Les droits de l’homme dans le voisinage de l’Union Européenne: état des lieux /1 – Le voisinage Est

A l’heure de la révision de la Politique Européenne de Voisinage (PEV) lancée le 4 mars par un document de consultation conjoint de la Commission Européenne et de la Haute Représentante de l’Union Européenne (UE)/vice-présidente de la Commission Federica Mogherini (cf. Vers une révision de la Politique Européenne de Voisinage, http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3450&nea=154&lang=fra&lst=0), le respect des droits de l’homme dans le voisinage demeure marqué par de nombreux défauts et lacunes.

D’après l’ONG Amnesty International, 2014 a été une année de régression en ce qui concerne la situation des droits humains en Europe orientale et en Asie Centrale. Le voisinage Est de l’Union Européenne (qui comprend six pays : Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Géorgie, Moldavie et Ukraine) a été marqué pendant la dernière année notamment par le conflit qui fait rage en Ukraine, qui avait causé à la fin de 2014 plus de 4000 victimes, mais aussi par la persistance d’un nombre de « conflits gelés » tel que le conflit en Transnistrie ou celui pour le contrôle du Haut-Karabagh.
Dans le contexte de la révision de la PEV, il est important de jeter un coup d’oeil sur cet aspect d’autant plus que le respect des droits de l’homme figure parmi les valeurs sur lesquelles l’Union Européenne est fondée (article 2 du TUE) et les principes sur lesquels repose son action extérieure (article 8 du TUE). En outre, l’Union Européenne dispose de sa propre Charte des droits fondamentaux, adopté en 2000 et élevée par le Traité de Lisbonne au même niveau que les traités. Dans le préambule de la Charte, il est affirmé que l’Union « place la personne et la dignité humaine au coeur de son action ». De plus, l’Union Européenne a nommé en 2012 un Représentant Spécial pour les droits de l’homme, en la personne de Stavros Lambrinidis.
Dans le cadre de son action extérieure, l’UE dispose de nombreux outils en matière des droits de l’homme, qui incluent des lignes directrices, des démarches et des déclarations, des décisions du Conseil, des dialogues et des clauses relatives au respect des droits de l’homme dans les accords avec les pays tiers. Par exemple, depuis sa création en 2002, l’Union a toujours prôné l’adhésion par ses partenaires à la Cour Pénale Internationale, qui est compétente en matière de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes d’agression et de crimes de guerre.

Depuis son lancement en 2004, la Politique Européenne de Voisinage a insisté fortement sur la démocratie et les droits de l’homme, beaucoup plus que les initiatives précédentes de l’UE vis-à-vis des régions limitrophes. Ainsi, dans les documents officiels et dans les déclarations, l’accent a été mis sur le lien entre la démocratie et les droits de l’homme.
Dans le voisinage Est, en particulier, l’UE a expressément essayé de renouveler le succès passé de la politique d’élargissement dans la transformation démocratique des pays de l’Europe centrale et orientale. Cela a été fait notamment, comme il émerge des plans d’action adoptés pour chaque pays, en utilisant la double logique de la conditionnalité et de la socialisation afin d’encourager la démocratisation et le respect des droits de l’homme dans le voisinage.
Tout de même, certains auteurs soulignent également les limites de la promotion des droits de l’homme dans les pays voisins par le biais de la PEV (cf. Tocci dans Pour en savoir plus).

Cet article vise à donner une vue d’ensemble de la situation des droits de l’homme dans le voisinage Est ainsi qu’une analyse pays par pays sur la bases de documents récents tels que le rapport 2014/2015 d’Amnesty International sur la situation des droits humain dans le monde, des rapports individuels du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Nils Muižnieks et du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies (HCDH), ainsi que les derniers rapports de suivi par pays rédigés par la Commission Européenne dans le cadre de la PEV.

