les systèmes alimentaires plus sains », de la production à la consommation. Il a souhaité voir annoncées à la CIN2, des cibles à atteindre, qui vont au-delà de ce qui a déjà été convenu.

Ignazio Marino, maire de Rome, a souligné l’importance de l’agriculture familiale et du rôle des petites exploitations familiales, notant qu’elles soutiennent l’agriculture durable et la biodiversité locale et la réduction de la faim.

La deuxième conférence internationale sur la Nutrition a produit deux documents finaux : 1) la déclaration de Rome sur la Nutrition qui est un « document politique de haut niveau », et 2) un cadre d’Action global, visant à fournir «une série d’options politiques et de stratégies que les gouvernements, agissant en concertation avec les autres parties prenantes peuvent incorporer, le cas échéant, dans leurs plans nationaux relatifs à la nutrition, à la santé, à l’agriculture, au développement et à l’investissement et peuvent prendre en compte lors des négociations d’accords internationaux visant à garantir à tous un meilleur statut nutritionnel».

La déclaration de Rome sur la Nutrition propose de façon ambitieuse «une vision commune pour une action mondiale visant à mettre fin à toutes les formes de malnutrition ». Le cadre d’Action souligne que «c’est aux gouvernements qu’il incombe au premier chef d’agir au niveau du pays». Il est donc de la responsabilité des gouvernements concernés de chiffrer et d’évaluer de toute urgence les politiques et mesures recommandées par le cadre d’Action en fonction des besoins, des conditions et des priorités des pays et de décider des actions supplémentaires à intégrer dans la nouvelle version de leurs PNAN (Plans Nationaux d’Action pour la Nutrition), alimentée par la participation active et soutenue de la société civile et des mouvements sociaux. Comme cela a été mis en lumière par le tout premier rapport Mondial sur la Nutrition, les financements qui visent à lutter contre la sous-nutrition sont encore très limités par rapport aux besoins. Les pays donateurs doivent aider à définir des options innovantes de financement plus conséquentes pour la nutrition dans le but de soutenir la mise en œuvre du droit à une alimentation adéquate.

Dans ce contexte, la CIN2 offrait une occasion unique de définir des politiques publiques aux niveaux national et mondial en faveur de la nutrition ; ainsi que de prolonger le moment de la nutrition en positionnant la nutrition comme une priorité mondiale, à l’aube de la révision des objectifs de développement pour l’après 2015. Cet objectif ne pourra toutefois être réalisé sans des engagements politiques forts et une mobilisation sans faille.

Afin d’atteindre l’objectif visant à éliminer la faim et à prévenir toute forme de malnutrition, les gouvernements participant à la CIN2 se sont engagés à élaborer des politiques, programmes et initiatives visant à assurer une alimentation saine pendant toute la vie, notamment pour les personnes ayant des besoins nutritionnels spéciaux (les femmes avant et pendant la grossesse, les enfants pendant les 1000 premiers jours de vie) en favorisant : l’allaitement maternel, l’alimentation saine dans les familles et à l’école pendant l’enfance, ainsi que d’autres formes d’alimentation spécialisée.

Les gouvernements se sont également engagés à faire une place plus importante à la nutrition dans les politiques nationales en investissant d’avantage dans l’amélioration de l’alimentation et de la nutrition, en promouvant la recherche-développement et les innovations technologiques et en améliorant l’information et l’éducation en matière de nutrition. Le tout moyennant la participation d’un large éventail d’acteurs. La Déclaration propose de déclarer la période 2016-2025 comme « Décennie d’action pour la Nutrition ».

Le cadre d’action qui accompagne la Déclaration de la CIN2, fournit une série d’options d’actions et de stratégies que les gouvernements peuvent, d’une part, incorporer dans leurs plans nationaux relatifs à la nutrition, à la santé, à l’agriculture, au développement, à l’investissement, et d’autre part, prendre en compte lors des négociations des accords internationaux. Il faut cependant souligner que le respect de ces engagements se fait sur une base volontaire.

Tout au long du processus CIN2, les OSC ont rappelé que la lutte contre la malnutrition doit être fondée sur les principes suivants :

  1. une approche de la sécurité alimentaire et nutritionnelle fondée sur les droits humains – y compris les droits des femmes et des paysans;
  2. la gestion cohérente et coordonnée de la nutrition tout au long du cycle de la vie et à tous les niveaux ;
  3. le support des systèmes agricoles et alimentaires locaux basés sur le principe de la souveraineté alimentaire, des marchés locaux et des pratiques agro-écologiques assurant l’utilisation durable des ressources et ;
  4. la gouvernance démocratique de l’alimentation et de la nutrition, dans un cadre réglementaire mondial et national.

Ces initiatives devraient s’articuler avec les politiques de travail décent, d’accès universel à la santé, à l’éducation et aux infrastructures sanitaires de bases, ainsi qu’aux systèmes de protection sociale universaux qui renforcent la résilience des populations aux catastrophes naturelles.

Les OCS observent avec préoccupation que la CIN2 n’a pas suffisamment orienté les efforts dans ce sens. Il existe suffisamment de preuves de la pertinence de l’approche des droits humains pour atteindre ces objectifs, à condition de faire preuve d’une forte volonté politique.

Irene Capuozzo

 

 

Pour en savoir plus :

  • ACF International – Mettre fin à la malnutrition d’ici à 2030 – novembre 2014 – (FR)
  • IISD Reporting Service – Bulletin de la Conférence internationale sur la nutrition – 24/11/2014 – (FR)
  • UNICEF – Improving child nutrition : the achievable imperative for global progress – avril 2014 – (EN)
  • FAO – CIN2 : Conférence Internationale sur la nutrition – 19/21 novembre 2014 – (FR)
  • FAO – Document final de la Conférence: Déclaration de Rome sur la nutrition – 19/21 novembre 2014 – (FR)
  • FAO – Document final de la Conférence – Cadre d’action – 19/21 novembre 2014 – (FR)
  • OMS Deuxième Conférence internationale sur la nutrition (ICN2) – novembre 2014 – (FR)
  • UNSCN – Second International Conference on Nutrition (ICN2) – 19/21 Novembre 2014 – (EN)
  • UN News Center At global food conference, UN officials sound the call for better global nutrition – 25/11/2014 – (EN)
  • fr La Deuxième conférence internationale sur la nutrition en 10 questions – novembre 2014 – (FR)
  • FIAN Belgium – La Deuxième Conférence Internationale sur la Nutrition : Analyse critique de la société civile – décembre 2014 – (FR)
  • FAO – Cibles mondiales 2025 – 30/09/ – 01/10/2013 – (FR)
  • IFPRI – Global Nutrition Report – 2014 – (EN)
  • FAO – Carte de la faim FAO 2014 – (FR)
  • FAO – Données de la FAO sur la malnutrition – 2014 – (FR)
  • La Libre belgique :Lalibre.be – USA: l’obésité coûte huit milliards de dollars par an en productivité perdue (étude) – 14/11/2014 – (FR)

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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