Directive européenne sur le congé maternité : derniers mois pour « ressusciter » la proposition

Depuis 7 ans la proposition sur la nouvelle directive européenne sur le congé maternité est au point mort. Le blocage au Conseil de l’Union européenne et l’excuse de la crise économique et financière ont mené la Commission européenne en juin 2014 à menacer de retirer ce texte au nom de la «bonne gestion» du processus législatif.

La question de la protection des droits liés à la maternité est un facteur important pour la participation des femmes au marché du travail. D’ailleurs, dans une jurisprudence constante, la Cour de justice a reconnu que «il est légitime, au regard du principe de l’égalité de traitement, de protéger une femme en raison de sa condition biologique pendant et après la grossesse».

«Nous devons progresser vers l’égalité mais aussi permettre aux femmes d’équilibrer leur vie professionnelle et leur vie familiale» a déclaré l’eurodéputée belge des Socialistes et Démocrates, Marie Arena. Lors du débat sur le rapport Tarabella à propos des progrès faits en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, elle a souligné que le congé maternité «est actuellement une source de discriminations: elle discrimine les jeunes filles qui à la recherche d’un emploi, elle les discrimine sur le plan de la protection des femmes enceintes dans la recherche d’un emploi. Cela fait qu’aujourd’hui nous avons de mauvais taux d’emplois pour les femmes et que nous avons une chute de la natalité». À cet égard elle a encouragé «tous ceux qui veulent augmenter la natalité en Europe» à soutenir la directive congé de maternité.

La législation européenne actuelle, en vigueur depuis 1992, garantit un congé de maternité d’au moins 14 semaines s’accompagnant d’une « allocation adéquate ». Cependant, de nombreux Etats membres disposent déjà de réglementations plus généreuses à ce sujet, et dans certains pays, notamment la Suède, le congé parental peut être partagé entre la mère et le père.

En octobre 2008, la Commission européenne a présenté des propositions pour augmenter la durée du congé maternité en UE de 14 à 18 semaines, en parallèle avec les normes développées par l’Organisation internationale du travail .

En 2010 le Parlement européen s’est exprimé en faveur d’un congé de la durée minimal de 20 semaines, avec une rémunération à 100% du salaire, et il a proposé aussi le principe d’un congé de paternité rémunéré.

Toutefois, depuis fin 2010, les gouvernements de l’Union européenne ne sont pas parvenus à s’entendre sur cette proposition et le Conseil européen n’a pris aucune initiative pour entamer des négociations.

Un diplomate européen interviewé par Euractiv a déclaré que «les États membres sont tous d’accord sur le fait qu’il devrait exister des lois pour les travailleuses enceintes, mais beaucoup pensent que les durées les plus courtes existantes sont adéquates, et que les plus longues proposées par le Parlement ne sont absolument pas la voie à suivre».

Un autre diplomate a fait connaître que «si le dossier devait être abandonné, ce ne serait pas grave. Nous n’avons pas été convaincus par les amendements du Parlement et pensons que fondamentalement, ce type de politique sociale ne devrait pas faire l’objet d’une directive à l’échelle européenne».

Parmi les pays opposés à un allongement à 20 semaines, il y a notamment la Grande-Bretagne et l’Allemagne qui s’inquiètent des coûts engendrés par ce projet dans le contexte de la crise économique.

Le blocage est tel que la proposition se trouve en première ligne parmi les textes dont la Commission prévoit de se débarrasser puisqu’ils n’aboutissent pas et encombrent seulement les bureaux des institutions.

Juste avant de se retirer du Berlaymont, José Manuel Barroso avait déjà proposé de retirer cette proposition bloquée en phase législative et la Commission Juncker poursuit sur cette ligne.En présentant son programme de travail pour 2015, elle a donné aux États membres jusqu’à au mois de juin pour aboutir.«Nous sommes prêts à un dernier effort pour faire aboutir cette proposition, mais s’il n’y a pas d’avancée d’ici six mois, nous l’abandonnerons», a annoncé le vice-Président Frans Timmermans.

Cette déclaration de la Commission a causé la réaction des eurodéputés de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres. Inês Zuber, du groupe GUE/GVN a fait remarquer que «le moment arrivera où plusieurs pays de l’UE feront face aux problèmes liés à une population vieillissante. Promouvoir un meilleur taux de natalité est donc essentiel pour le développement de nos sociétés».

Quant à la conduite du Conseil européen, qui a fait obstacle au projet depuis son début, la députée Zuber l’a défini comme «très révélateur»: «il est toujours d’accord au moment de réduire les salaires ou les droits de travailleurs mais ne parvient pas à trouver un consensus pour défendre les droits des familles et des mères qui travaillent».

Sur la même ligne s’est exprimé Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES). Pour marquer la Journée internationale de la femme, elle est revenue sur la question du congé de maternité: «le fait que les gouvernements européens bloquent une amélioration du congé de maternité depuis 2008 est un véritable scandale! Il faut qu’ils agissent maintenant pour sortir de cette honteuse situation».

Puis encore elle a mis en évidence le fait que le congé de maternité de 18 semaines est une norme internationale, cependant les gouvernements ont été totalement incapables de s’entendre à ce sujet. «Pour eux engloutir des sommes faramineuses pour sauver l’euro semble avoir été plus facile que d’améliorer les droits des femmes. Cela en dit long sur les valeurs portées par les gouvernements européens actuels» a-t-elle ajouté.

Dans un communiqué de presse le Comité économique et sociale européen (CESE) a remarqué que «le retrait de ce projet de directive mènerait à d’importantes conséquences sociales, telles que l’impact négatif sur les revenus des femmes, l’augmentation des différences de salaire entre les sexes, l’exclusion sociale et la pauvreté chez les enfants. D’ailleurs, ceci affecterait directement et négativement les objectifs stratégiques de l’UE, telle que la poursuite d’un taux d’emploi de 75% pour les femmes et les hommes d’ici 2020 qui ne sera et ne pourra pas être mis en application sans participation plus active des femmes sur le marché du travail».

Le Comité a demandé au Parlement européen d’intervenir en faveur des droits des travailleuses enceintes et des jeunes mères sur le marché du travail et de trouver un accord aussitôt que possible avec le Conseil pour l’adoption de la directive de congé de maternité.

Pour faire avancer le dossier, les députés européens ont fait savoir qu’ils sont prêts à faire quelques concessions, en se contentant par exemple de 18 semaines minimum comme l’avait proposé la Commission. L’important maintenant est de relancer le dialogue, de montrer qu’il y a une chance d’aboutir à un compromis avant le mois de juin. Sinon la proposition sera définitivement abandonnée.

Fiorenza Pandolfo

Pour en savoir plus :

– Résolution législative du Parlement européen

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0373+0+DOC+XML+V0//FR

– Dernière tentative des eurodéputés pour étendre le congé maternité

http://www.euractiv.fr/sections/europe-sociale-emploi/derniere-tentative-des-eurodeputes-pour-etendre-le-conge-maternite

– Communiqué de presse de la Commission Européenne

http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=89&newsId=402

– Communiqué du CESE

http://www.eesc.europa.eu/?i=president.fr.my-news.32813

– Les congés de maternité menacés

http://europe-liberte-securite-justice.org/2014/07/10/les-conges-de-maternite-menaces-vers-un-retrait-du-projet-de-directive/

-. Articles de Nea say sur les congés de maternité http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3429&nea=154&lang=fra&arch=0&term=0

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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