Année européenne du développement: migration et mobilité les deux moteurs de l’économie, de la société, de l’humanité.

Depuis le 1983, la Commission européenne, avec l’approbation du Parlement européen et du Conseil des ministres UE, dédie chaque année à un thème spécifique afin de sensibiliser les citoyens de l’Union à certaines questions au cœur des politiques de l’Union. Le 2015 est l’année européenne pour le développement, mais la poste en jeu a une dimension globale.

Pourquoi une année pour le développement ?

L’Union européenne et ses États membres en 2013 ont été reconnus par l’OECD en tant que principaux donateurs d’aides au développement au niveau mondial, fournissant plus de la moitié de l’APD (aide publique au développement). Pour autant, beaucoup d’États Membres n’ont pas atteint les objectifs du Millennium Development Goals (MDG) qui, lancés en 2000, s’apprêtent à expirer à la fin de cette année. Le rapport AidWatch (CONCORD) de 2014 ‘Aid Beyond 2015’, le confirme : ‘l’Union européenne n’a pas atteint le seuil du 0.7 % de son RNB consacré à l’aide au développement, accusant un déficit de financement de 41 milliards d’euros’.

Le lancement de l’année 2015 pour le développement peut, donc, apparaitre une coïncidence paradoxale, autant que recherchée. Le but est d’encourager les États à renouveler leurs efforts de manière plus ferme et crédible, notamment à l’occasion du ‘Special Summit on Sustainable Development’ qui aura lieu en septembre 2015 à New York, en vue de lancer les Sustainable Development Goals, dans le cadre multilatérale des Nations Unies. En même temps cette année, la communauté internationale se rencontre à Paris pour la Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique, une preuve supplémentaire du rôle globale de l’Union.

C’est dans ce cadre que le 8 janvier 2015 a été lancé l’année européenne pour le développement (EYD2015), saluée chaleureusement par la présidence Lettone au Conseil, ainsi que de la Haute Commissaire aux affaires étrangères Federica Mogherini et le président de la Commission Juncker. Au cours de l’année nombre de débats auront lieu dans les différents États membres, les organisations laisseront les portes ouvertes à tout citoyen désireux de s’engager, y compris dans des projets de volontariat sur le terrain.

Le débat à la Plénière du Parlement

Lors de la plénière du Parlement européen du mercredi 14 janvier 2015 la porte-parole du Conseil européen, sous la Présidence Lettone, Mme. Zanda Kalniņa-Lukaševica, ainsi que la Commission européenne et les eurodéputés reconnaissent les lacunes des années passées en matière de coopération au développement. Cependant, ils reconnaissent être conscients des défis et se disent prêts à s’engager davantage.

Néanmoins, la position des parlementaires intervenants lors des débats semble être partagée. D’une part, les plus eurosceptiques demandent la fin de l’hypocrisie des aides aux développement. Ils considèrent, au contraire, qu’il faut se préoccuper premièrement des citoyens de l’Union, qui font face à des difficultés économiques graves.

D’autre part, la majorité des parlementaires garde une vision constructive. Ils ont insisté pour plus de cohérence, plus d’efficacité, plus de fonds et davantage d’initiatives. A ces propos, ils ont lancé un appel aux États membres et aux institutions européennes pour qu’ils renforcent les engagements en termes quantitatifs, mais surtout qualitatifs.

L’année pour le développement, donc, lance un message clair qui resort de la ferme volonté de l’Union à garder son rôle de chef de file en ce domaine. Un engagement renforcé grâce au soutien que l’Union espère susciter parmi ses citoyens, à travers les initiatives qui sont prévues pour le EYD2015.

Il faut que l’Europe comprenne que ‘l’amélioration des conditions de vie des citoyens des pays tiers est complémentaire à l’amélioration des conditions de vie de nos citoyens’, car ‘il n’y a plus de barrières entre les questions intérieures et extérieures’, souligne la Haute Représentante pour les affaires extérieures Mme. Mogherini, en conclusion du débat de mercredi dernier,14 janvier. L’aide au développement, ajoute-t-elle, ‘n’est pas de la charité mais un investissement stratégique au profit de notre avenir’. Il faut, donc, intervenir avec ‘les bon outils, au bon moment et au bon endroit’. D’ailleurs, d’après la Commissaire Mogherini, il faut développer une politique cohérente : ‘Les défis sont communs et ont des conséquences dans d’autres domaines, entre autre pour l’asile et l’immigration’.

