Transparency International revient une fois de plus sur la présence des lobbies en Europe. Bien que cela fait partie de l’existence d’une démocratie solide, le paysage européen a apporté la preuve des pratiques de lobbies variées et opaques, dont la corruption est un des risques principaux auquel l’Europe doit faire face. Le 24 juin dernier, TI a publié une étude sur la puissance des intérêts des lobbies dans les réunions tenues par les commissaires européens et leurs conseillers.
La manifestation des lobbies et la qualité des réponses des gouvernements des États membres et des institutions de l’UE à l’égard des risques d’influencer la prise de décisions, montrent que dans environ 19 Pays évalués et dans les trois institutions figurent une note de 31% au regard à la qualité de la promotion sur la transparence, l’intégrité et l’égalité d’accès au lobbying.
Transparency International (TI), la principale organisation de la société civile sur la transparence et l’intégrité de la vie publique et économique, vient à nouveau taper sur les doigts de l’UE pour ce qui concerne sa politique de lobbying. Mise à jour par EU Integrity Watch, l’organisation montre une analyse dans laquelle figure que sur 4318 réunions de lobbying de la période de décembre 2014 jusqu’à juin 2015, environ 75% ont eu lieu avec des représentants d’entreprises.
Parmi les 7908 inscrites dans le Registre de la Transparence, ils sont 4879 organisations qui cherchent d’influencer les décisions politiques en faveur des intérêts d’entreprises.80% des organisations enregistrés n’ont pas eu une seule réunion signalée avec un commissaire ou un membre du cabinet. En tête de la liste arrive Business Europe avec 42 réunions, suivi par 29 de Google et WWF European Policy Programme et les 26 de General Electric et EuroCommerce.
Lors de son entrée en fonction en novembre 2014 Jean-Claude Juncker avait demandé de garantir un équilibre et une représentativité dans les rencontres avec les lobbyistes, mais TI rappelle une limite non négligeable des nouvelles dispositions de la Commission : «the evidence of the last six months suggests there is a strong link between the amount of money you spend and the number of meetings you get. (…) Those organisations with the biggest lobby budgets get a lot of access, particularly on the financial, digital and energy portfolios». Les mots de Daniel Freund, le porte-parole de Transparency International UE, sont sans équivoque concernant la puissance des budgets économique leur influence sur les réunions.
Selon une statistique les organisations dotées des plus gros budgets de lobbying obtiennent beaucoup d’entrées en premier lieu pour les portefeuilles des marchés financiers (90% des entreprises, 10% des ONG), dans l’économie numérique (80% des entreprises, 11% des ONG) et l’énergie (77% des entreprises, 23% des ONG). Il apparaît que Google et General Electric sont les plus grands dépensiers à Bruxelles avec environ 3,5 millions d’euros par an.
TI revient également sur l’affaire transparence dans le cadre du TTIP, où il apparaît que plus de 60% des organisations qui ont fait pressions sur la Commission Européenne n’ont pas déclaré correctement leurs activités, notamment l’organisation se réfère aux nombreuses banques qui ont rencontré les commissaires sur le paquet «services financiers» (appelé aussi «Union des marchés des capitaux»).
EU Integrity Watch
Transparency International a lancé EU Integrity Watch, un outil inédit qui représente un important mécanisme de suivi des pratiques de lobbying dans l’UE. D’une côté il permet de surveiller les potentiels conflits d’intérêts, d’autre part il est possible identifier les parlementaires qui exercent des activités extérieures.
Actuellement le site collecte deux types d’informations:
- Tout d’abord toutes les données des membres du Parlement européen et leurs activités extérieures. Grâce à EU Integrity Watchil a été possible constater un pourcentage de profit de certains parlementaires comprise entre 5 et 18,3 million par an, en dehors de leurs activités au sein du Parlement européen.
- Deuxièmement, cet outil fournit des données sur les lobbies qui jouent un rôle à Bruxelles et les informations des réunions entre ceux-ci et la Commission européenne grâce aussi aux informations contenues dans le Registre de la Transparence.
EU Integrity Watch fournit donc un guichet unique pour accéder aux informations publiées par la Commission européenne sur les réunions avec les lobbies à partir de décembre 2014. Les informations de la plate-forme sont liées aux données fournies par le Registre de la Transparence de l’UE avec le but d’assurer une connaissance plus homogène.
L’influence cachée des lobbies en Europe.
Ce n’est pas une tâche facile que celle de comprendre la véritable échelle des activités de lobbying et de ressources économiques qui circulent à cause de l’absence d’un mécanisme de déclaration obligatoire dans divers États membres.
L’influence du lobbying se produit de deux façons. En premier lieu par la communication directe, à travers des auditions publiques, des conférences formelles ou des contacts plus étroits. En deuxième lieu par la communication indirecte, concernant la diffusion des campagnes populaires qui sont en train de devenir très diffuses, grâce également à l’utilisation toujours majeure d’internet, notamment des réseaux sociaux (voir les pétitions en ligne), qui impliquent directement les citoyens dans l’intervention. Toutefois derrière celle-ci se cachent parfois des pratiques controversées, connues comme «astroturfing», à savoir certains campagnes populaire sont régies en fait par des intérêts privés.
Le rapport de TI «Lobbying en Europe: influence cachée et accès privilégié», rendu public le 15 avril 2015, montre un étude menée dans 19 pays européens et dans les trois principales institutions de l’Union européenne.
