La réforme du droit d’auteur : s’adapter aux nouvelles formes d’expression culturelle recommande le Parlement européen.

Lors de la plénière du 9 juillet, le Parlement européen a enfin adopté la résolution non législative sur le droit d’auteur. Longuement débattue, réforme sur le copyright a été approuvée afin de garantir un juste équilibre entre les droits et les intérêts des créateurs et ceux des consommateurs. Pour la première fois le Parlement a reconnu l’importance d’introduire des standards minimaux obligatoires en faveur d’un droit d’auteur européen.

 Julia REDA, vice-présidente Verts/ALE et eurodéputée du Parti Pirate, a fait adopter la résolution non législative sur la réforme du droit d’auteur. Après cette approbation le cap a été mis sur des propositions par la Commission européenne afin de moderniser la loi sur le copyright. La votation a été adoptée avec une large majorité : sur les 542 députés présents, on a eu 445 voix pour, 65 contre et 32 abstention. Un résultat qui n’a rien de surprenant, puisque après un cheminement long et tortueux, le texte adopté est le produit d’un compromis qui a éliminé les dispositions les plus négatives de la réforme mais peut-être les plus concrètes, en effet «le rapport est un grand pas en avant mais c’est aussi une occasion manquée» comme Mme Reda a affirmé.

 Les points principaux de la réforme concernent :

  • Renforcer les dispositions du droit d’auteur à l’ère numérique. La Commission européenne doit s’engager pour appliquer des normes minimales afin d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique. Il est à signaler toutefois qu’une des dispositions est celle de permettre aux bibliothèques un prêt des œuvres sous format électronique (e-lending), en effet le cadre juridique actuel les soumet au paiement d’une rémunération aux sociétés de gestion collective pour prêter des livres acquis, par contre avec la directive sur le loi de location et de prêt cela ne concernera pas les e-book.
  • Instituer un titre européen unique de droit d’auteur pour faire face à les limitations à caractère territorial du droit d’auteur et des droits voisins;
  • Protéger et préserver les œuvres du domaine public afin de prévenir les abus de droit d’auteur qui peut limiter l’information publique. En effet le rapport recommande également que les textes des administrations publiques, des tribunaux et des employés gouvernementaux dans le cadre de leurs fonctions doivent entrer dans le domaine public;
  • Harmoniser la durée de protection du droit d’auteur. À ce propos, il y a une attitude discrétionnaire suivie par les États membres visant à prolonger la durée du copyright, mais parfois une longue période n’assure pas une meilleure «protection» et/ou une rémunération des auteurs, au contraire il peut limiter la disponibilité. La durée du droit d’auteur doit être conforme aux principes de la Convention de Berne, à savoir cela ne doit pas dépasser 50 ans.
  • L’égalité des droits en ligne et hors de ligne est un point essentiel si on pense à l’utilisation des contenus sur internet et les références à des œuvres qui ne sont pas soumis aux droits exclusifs;
  • L’impact sur les échanges transfrontaliers. Un point essentiel de la réforme, refuser la limitation des contenus pour des raisons géographiques, mieux connu comme les «géoblocages». L’objet est de garantir aux minorités culturelles qui vivent dans les États membres une liberté d’accès aux contenus dans leur langue, même si des députés ont souligné la nécessité de maintenir des licences territoriales. Il en résulte l’importance de faire développer et circuler la recherche et l’information, pour une définition commune et permettre aussi la collaboration transfrontalière.
  • Enfin et surtout, beaucoup de bruit et débat a concerné la « liberté de panorama « (Panoramafreiheit), une prévision du droit d’auteur qui autorise de faire des photos, des vidéos ou créer d’autres images de bâtiments publiques et œuvres d’art et les publier et partager sur Internet sans violer des normes sur le droit d’auteur. Le projet de Julia Reda est très disposé à assurer une liberté de panorama et surmonter toute limite de «marketing» imposé. Par contre, lors de l’adoption du projet de réforme la commission JURI a adopté un amendement visant à la diffusion des images, photographies et œuvres en ligne qui peuvent être publié ou partagé seulement avec une autorisation préalable des auteurs. Cette disposition a créé une grande préoccupation, en effet on a eu une forte réaction par les utilisateurs et les consommateurs à travers une pétition signée par environ 500.000 européens visant à alerter les eurodéputés sur la menace de ce texte.un Selfie devant la Tour Eiffel pourrait-il devenir illégal?

