Le 6 mai dernier la commission des libertés civiles a approuvé par 50 voix pour, 3 voix contre et aucune abstention le projet de Cécilia Wikström (ADLE, SE) visant à modifier le règlement (UE) n° 604/2013, connu comme «Dublin III», en ce qui concerne la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un mineur non accompagné. Il s’agit d’une étape très importante, d’autant plus que la proportion d’enfants parmi les migrants qui prennent les bateaux vers les pays de l’Union européenne augmente énormément. 1.686 mineurs non accompagnés sont arrivés en Italie depuis le début du 2015, selon des statistiques compilées par Save the Children.
Qui sont ils?
On parle de mineurs non accompagnés pour désigner tous les ressortissants de pays tiers ou apatrides âgés de moins de dix-huit ans, victimes d’une situation générale de violence en raison de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance ethnique ou de la position politique de leurs parents. Ils laissent leur maison, leurs amis, leur école, afin d’aller trouver refuge ailleurs. Après avoir affronté le voyage en risquant leur vie, ils arrivent aux côtes, seuls, face à des procédures compliquées et à une culture et une langue qu’ils ne connaissent pas. Cela fait d’eux des demandeurs d’asile les plus vulnérables.
Qui est le responsable de leur traitement?
La situation des mineurs non accompagnés, en tant que demandeurs d’asile, est régi par le règlement de Dublin III qui, depuis le 1er janvier 2014, s’applique dans tous les États membres, y compris le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, ainsi que dans les quatre pays tiers participant à Schengen (Islande, Norvège, Suisse et Liechtenstein). La procédure Dublin établit les critères et mécanismes légaux de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. L’objectif est traiter les demandes dans les plus brefs délais possibles, de prévenir l’abus des procédures d’asile et éviter que les demandeurs d’asile soient renvoyés d’un pays à l’autre.
Quant aux mineurs non accompagnés, l’ article 8, paragraphe 4, de l’actuel règlement de Dublin affirme que:
En l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l’État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur.
Il n’y a aucune référence au cas où les mineurs ont déposé une demande d’asile dans plusieurs États membres. C’est pourquoi, au cours des négociations relatives à la refonte du règlement de Dublin II, les colégislateurs n’avaient pas pu s’entendre sur ce sujet. Le Parlement et la Commission étaient persuadés que l’État où le mineur non accompagné se trouvait devait être celui responsable de l’examen de sa demande de protection internationale. Par contre, le Conseil était convaincu que le premier État où le mineur avait déposé sa demande d’asile était responsable pour examiner la demande.
A l’issue des négociations les colégislateurs avaient convenu de garder l’article 8, paragraphe 4, sans le modifier, mais, en même temps, le Conseil et le Parlement avaient conclu un accord (joint à l’acte législatif) où ils invitaient la Commission à considérer la possibilité de réviser cet article lorsque la Cour de justice aurait rendu son arrêt dans cette affaire.
Le 6 juin 2013, la Cour a jugé que, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, lorsque un mineur non accompagné, dont aucun membre de la famille ne se trouve légalement sur le territoire de l’Union européenne, a déposé des demandes d’asile dans plusieurs États membres, l’État responsable pour l’examiner devait être celui où le mineur se trouvait après y avoir déposé une demande.
Suite à cette décision, la Commission a formulé une nouvelle proposition en établissant une règle générale en conformité avec l’arrêt de la Cour. La proposition de la Commission a prévu aussi l’obligation pour tout État membre d’informer un mineur non accompagnés qui se trouve sur son territoire sans avoir présenté aucune demande de protection internationale, de son droit de déposer une demande.
Conformément à la procédure législative ordinaire la proposition de la Commission a été soumise au Parlement. La commission parlementaire des liberté civiles (LIBE),chargée des migrations et de la politique d’asile, a estimé que le règlement actuel n’est «pas clair» car il affirme que le pays dans lequel le mineur a déposé sa demande devrait être responsable, mais il ne précise pas si cela devrait être le pays dans lequel le mineur a introduit pour la première fois une demande d’asile ou, en cas de demandes multiples, si cela devrait être le pays dans lequel se trouve l’enfant. Dans son projet de rapport la députée Cecilia Wikstrom a présenté des amendements soulignant que «traiter la demande de protection internationale dans le pays où se trouve l’enfant est généralement dans son meilleur intérêt, cela évite des déplacements inutiles et garantit une décision rapide».
Les amendements de Madame Wikström renforcent la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989. « Les mineurs non accompagnés sont très vulnérables et l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours primer » a-t-elle affirmé la rapporteur. Avant qu’une décision relative à la détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale ne soit prise, les autorités compétentes ou les tribunaux sont obligés d’apprécier au cas par cas le bien être du mineur, son développement social, sa sécurité et son avis en fonction de sa maturité et de son passé.
«La position du Parlement européen est claire: les enfants ne devraient pas être déplacés inutilement d’un État membre à l’autre», sauf si une évaluation individuelle montre qu’il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant de se rendre dans un autre pays; cela serait la seule exception à la règle qui établi la responsabilité de l’Etat membre où le mineur se trouve même si ce n’est pas le pays dans lequel il a fait sa première demande.
Le projet de rapport de Cecilia Wikström a été salué par la majorité des députés qui l’ont adopté à une très large majorité. La rapporteure, en se félicitant du soutien de la commission parlementaire a conclu: «We are no longer sending children from one country to another like parcels. Those days are over». La prochaine étape prévoit les négociations avec le Conseil qui débuteront bientôt, mais on pourrait déjà dire qu’on est dans la bonne direction.
Fiorenza Pandolfo
Pour en savoir plus:
-. Communiqué de presse:http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20150504IPR49610/html/Traitement-des-demandes-d’asile-de-mineurs-non-accompagn%C3%A9s
-. Projet de rapport: http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/libe/pr/1045/1045170/1045170fr.pdf
-. Résumé du rapport: http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do?id=1351083&t=e&l=fr
-. Règlement (UE) n° 604/2013: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:180:0031:0059:FR:PDF
-. Situation des enfants selon UNICEF: http://www.unicef.be/fr/mediterranee-il-faut-des-mesures-pour-les-enfants/
-.Demande d’asile des mineurs non accompagnés: le Parlement et la Commission crient victoire après l’arrêt de la Cour de justice: http://europe-liberte-securite-justice.org/2013/09/29/demandes-dasile-des-mineurs-non-accompagnes-le-parlement-et-la-commission-crient-victoire-apres-larret-de-la-cour-de-justice-la-primaute-de-linteret-de-lenfant-consacre/
-. La commission LIBE du Parlement européen unanime pour renforcer la protection http://europe-liberte-securite-justice.org/2014/09/26/la-commission-libe-du-parlement-europeen-unanime-pour-renforcer-la-protection/
-. Dossier des articles de Nea say sur les mineurs non accompagnés http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3500&nea=156&lang=fra&arch=0&term=0