Les 19 Pays analysés atteignent une moyenne de 31 sur 100 au regard des principes de traçabilité, d’intégrité et d’équité d’accès aux processus de décision publique. Parmi les États évalués il apparaît que seulement 7 ont adopté un encadrement spécifique visant à réguler les activités du lobbying, à savoir l’Autriche, la France, l’Irlande, la Lituanie, la Pologne, la Slovénie et le Royaume Uni. Par contre le rapport montre une bonne performance des fonctionnaires en Slovénie, qui arrive première au classement avec un pourcentage du 58%, en particulier les fonctionnaires attendent une période de réflexion avant de prendre une autre position afin d’éviter les conflits d’intérêt.
Toutefois dans les pays où il y a des règlementations il manque souvent l’efficacité, par exemple c’est le cas de la France qui se situe en dessous de la moyenne européenne avec 27 sur 100. Malgré des règles récentes ont été mises en place, les fonctionnaires de la République continuent à avoir des travaux de consultation avec des lobbyists pendant le mandat.
En ce qui concerne les institutions européennes, elles atteignent un pourcentage de 36%, mais avec des différences considérables. Le Parlement européen se situe au 37%, par contre la Commission européenne montre une bonne performance avec une note du 53%. Par ailleurs il n’est pas si surprenant que la mauvaise performance est enregistrée par le Conseil de l’Union Européenne qui est un des derniers de la liste, avec 19 sur 100.
Le rapport de TI rappelle que dans les trois institutions de l’UE et dans les États membres il n’y a pas un contrôle efficace par rapport au phénomène de la «pantoufle» et donc le passage entre le secteur public et le privé. Les parlementaires, qui sont les cibles principales du lobbying, ne sont généralement pas soumis aux restrictions d’avant et après emploi. En particulier il résulte que dans 4 Pays sur 19, à savoir l’Italie, l’Autriche, l’Hongrie et la Lettonie, ils n’existent pas des mesures de régulation du «pantouflage».
Sans une régulation du lobbying, en particulier sans une éthique et une solide séparation entre le secteur public et les lobbies, les décisions adoptées peuvent servir un intérêt privé plutôt que la communauté. À ce sujet Transparency International indique une fois de plus les principaux points que tous les pays européens et les institutions doivent adopter :
- Traçabilité, équité et liberté d’accès doivent être les 3 principes à inscrire dans la loi. En outre la définition du lobbying doit être vaste afin de comprendre toute personne qui cherche d’influencer le processus décisionnel;
- Mettre en place une «empreinte législative »;
- Mis à part les institutions, chaque Pays doit également introduire un registre obligatoire des représentants d’intérêts avec les informations détaillées sur les clients représentés en cas de représentation déléguée à un tiers, les personnes visées par les actions d’influence, les sujets traités et les ressources économiques utilisés;
- Enfin, le «délai de carence» doit être mis en place ou renforcé afin d’éviter que un agent public ou un élu ne exerce pas une activité de lobbying qui peut créer un conflit d’intérêts.
Bruxelles : un exemple de lobbying dynamique
«After Washington D.C. Brussels has the highest density of lobbyists in the world (…)». TI souligne l’existence de nombreuses activités de lobbying auprès des institutions européennes qui suscitent des critiques au regard de la transparence et de la responsabilité.
À l’heure actuelle le Registre de Transparence de l’UE est soumis à des critiques pour deux faiblesses considérables:
- La première concerne un système volontaire, dont il en résulte que n’est pas illégal d’influencer les institutions sans l’enregistrement. Le registre couvre environ 75% des organisations actives du secteur privé et 60% des ONG actives dans le lobbying auprès des institutions européennes.
- Deuxièmement il n’y a pas un organisme qui fait un monitorage indépendant et n’ont pas de mécanisme efficace de sanctions. Une critique qui n’est pas la moindre concerne le Conseil de l’UE qui ne participe pas au registre.
La volonté politique de la Commission Juncker s’est engagée à introduire des avancées en matière de transparence. À compter du 1er décembre 2014 la Commission a entrepris de publier toute information concernant les réunions des commissaires, des membres de leurs cabinets et des directeurs généraux avec les lobbyists. Jean-Claude Juncker s’est attelé à la préparation d’une proposition d’un accord interinstitutionnel afin de créer un registre obligatoire pour les représentants des intérêts au sein des institutions européennes.
Malgré ces efforts Transparency International plaide encore une fois pour exiger un Registre obligatoire et réaffirmer la nécessité d’assurer une empreinte législative forte sur les activités de lobbying, à travers un projet de loi ou une décision publique. La standardisation des sujets et de concrets dossiers législatifs ainsi que l’utilisation des open data pourraient assurer une plus vaste diffusion publique des informations: «(…) all EU institutions should publish a “legislative footprint” – a public record of all lobby meetings and other input that has influenced policies and legislation».
Annalisa SALVATI
Pour savoir en plus :
-. Transparency International EU: Lobby meetings with EU-policy makers dominated by corporate interests, 24 juin 2015 http://www.transparencyinternational.eu/wp-content/uploads/2015/06/23-06-2015-EU-Integrity-Watch-Launch-Press-Pack.pdf
-. Transparency International EU : Lobbying in Europe : Hidden Influence, Privileged access, 15 avril 2015 http://issuu.com/transparencyinternational/docs/2015_lobbyingineurope_en?e=2496456/12316229
-. EU-logos Athèna, «Vers un niveau élevé de responsabilité, de transparence et d’intégrité au sein des institutions européens». Compte-rendu de l’audition commune du 26 mars 2015. http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/04/19/vers-un-niveau-eleve-de-responsabilite-de-transparence-et-dintegrite-au-sein-des-institutions-europeennes-compte-rendu-de-laudition-commune-du-26-mars-2015/
-. EU-logos Athèna: Full lobby Transparency now! A lack of ambition in the introduction of new rules http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/05/31/full-lobby-transparency-now-a-lack-of-ambition-in-the-introduction-of-new-rules/