Migration et coopération au développement

Du point de vue budgétaire les dépenses consacrées aux migrations internationales, et notamment celles relatives à la prise en charge des réfugiés, ne devraient pas être comptabilisées dans les aides au développement. Cette tendance a été critiquée par Peter Sorbom de CONCORD Suède, parce qu’elle cache la réduction des fonds investis aux fins de développement de la part de nombre d’États. (1)

Néanmoins, la question migratoire demeure étroitement liée au développement. C’est pourquoi le mois de septembre 2015, dans le cadre de l’EYD2015, sera dédié au thème ‘démographie et migration’.L’incessante augmentation de la population mondiale, les catastrophes climatiques qui se succèdent et les difficultés économiques, explique la Commission, contribuent à l’intensification des flux migratoires, qui la dernière année ont concerné environ 230 millions de personnes. En plus, le monde est en train de connaitre une des crises de réfugiés et de personnes déplacées parmi les plus graves. Toutefois, les migrants se retrouvent souvent dans des conditions d’extrême vulnérabilité, dont souvent les trafiquants d’êtres humains profitent. La persistance de ces défis impose à l’Union européenne des responsabilités importantes à l’égard des droits des migrants, auxquelles elle doit faire face aussi à travers les politiques de coopération et développement.

Le lien entre ces deux domaines est illustré par la Commission dans sa communication Maximising the Development Impact of Migration approuvée en 2013, en vue de l’adoption des prochains objectifs globaux pour le développement. (voir « Pour en savoir plus ») Comme le souligne le document, la migration et la mobilité offrent un potentiel énorme pour le développement, entre autre grâce aux transferts de capital humain, social et financier entre les pays coopérants.

Toutefois, mobilité et migration peuvent aussi avoir un impact négatif, par conséquence il faut prévoir des politiques qui visent à maximiser les effets positifs. A ce propos, l’Union soutient une approche ample, qui comprenne les aspects économiques, sociaux et environnementaux.Plus concrètement, la dimension extérieure de la politique d’asile et immigration de l’Union européenne est désormais devenue une priorité incontournable. C’est ainsi qu’en 2005 l’UE a lancé l’Approche Globale pour la Migration et la Mobilité, qui a été à l’origine des dialogues structurels et inclusifs, développés au niveau régional et sous-régional, et des partenariats entamés avec les pays d’Afrique et de l’Est, ainsi qu’en Asie et en Amérique Latine, sur les thèmes de la migration et du développement.

Enfin, l’Union cherche à promouvoir une approche cohérente et holistique entre la politique migratoire et la coopération au développement. Cette direction générale se structure sur des actions plus ciblées, menées dans les pays de l’Union et ses partenaires :

-. Renforcement des capacités pour gérer l’immigration et l’émigration à des fins d’emploi

-. Support logistique dans l’analyse des données statistiques et des informations relatives au phénomène migratoire et à son impact sur le développement

-. Initiatives à la faveur des transferts des fonds, notamment à travers la réduction des coûts du transfert.

-. Lutte contre la traite et le trafic des êtres humains, tout en promouvant la protection des Droits fondamentaux des migrants

-. Soutien à l’égard des membres des diaspora et des migrants qualifiés puisqu’ils puissent contribuer au développement de leur pays d’origine.

-. Gestion intégrée des frontières afin qu’elles soient ouvertes, sures et respectueuses des droits fondamentaux des migrants

En conclusion, la migration ne doit pas être conçue comme un phénomène européen. Les flux migratoires appartiennent à un mouvement continu globale, qui ne connait ni départ ni fin. Un mouvement capable d’engendrer une énergie positive au profit du développement de chaque pays. Mais l’objectif n’est pas d’atteindre un ‘niveau’ de bien-être préétabli ; au contraire, toute initiative pour le développement doit viser à la réalisation de chaque individu en plein respect de ses droits, dans une société globale qui ne connait pas de frontières.

Elena Sbarai

 

(1) CONCORD news, Rapport Aidwatch: l’UE ne tiendra pas ses engagements en matière d’aide au développement en 2015, 13 November 2014 http://www.concordeurope.org/

 

En savoir plus

      -. European year for development, official website https://europa.eu/eyd2015/

      -. The Millennium Development Goals http://www.un.org/millenniumgoals/ ; the Sustainable Development Goals https://sustainabledevelopment.un.org

       -. International Cooperation and Development, Thematic programme Migration and Asylum: policy ; thematic programme ; funds

     -. Communication from the Commission, Maximising the Development Impact of Migration 21 May 2013 EN http://ec.europa.eu

      -. EurActiv, Details emerge about the European Year for Development 2015, 10 Dec 2014 http://www.euractiv.com

      -. MEPs debate European Year for Development 2015, http://www.europarl.europa.eu

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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