Arménie

L’Arménie fait partie de la Politique Européenne de Voisinage depuis 2004 ; en 2006, un plan d’action a été établi. Enfin, depuis 2009, l’Arménie est parmi les pays du Partenariat Oriental. En juillet 2013, les négociations relatives à l’accord d’association UE-Arménie ont été finalisées. Néanmoins, suite à la décision de l’Arménie en septembre 2013 de rejoindre l’Union douanière avec la Russie (ce qui a été jugé incompatible avec l’accord d’association), la signature de l’accord a été annulée. Le dernier rapport de suivi de la Commission Européenne dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage constate que « l’Arménie a accompli des progrès limités en matière de démocratie solide et durable, de droits de l’homme et de libertés fondamentales.
En particulier, la Commission observe que, malgré un projet de réforme constitutionnelle visant à garantir une meilleure protection des droits de l’homme, il n’existe pas de consensus sociétal et politique autour de ce projet. De plus, on constate une « faible connaissance » des instruments internationaux pour la protection des droits de l’homme et des obligations du pays (qui est partie à plus de 50 conventions internationales en la matière) parmi les institutions arméniennes.
Amnesty International rend compte de violations du droit de réunion et de violences à l’encontre de la société civile, notamment lors de manifestations. Dans son rapport, il est affirmé qu’au cours de 2014 la police a souvent fait usage d’une « force excessive » à l’encontre de manifestations pacifiques comme celle contre un projet de réforme des retraites (7 mars) ou celle contre la hausse des tarifs de l’électricité (23 juin). Un rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Nils Muižnieks suite à une visite au pays en octobre 2014 souligne que parfois les défenseurs des droits de l’homme et les organisations de la société civile font l’objet de menaces de la part d’acteurs étatiques et non-étatiques lorsqu’ils s’occupent de sujets sensibles. Notamment, plusieurs attaques ont ciblé les organisations actives dans le domaine des droits des femmes et de l’égalité des genres pendant les discussions sur une loi sur l’égalité des droits et des opportunités pour les femmes et les hommes en 2013. En général, une hostilité est observée vis-à-vis des défenseurs des droits de l’homme par des groupes conservateurs et radicaux, qui les voient souvent comme une menace aux valeurs traditionnelles arméniennes.
En ce qui concerne le secteur judiciaire et les droits qu’y sont liés, le Conseil de l’Europe constate que, malgré la législation arménienne prévoie l’indépendance des juges, dans la pratique ce principe est très souvent violé à la fois par le pouvoir exécutif aux niveaux central et local et par les cours supérieures. Un problème significatif de corruption, que le Parlement Européen rappelle constituer une violation des droits de l’homme dans son dernier rapport annuel sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde, est rapporté tant par la Commission que par le Conseil de l’Europe. Ensuite, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe constate que les principes de l’égalité des armes entre l’accusation et la défense dans les procès pénaux, de la présomption d’innocence et du droit à la défense ne sont pas respectés, et que le recours à la détention préventive représente la règle plutôt qu’une mesure exceptionnelle.
Concernant la torture et les autres mauvais traitements, tant le Conseil de l’Europe que la Commission observent que la définition de torture donnée par la législation arménienne ne correspond pas à celle donnée par la Convention des Nations Unies contre la torture, en ce sens où elle n’inclut pas les crimes perpétrés par les agents de police ou de sécurité. Dans ce domaine, plusieurs épisodes de torture et autres mauvais traitements perpétrés par la police afin d’obtenir des aveux ont été enregistrés. Au sein de l’armée, le Conseil de l’Europe parle de violations graves des droits de l’homme, de violences envers les conscrits et de défauts dans l’investigation de ces épisodes.
Dans le domaine de l’égalité des genres, on observe des difficultés majeures à accorder aux femmes un statut égal en Arménie et l’absence dans la législation du pays d’une loi exhaustive contre la discrimination. La condition des femmes en Arménie est compromise notamment en raison des valeurs traditionnelles du pays et d’une attitude patriarcale enracinée en profondeur dans la société. Le Conseil de l’Europe souligne que le niveau de participation des femmes à la vie politique de l’Arménie demeure très faible : en 2014, seulement 14 sur 131 membres du Parlement et 2 sur 18 ministres étaient des femmes. De même, on ne trouve pas de femmes parmi les gouverneurs régionaux ni parmi les maires. De plus, on constate la présence en Arménie, d’après le Conseil de l’Europe, d’une pratique de sélection prénatale fondée sur le genre.
Etroitement liée à la question de l’égalité des genres, c’est celle des violences domestiques, qui sont traités dans la majorité des cas comme des affaires privées dont la poursuite judiciaire demeure donc insuffisante. De plus, le Conseil de l’Europe note l’absence de ratification par l’Arménie de la Convention du Conseil de l’Europe contre la violence à l’égard des femmes et l’absence d’une législation spécifique en matière de violence de genre, y compris de violences domestiques. Le rapport d’Amnesty International constate également que des militants pour les droits des femmes manifestant contre les violences domestiques ont été menacés et injuriés en novembre 2014.
En matière de droits des LGBTI (lesbiennes, gays et personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuels), Amnesty International constate l’abandon d’un projet de loi contenant des dispositions qui prohibaient les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Ce projet de loi faisait partie des initiatives entreprises par l’Arménie pour satisfaire aux conditions posées par l’UE pour la signature de l’accord d’association, et a été abandonné suite au choix de rejoindre l’Union Economique Eurasienne promue par la Russie. Par conséquent, la communauté LGBTI continue à faire l’objet de discriminations.
Enfin, il ne faut pas oublier que la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est le théâtre d’un conflit pour le contrôle du territoire contesté du Haut-Karabagh, qui en 2014 a causé plusieurs victimes dans les deux parties aussi parmi les civils.