Par ailleurs, malgré un très long débat, les eurodéputés ont opté pour rejeter l’amendement et maintenir le statu quo. À ce sujet le group des Verts/Alliance Libre a soutenu dans un communiqué que «cette décision concernant la liberté de panorama traduit un message central du rapport : le commissaire Oettinger ne peut limiter ses propositions de réforme à l’amélioration des conditions pour le commerce transfrontalier. Il est également important d’opérer des réformes en ce qui concerne les exceptions à la protection du droit d’auteur dans la mesure où celles-ci ont un rôle essentiel : elles fournissent aux créateurs un espace pour créer de nouvelles œuvres et aux utilisateurs, la sécurité juridique dans leurs activités quotidiennes ainsi qu’un accès à la culture et à la connaissance».

 Il faut remarquer que la version du texte a été un résultat d’un compromis par de larges majorités avec environ 550 amendements enregistrés pendant l’adoption du projet de réforme le 16 juin 2015 par la commission des affaires juridiques du Parlement Européen (JURI) avec une quasi-unanimité (23 voix contre 25).

Tout d’abord les premiers obstacles ont concerné la reconnaissance des différences nationales dans beaucoup de pays, en effet le texte amendé laisse une marge d’autonomie aux États membres en ce qui concerne le financement de la production audiovisuelle et cinématographique afin que tout pays sauvegarde les principes d’une rémunération équitable. En outre cinq amendements ont été proposés par des eurodéputés afin d’effacer les mentions positifs du domaine public. Des propositions aussi ont été faites pour chercher à éliminer la possibilité d’introduire une norme ouverte pour les exceptions et les limitations aux droits d’auteur et donc une majeure participation active des utilisateurs, à savoir des citoyens européens ; comme Mme Reda a commenté : «il est regrettable que les grands groupes politiques aient tourné le dos devant les résultats d’une participation citoyenne inédite sur les questions de droits d’auteur».

 D’autre part des amendements, auxquels Mme Reda attachait beaucoup d’importance, ont été rejetés. Il y a eu des tentatives de criminaliser le partage en ligne des contenus sur des pages avec des reproductions non autorisées d’œuvres soumis au droit d’auteur, ainsi comme la possibilité d’introduire une taxe Google qui aurait obligé au payement des droits aux éditeurs pour faire apparaître les actualités dans les résultats de la recherche.

 L’iter du copyright en Union Européenne : pourquoi un droit d’auteur européen est-il important?

 Malgré les nombreuses tentatives d’harmonisation, la législation sur le droit d’auteur reste une prérogative de l’État. Les changements technologiques, en particulier la révolution digitale, ont poussé à une harmonisation majeure à cause de l’utilisation des contenus dans internet et la fragmentation à caractère territorial de la loi. Les instruments internationaux visant à la régulation du droit s’auteur sont la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraire et artistique et la Convention universelle sur le droit d’auteur, mais aussi des autres textes administrés par l’Organisation Mondiale sur la propriété intellectuelle. (OMPI)

Au niveau de l’Union Européenne le manque d’harmonisation du droit d’auteur laisse un pouvoir discrétionnaire  aux États membres sur les contenues à protéger. Le principal instrument qui donne un cadre normatif au droit d’auteur est la directive 2001/29/CE (Infosoc). Par ailleurs la directive représente un texte de forte insécurité juridique, il en résulte un cadre législatif arbitraire et imprévisible dont les niveaux minimaux introduits ne fixent pas des normes de protection des intérêts publics et la fragmentation des lois nationales a pour conséquence une adaptation territoriale des règles.

