La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs déclare notamment à son point 19 :
«Tout travailleur doit bénéficier dans son milieu de travail de conditions satisfaisantes de protection de sa santé et de sécurité. Des mesures adéquates doivent être prises pour poursuivre l’harmonisation dans le progrès des conditions existantes dans ce domaine »
Toutefois, la décision prise par la Commission le 1er juillet 2015 sur l’état d’avancement du projet de directive relative au congé de maternité, ne semble pas être en cohérence avec les politiques et les objectifs de l’Union qui vise, dans toutes ses activités, à promouvoir les égalités de genres.
Contexte
En 2008 la Commission a proposé une révision de la Directive 92/85/CEE sur le congé de maternité.
Il s’agissait d’apporter des améliorations notables dans trois domaines : Durée du congé maternité (prolongement de 14 à 18 semaines) ; Niveau de rémunération (intégralité du salaire antérieur au congé) et Protection des femmes à leur retour du congé maternité (réintégration au poste ou poste équivalent en termes de salaire et de responsabilités).
Évidemment l’objectif aurait dû être celui d’assurer plus de protection aux travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes en leur permettant de mieux concilier leurs obligations familiales et professionnelles, favorisant ainsi l’égalité des chances entre les femmes et les hommes sur le marché du travail.
En 2010, lorsque le Parlement a proposé d’étendre le congé de maternité à 20 semaines avec l’intégralité du salaire, les ministres européens des affaires sociales et de l’emploi ont catégoriquement rejeté cette proposition arguant qu’elle induirait des coûts budgétaires trop importants. Depuis lors, le dossier n’a pas progressé et la proposition est restée bloquée au niveau du Conseil de l’Union européenne.
A l’occasion de son Programme de travail pour 2015, la Commission a fait le point sur l’état d’avancement du projet de directive et après avoir déployé d’importants efforts tout au long de cette période pour parvenir à un accord, et finalement elle a décidé de retirer sa proposition vu le manque de progrès réalisés par les co-législateurs et du peu d’espoir de voir les positions évoluer. Maintenant, il reste à espérer sortir de l’impasse actuelle en ouvrant la voie à de nouvelles initiatives plus larges qui auraient les mêmes objectifs que ceux de la proposition précédente.
Une atteinte au droit des femmes et au principe d’égalité des sexes.
Évidemment la décision de retirer cette directive a déclenché la colère pas seulement des représentants des lobbies féministes qui trouvent cela comme une atteinte au droit d’égalité prévu à l’art 2 TUE, mais aussi des eurodéputées qui avant tout ont mis en évidence le manque de respect des rôles des organes UE.
Terry Reintke, députée allemande, a jugé cette décision de retrait de la directive comme « un signal désastreux » pour le processus démocratique des institutions européennes puisqu’elle semble « récompenser » les États membre de leur attitude de blocage.
Ce blocage du Conseil est, en effet, contraire à l’esprit même de la procédure de codécision établie par les traités (art. 294 TFUE, ex art. 251 TCE), déclare l’eurodéputée Beatriz Becerra, puisque le Conseil devrait accepter de négocier avec le Parlement et respecter son rôle de co-législateur.
Depuis 1992, date d’adoption, la directive sur le congé maternité, aucun progrès n’a été fait, dénonce la rapporteure Maria Arena (S&D) ; au contraire, ajoute-t- elle : « Cette décision c’est pour moi une réelle marche en arrière pour ce qui concerne la croissance de l’Europe .De nombreuses jeunes femmes mettent de côté leur projet d’avoir des enfants, alors que la population européenne vieillit », a-t-elle encore dit.
La secrétaire générale du Lobby européen des femmes (LEF) Joanna Maycock a déclaré à ce sujet : « C’est un très mauvais message envoyé aux Européennes et aux Européens sur la capacité de l’UE à soutenir les femmes qui travaillent et les familles dans leur lutte quotidienne pour un équilibre décent entre le travail et la vie personnelle».
Cristina De Martino
Pour savoir en plus
– Directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail. (FR)(EN)
– Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre 2008 portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (FR/EN)
– EurActiv : « La Commission abandonne la directive congé maternité » http://www.euractiv.fr/sections/europe-sociale-emploi/la-commission-abandonne-la-directive-conge-maternite-315982.
– Commission européenne- Communiqué de presse : « Faciliter la vie des parent : la Commission retire sa proposition en attente sur le congé de maternité et ouvre la voie à une nouvelle approche » http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5287_fr.htm
– Dossier des articles de Nea say sur les congés de maternité http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3562&nea=158&lang=fra&arch=0&term=0