Azerbaïdjan

L’Azerbaïdjan a été inclus dans la Politique Européenne de Voisinage en 2004, et son plan d’action adopté en 2006. En tant que membre du Conseil de l’Europe, l’Azerbaïdjan peut être poursuivi en justice par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) : en 2014, la Cour a examiné 11 cas en Azerbaïdjan, concernant notamment le droit à la liberté et à la sécurité, à la prévention des traitements inhumains ou dégradants, le droit à des élections libres et la liberté de réunion. Le dernier rapport de suivi de la Commission Européenne fait état d’une « régression dans la plupart des domaines liés à la démocratie, aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales».
Précisement les droits liés à la liberté d’opinion, d’association, d’expression et de réunion font l’objet de préoccupations majeures par Amnesty International et le Conseil de l’Europe. En particulier, en matière de liberté d’association, Amnesty International remarque que les dirigeants des ONG font souvent l’objet de menaces et de harcèlements de la part des autorités (y compris la confiscation de matériel, l’interdiction de voyager ou le gel des avoirs). De plus, certaines dispositions législatives récentes restreignent ultérieurement l’activité des ONG et ont comme résultat, comme le souligne un rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe de 2014, d’accroître le contrôle exercé par le ministère de la justice sur les ONG azerbaïdjanaises et étrangères opérant dans le pays. Comme le rappelle le Conseil de l’Europe, ces dispositions restrictives apparaissent en conflit avec l’article 11 de la Convention Européenne pour la sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit d’association. On constate également des poursuites pénales contre des dirigeants d’ONG et l’arrestation de plusieurs défenseurs des droits de l’homme. Ce cadre s’est d’avantage détérioré, comme le souligne le rapport PEV, à l’occasion de la présidence azerbaïdjanaise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (mai-novembre 2014).
En ce qui concerne la liberté d’opinion et d’expression, Amnesty International fait état de nombreux (et, d’après le Conseil de l’Europe, en nombre croissant) cas d’emprisonnement de d’opposants au gouvernement, de militants politiques, de blogueurs et de journalistes, généralement pour infraction à la législation sur les stupéfiants ou pour incitation à troubler l’ordre public. On constate ainsi la présence dans les prisons azerbaïdjanaises d’au moins 20 prisonniers d’opinion. Sur ce point, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe constate également un manque de progrès concernant la décriminalisation de la diffamation. Selon Amnesty International, des journalistes indépendants subissent souvent des menaces et des actes de harcèlement : par exemple, Radio Free Europe/Radio Liberty a fait récemment l’objet de fermeture et de confiscation de matériels par les autorités. De plus, le dernier rapport PEV exprime des préoccupations liées à la liberté de religion.
Concernant la liberté de réunion, le Conseil de l’Europe et Amnesty International expriment leur préoccupation à l’égard de l’interdiction des manifestations dans le centre des villes et d’un usage « excessif » de la force afin de disperser les rassemblements pacifiques non autorisés.
Concernant le système judiciaire, le rapport PEV fait état d’une absence de progrès en ce qui concerne son indépendance, ainsi que d’un progrès limité et caractérisé par d’actions incohérentes en matière de lutte contre la corruption.
Amnesty international signale aussi des cas de torture et autres mauvais traitements et l’absence d’enquêtes sérieuses en la matière. Enfin, le Conseil de l’Europe fait état d’un manque de transparence et de base légale dans le processus d’expropriation des logements, ainsi que le non-respect des lois existantes en matière d’expropriation et de compensation, ce qui représente une menace au droit de propriété.

