Les sanctions pénales en Europe : premières leçons des statistiques du Conseil de l’Europe.

La crise économique empêche d’améliorer les conditions dans les prisons, telle est la première leçon à retenir de ce rapport annuel 2013 qui vient d’être publié. Le second enseignement est la profonde disparité entre les pays qu’il s’agisse de 47 pays membres du Conseil de l’Europe ou des 28 pays membres de l’Union européenne. Ces disparités justifient à elle seule l’existence d’une instance comme celle du Conseil de l’Europe chargée de faire respecter des normes agrées en commun. Des ensembles aussi importants ne peuvent coexister et se développer harmonieusement avec des situations aussi disparates. Il en va du socle commun des droits fondamentaux comme de l’Union économique et monétaire : les évènements de ces dernières années l’ont démontré amplement des disparités trop importantes conduisent à directement à l’échec. C’est toute la crédibilité du discours de l’UE qui est en jeu et tout particulièrement vis-à vis des pays tiers si soupçonneux et si prompts à dénoncer la moindre dérive de l’UE.

Les dépenses par détenu dans les prisons d´Europe diminuent depuis le début de la crise économique, ce qui a vraisemblablement impacté la qualité de la vie des détenus. La crise n’a pas eu d’effet significatif sur le nombre de personnes incarcérées, même si une faible diminution du surpeuplement des prisons a été constatée. Telles sont quelques-unes des conclusions qui ressortent de l’édition 2013 des Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (enquêtes SPACE I et SPACE II publiées le 11 février 2015)

En 2012, les administrations carcérales d’Europe ont dépensé une moyenne de 97 € par détenu et par jour, soit 2€ de plus qu’en 2011, avec de fortes disparités d’une administration à l’autre. Si l’on considère la période allant de 2007 – qui marque le début de la crise économique – à 2012, les dépenses par détenu ont diminué (passant d’une moyenne de 99,1 € à 96,7€ par personne, et d’une médiane passant de 53,4€ à 41,6€ par personne). Très peu de pays font état d’une augmentation. En 2012, les 45 administrations pénitentiaires qui ont communiqué des données pour l’enquête ont dépensé plus de 26 milliards d’euros.

Par ailleurs, le taux d’incarcération – ou nombre de personnes incarcérées sur 100 000 habitants – a augmenté de 2,7% entre 2007 et 2012. Toutefois, cette évolution a aussi fortement varié d’un pays à l’autre, de fortes augmentations ou de nettes diminutions étant observées dans bon nombre d’entre eux.

En 2013, le problème du surpeuplement est resté aigu dans 21 administrations carcérales d’Europe sur 50, la même proportion que l’année précédente. Une certaine amélioration a cependant été constatée : en 2013, les prisons hébergeaient en moyenne 96 détenus pour 100 places, contre 98 en 2012 et 99,5 en 2011. L’Italie (qui a fortement réduit sa population carcérale en 2014), la Hongrie, Chypre, la Belgique, “l’ex-République yougoslave de Macédoine”, le Portugal, la France, la Roumanie, la Croatie et l’Albanie ont affiché les taux de surpeuplement les plus sérieux.

La part des personnes purgeant une peine de moins d’un an était relativement élevée, même si elle a diminué, passant de 15% en 2012 à 13 % en 2013. Une mise en oeuvre des recommandations du Conseil de l’Europe permettrait souvent de remplacer ces peines par des mesures de substitution à l’incarcération afin de réduire le surpeuplement et de faciliter la réinsertion des auteurs d’infractions dans la société. La durée la plus courante des peines de privation de liberté reste la catégorie des peines de 1 à 3 ans (23% des détenus), tandis que la part des peines de plus de 10 ans a légèrement augmenté, passant de 10,2% des détenus en 2012 à 11% en 2013. Alors qu’une augmentation a été constatée dans le nombre de personnes placées sous la surveillance ou prises en charge par les services de probation, cela n’a que légèrement contribué à réduire le surpeuplement des prisons. Ainsi, en 2013, seules 7,8% des personnes surveillées par les services de probation étaient en attente de jugement (contre 7% en 2012). Dans de nombreux pays, un surpeuplement est constaté dans les centres de détention provisoire où sont détenues les personnes non encore condamnées.

En 2013, les infractions les plus courantes étaient, une fois de plus, celles concernant les stupéfiants et les vols. Sur 100 détenus condamnés, 18 purgeaient une peine pour infraction à la législation sur les stupéfiants (contre 17 en 2012). Le vol qui, traditionnellement, était la cause d’incarcération la plus courante, constituait l’infraction principale pour 16% des détenus, contre 17% 2012.

Une légère augmentation a été constatée dans le pourcentage total des ressortissants étrangers parmi les détenus (14,1% du total en 2013, contre 13% en 2012). Ce chiffre était supérieur à 30% dans plusieurs pays d’Europe occidentale, contre environ 2% dans les pays d’Europe orientale. Une augmentation de la proportion des détenus originaires d’Etats membres de l’UE a également été constatée (de 34% à 37%).

En 2012, l’âge médian de la population européenne était de 34 ans, et la répartition entre les femmes (4,7%) et les hommes (95,3%) est restée stable. La mortalité a augmenté (en 2012, on a dénombré 28 décès pour 10 000 détenus, contre 25 pour 10 000 en 2010). Le taux moyen de suicides dans les prisons était de 11,2 décès pour 10 000 détenus alors que le nombre médian, qui est considéré comme plus fiable d’un point de vue statistique, était de 5,4 suicides pour 10 000 détenus.

***L’enquête SPACE est menée pour le compte du Conseil de l’Europe par l’Ecole des Sciences criminelles de l’Université de Lausanne. L’édition 2013 de l’enquête SPACE I réunit des informations de 50 des 52administrations pénitentiaires des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, tandis que SPACE II faitla synthèse d’informations communiquées par 47 services de probation.

Pour en savoir plus:

-. Rapport Space I 2013 http://www3.unil.ch/wpmu/space/space-i/annual-reports/

-. Rapport Space II 2013 http://www3.unil.ch/wpmu/space/space-ii/annual-reports/

-. Executive Summary http://www3.unil.ch/wpmu/space/files/2015/02/ENG_Executive-Summary_SPACE-2013_150206.pdf

-. Résumé Space 2013 http://www3.unil.ch/wpmu/space/space-i/annual-reports/

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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