Belarus

Bien que le Belarus fasse partie de la Politique Européenne de Voisinage depuis 2004, cette dernière n’a jamais été mise en oeuvre avec ce pays en raison des conditions politiques et notamment de l’absence de démocratie. Par conséquent, il n’existe pas de rapport de suivi PEV pour ce qui concerne le Belarus, un pays qui ne prend pas part, non plus ,à la dimension multilatérale du Partenariat Oriental (par exemple, il ne participe pas aux réunions de l’assemblée parlementaire Euronest).
Depuis 2012, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies dispose d’un rapporteur spécial (en la personne de Miklós Haraszti) chargé de surveiller la situation des droits de l’homme au Belarus, d’aider le gouvernement à respecter ses obligations en matière de droits de l’homme et de conseiller et soutenir la société civile. Dans son dernier rapport, qui date de 2014, le rapporteur spécial affirme « le caractère tant systématique que systémique des violations des droits de l’homme commises au Belarus ».
En premier lieu, le Belarus demeure le dernier pays d’Europe à utiliser toujours la peine de mort. Comme dénoncé par Amnesty International, bien que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a demandé d’examiner trois cas de condamnation à mort, les exécutions ont eu lieu en secret. Ainsi, le Belarus a déjà fait l’objet de trois décisions du Comité en matière de violation du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Deuxièmement, la liberté d’expression et des médias demeure, toujours selon Amnesty International, sévèrement restreinte. Les médias sont largement sous le contrôle de l’Etat, et toute critique des autorités gouvernementale est entravée par la criminalisation de la diffamation et de la calomnie. Ainsi, à l’approche des championnats du monde d’hockey sur glace, 16 militants de la société civile ont été arrêtés.
En matière de liberté de réunion, Amnesty International observe que la législation du Belarus interdit de fait les manifestations de rue. L’ONG rappelle aussi que, lors du rassemblement organisé chaque année pour commémorer la catastrophe de Tchernobyl, 16 participants auraient été arrêtés arbitrairement. D’après le rapporteur spécial des Nations Unies, l’activité des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme est soumise à une forte pression politique et s’inscrit dans un cadre règlementaire extrêmement restrictif et dissuasif (marqué par des règles restrictives pour l’enregistrements des organisations de la société civile et par la criminalisation des organisations non enregistrées) : en effet, « le Belarus dispose de la réglementation la plus stricte d’Europe en matière de liberté d’association ». En outre, toujours selon le rapporteur spécial, les organisations de la société civile sont souvent dépeintes dans les média comme des « agents de services de renseignement étrangers ».
Ensuite, le rapporteur spécial des Nations Unies souligne que les détenus continuent à faire l’objet de torture et de violences physiques et psychologiques par le personnel pénitentiaire.
Enfin, le rapporteur constate « une double discrimination » à l’égard de la communauté LGBTI bien que l’homosexualité ne soit pas illégale au Belarus. En effet, les propos homophobes « sont monnaie courante :ils sont tenus par les médias voire par le Président lui-même » et la violence homophobe n’est pas considérée comme un crime motivé par la haine. Par conséquent, la communauté LGBTI fait souvent l’objet de harcèlements et discrimination.

Géorgie

La Géorgie fait partie de la Politique Européenne de Voisinage depuis 2004 et du Partenariat Oriental depuis 2009. En juin 2014, elle a signé un accord d’association avec l’Union Européenne. Toutefois, en novembre 2014, les autorités de facto de la région sécessionniste d’Abkhazie ont signé un accord de coopération et de partenariat stratégique avec la Russie, ce qui rend la région plus dépendante de Moscou en matière de défense, relations extérieures et économie. Le dernier rapport PEV fait état de « progrès en matière de démocratie solide et durable, de droits de l’homme et de libertés fondamentales ». Effectivement, en 2014 le nombre de dossier déposés à l’encontre de la Géorgie auprès de la CEDH a chuté.
En matière de lutte contre la discrimination, malgré l’adoption en 2014 d’une loi en la matière et la participation de la Géorgie à plusieurs conventions internationales sur la protection des minorités, le rapport d’Amnesty International signale une augmentation des cas de discriminations et violences à l’égard des minorités religieuses, notamment les témoins de Jéhovah et les musulmans. De même, un rapport de 2014 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dénonce la condition des minorités ethniques et nationales (qui représentent 16,7% de la population géorgienne et sont constituées surtout d’azerbaïdjanais et arméniens, mais aussi de grecs, juifs, kurdes, roms, russes, etc.), dont la participation à la vie publique est fortement entravée par la non-connaissance de la langue géorgienne.
En outre, des préoccupations ont été soulevées par rapport au fonctionnement du système judiciaire. Dans un rapport récent, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a signalé des défauts en matière de procès équitables , d’égalité des armes entre les parties et de présomption d’innocence. De plus, Amnesty International et le Conseil de l’Europe signalent des allégations de poursuites de personnalités de l’opposition. Toujours en matière de liberté d’expression, Amnesty International signale des cas d’agressions violentes visant des membres de l’opposition qui n’ont pas été empêchées par la police.
En ce qui concerne la liberté de réunion, le rapport d’Amnesty International fait état d’une « force disproportionnée » utilisée par la police à l’égard d’une manifestation d’une communauté musulmane protestant contre la construction d’une bibliothèque sur le site d’une ancienne mosquée en ruines. En outre, la police n’a pas su empêcher l’éruption de violences commises par des contre-manifestants à l’occasion d’une manifestation pour la Journée Internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie en 2013. Les autorités n’ayant pas apporté la garantie d’une protection adéquate pour une action publique similaire l’année suivante, les organisateurs ont été obligé à y renoncer.
Le rapport d’Amnesty international signale aussi plusieurs cas de torture et mauvais traitements en prison, qui ont donné lieu à des enquêtes « lentes et inefficaces ».
En matière de violence à l’égard de femmes, Amnesty International observe que, au cours de 2014, au moins 25 femmes sont mortes à la suite de violences domestiques. De son côté, le Commissaire Muižnieks dénonce une « attitude négative prédominante » vis-à-vis de la communauté LGBTI.
Enfin, un point qui est soulevé à la fois par Amnesty International et par le Conseil de l’Europe c’est celui de la surveillance et du droit au respect de la vie privée. En effet, comme le signale Amnesty International, des dispositions législatives adoptées au cours de 2014 ont permis aux agences de sécurité de conserver un accès direct à la surveillance des communications. De même, le Conseil de l’Europe a dénoncé une diffusion de la surveillance illégale suite au transfert de pouvoir en 2012.

Moldavie

La participation de la Moldavie à la Politique Européenne de Voisinage a été marquée par l’adoption d’un plan d’action en 2005 pour le pays et par la signature en juin 2014 d’un accord d’association Moldavie-Union Européenne. Dans ce contexte, le dernier rapport PEV observe que, bien que la Moldavie ait accompli moins de progrès que les années précédentes en matière de démocratie solide et durable et de respect des droits de l’homme, le niveau général de liberté politique dans le pays est relativement élevé.
Dans le domaine des élections, le rapport PEV note toutefois que, malgré des progrès dans la promotion de l’intégration des minorités nationales, aucune mesure spéciale visant à faciliter la représentation des minorités n’a été introduite.
Deuxièmement, la liberté d’expression et des médias est jugée satisfaisante par rapport au reste de la région, même si, comme le signale le rapport PEV, les médias continuent à être contrôlés par un petit nombre de groupes d’intérêt. De même, la liberté de religion est généralement respectée, mais on constate un rôle privilégié de l’église orthodoxe dans l’éducation.
Ensuite, le problème de la torture et des autres mauvais traitements est examiné par le rapport d’Amnesty International. Ce dernier rappelle ainsi qu’en 2014 la Moldavie a pour la première fois condamné des policiers à des peines d’emprisonnement pour torture, notamment grâce à des modifications apportées à la législation et à des efforts réalisés pour que les responsables de l’application des lois soient mieux informés sur les droits de l’homme. Toutefois, l’impunité reste un problème pour les violations commises dans le passé : parmi elles revêtent une importance majeure les épisodes de mauvais traitements lors des manifestations de 2009 (dans ce cas, aucun membre de la police n’a été emprisonné). Dans ce contexte, ils restent toujours des défauts lacunes concernant la protection des personnes internées dans des établissements pour malades mentaux, qui sont cependant de plus en plus pris en considération comme le démontre par exemple la création d’un poste de médiateur dans le secteur psychiatrique. A ce propos, nous signalons que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe a annoncé récemment son intention de visiter la Moldavie au cours de 2015 afin d’examiner la situation des personnes privées de liberté.
En matière d’égalité des genres, le rapport PEV constate des progrès notamment en ce qui concerne la participation des femmes au processus décisionnel (à présent, le pourcentage de députées dans le Parlement s’élève à 20%). Amnesty International signale également des développements positifs pour la communauté LGBTI, qui en 2014 a pu pour la première fois organiser sans entrave sa marche des fiertés en étant correctement protégée par la police. Cependant, l’ONG souligne aussi que la loi sur l’égalité entrée en vigueur en 2013 n’est pas conforme aux normes internationales, en ce sens où elle ne cite pas expressément l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les motifs de discriminations interdits.
Enfin, il ne faut pas oublier que la Moldavie voit la présence d’un conflit gelé sur son territoire, à savoir dans la région de la Transnistrie. D’après le dernier rapport PEV, la situation sécuritaire générale demeure « tendue, mais stable ».

Ukraine

L’Ukraine a été pendant longtemps le « bon élève » de la Politique Européenne de Voisinage et du Partenariat Oriental, auxquels elle participe respectivement depuis 2004 et 2009. A la suite des bouleversements qui se sont produit dans le pays entre 2013 et 2014, en juin 2014 les nouvelles autorités ukrainiennes ont signé un accord d’association avec l’Union Européenne. Malgré des progrès considérables en matière de démocratie et droits de l’homme soulignés par le dernier rapport PEV, il ne reste pas moins que la situation des droits de l’homme en Ukraine a été profondément affectée par les évènements du Maidan et est toujours affectée par le véritable conflit civil qui les a suivies.
Depuis 2014, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies a établi une mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine. De même, l’OSCE a mis en place une mission de surveillance spéciale dans le pays.
Le dernier rapport d’Amnesty International fait état d’une escalade de violences dans les deux camps (agressions, enlèvements, disparitions, homicides) lors des événements dits du Maidan, et de violations des droits humains commis par la police, à savoir des actes de torture et autres mauvais traitements, ainsi qu’un recours abusif à la force lors des manifestations. Ces épisodes ont été marqués par l’impunité des membres des forces de l’ordre, ce qui est, d’après l’ONG, un « problème structurel » de l’Ukraine. En effet, malgré l’engagement des nouvelles autorités d’enquêter sur les atteintes aux droits fondamentaux commises lors du Maidan, on n’a pas assisté à des mesures concrètes. A ce propos, le Conseil de l’Europe a mis en place un comité consultatif international chargé d’examiner les enquêtes en la matière. Ce dernier a publié un rapport le 31 mars 2015 dans lequel il affirme que les enquêtes n’ont pas satisfaisantes en ce qui concerne les exigences de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
L’Ukraine est à présent le théâtre d’un véritable conflit armé qui fait rage dans les régions au Sud-Est du pays entre les forces gouvernementales et de groupes armés séparatistes. Dans ce contexte, Amnesty International dénonce plus de 4000 morts à cause du conflit, parmi lesquels on compte de nombreux civils. A cela s’ajoutent, comme le souligne le dernier rapport PEV, plus d’1,4 million de personnes déplacées, notamment dans les régions séparatistes et en Crimée, auxquels le gouvernement ukrainien n’a pas été toujours capable de fournir une assistance humanitaire adéquate.
Amnesty international fait état d’un «recours aveugle à la force» et de violations aux lois de la guerre de la part des deux camps (dont l’exemple le plus éclatant a été l’avion de la Malaysian Airlines abattu avec près de 300 personnes à bord, dont la responsabilité est toujours contestée), ainsi que d’exécutions sommaires effectuées par les deux parties. Un rapport de 2014 du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies souligne que les médias contribuent fréquemment à alimenter le conflit et les divisions et à inciter à la haine. Il conclut à ce propos que « un environnement propice à la protection et à la promotion des droits de l’homme en Ukraine dépend de […] l’absence de conflit armé ».
La situation des droits de l’homme demeure inquiétante surtout en Crimée et dans les régions séparatistes du Sud-Est. Un rapport de 2014 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe signale qu’en Crimée, suite à l’annexion par la Russie, des restrictions ont été appliquées en matière de liberté d’expression, de réunion et d’association (par exemple, plusieurs organisations de la société civile ont été fermées). Des atteintes graves aux droits fondamentaux ont été exercées , d’après Amnesty International et le Conseil de l’Europe, par des forces paramilitaires. Les discriminations ont ciblé notamment la communauté des Tatars de Crimée, comme le soulignent le rapport PEV et celui d’Amnesty International, avec par exemple la fermeture de leur organe représentatif (le Mejlis). En raison de l’annexion, plus de 20000 personnes ont fui la Crimée.
Dans les régions sous le contrôle des séparatistes, Amnesty International dénonce l’établissement par les autorités de facto de la peine de mort.
Enfin, en matière d’égalité des genres, le rapport PEV signale que, bien que la législation du pays soit assez avancée, elle ne respecte cependant pas les standards européens. En ce qui concerne la communauté LGBTI, Amnesty International souligne qu’une marche des fiertés a été annulée suite à l’incapacité de la police de garantir la sécurité des participants contre de possibles contre-manifestants.

Giulia Bonacquisti

 

Pour en savoir plus

 

     – Rapport 2014/2015 d’Amnesty International : la situation des droits humains dans le monde FR : http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/POL1000012015FRENCH.PDF EN : https://www.amnesty.org/en/annual-report-201415/

     – Rapports de suivi PEV 2015 par pays (EN) : http://eeas.europa.eu/enp/documents/progress-reports/index_en.htm

      – Report by Nils Muižnieks (Commissioner for human rights of the Council of Europe) following his visit to Armenia from 5 to 9 October 2014 (EN): https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2706043&SecMode=1&DocId=2243332&Usage=2

      – Commissioner for human right of the Council of Europe (2014), Observations on the human rights situation in Azerbaijan: An update on freedom of expression, freedom of association, freedom of assembly, and the right to property (EN): https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2540668&SecMode=1&DocId=2150384&Usage=2

      – Rapport du Rapporteur spécial du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Belarus (2014) (FR): http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N14/502/91/PDF/N1450291.pdf?OpenElement

      – Report by Nils Muižnieks (Commissioner for human rights of the Council of Europe) following his visit to Georgia from 20 to 25 January 2014 (EN): https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2547700&SecMode=1&DocId=2139964&Usage=2

      –  Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights (2014), Report on the human rights situation in Ukraine (EN): http://www.ohchr.org/Documents/Countries/UA/OHCHR_eighth_report_on_Ukraine.pdf

      – Report by Nils Muižnieks (Commissioner for human rights of the Council of Europe) following his mission in Kyiv, Moscow and Crimea from 7 to 12 September 2014 (EN): http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/droi/dv/102_muiznieksreport_/102_muiznieksreport_en.pdf

      – N. Tocci, “Can the EU promote democracy and human rights through the ENP? The case for refocusing on the rule of law” (EN): http://www.eui.eu/Documents/DepartmentsCentres/Law/Professors/Cremona/TheEuropeanNeighbourhoodPolicy/PaperTocci.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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