 L’initiative de moderniser la loi sur le droit d’auteur fait directement suite à la stratégie de la Commission sur le Marché unique en matière de propriété intellectuelle. La fragmentation de la loi européenne a amené la Commission européenne à ouvrir une consultation publique sur le copyright à partir de décembre 2013 jusqu’à mars 2014. Le travail de la Commission trouve sa base juridique à l’art. 118 TFUE ainsi rédigé : «Dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures relatives à la création de titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union, et à la mise en place de régimes d’autorisation, de coordination et de contrôle centralisés au niveau de l’Union».

 L’eurodéputé Julia REDA a présenté en janvier 2015 un rapport qui propose un agenda pour la révision du droit d’auteur qui a été adopté par la commission JURI le 16 juin et au Parlement européen le 9 juillet.

L’urgence et l’importance d’une réforme sont le résultat également d’un taux de participation et d’un vif intérêt par la société civile avec environ 9500 réponses, dont le 58,7% provenaient d’utilisateurs finaux. La réforme a reconnu l’introduction des normes minimales pour les droits du public, comme Mme Reda a expliqué «le rapport met l’accent sur le fait que l’usage de ces exceptions ne peut pas être entravé par des contrats restrictifs et que les dispositifs de gestion numérique des droits (DRM) ne peuvent restreindre votre droit à faire une copie privée d’un contenu légalement acquis».

 

Une réforme tant critiqué mais aussi novatrice

 La réforme du droit d’auteur a été soutenue par plusieurs artistes appartenant à différents syndicats tels que le Syndicat de l’Industrie et de les technologies de l’informations (SFIB), l’association des défenses des droits et des libertés des citoyens sur Internet (la Quadrature du Net), l’Association de promotion du logiciel libre (April), Interassociation Archives bibliothèque et documentation (IABD), l’association des services internet communautaires (ASIC), mais aussi le spécialiste des nouvelles technologies Thierry Creuzet.

 Cependant le projet de rapport n’était pas exempté par des contestations en suscitant beaucoup de réactions négatives. Les premières critiques ont été adressées au Parti Pirate qui aurait le but de placer le consommateur au centre et avaliser le piratage et la contrefaçon commerciale. En outre il a été affirmé que un marché unique européen sur le droit d’auteur pourrait affaiblir la richesse culturelle de l’Union Européenne. Par exemple, la société des Auteurs audiovisuelle (SAA) a accueilli avec déception la résolution non législative, notant «le grand écart entre la rhétorique favorable aux auteurs et l’absence de mesures concrètes pour leur garantir une juste rémunération pour l’exploitation de leurs œuvres en ligne». Par contre la société de gestion de droits d’auteurs spécialisée dans le théâtre, la danse, le cinéma, la télévision et la radio (SACD) a manifesté sa approbation par rapport à la suppression de certaines amendements tels que la généralisation des exceptions au droit d’auteur sans rémunération pour les auteurs et aussi la volonté de maintenir un caractère territoriale par rapport aux financements dans le secteur audiovisuel et le cinéma et la reconnaissance d’une juste rémunération aux auteurs.

 Malgré le nombre élevé de critiques et les attaques à l’agenda politique du Parti Pirate, il faut reconnaître que la réforme de Mme Reda représente une important démarche en matière de gestion collective des droits des créateurs. Le but n’est pas d’attaquer la création culturelle de l’UE et encore moins promouvoir une «copie et collé» au détriment des auteurs, au contraire la réforme propose un encouragement à la culture, o mieux à la révolution culturelle portée par le progrès technologique et social. Avec internet et les nouveaux moyens de communication on constate la présence de nouveaux auteurs, de nouveaux moyens de création qui doivent trouver une forme de diffusion et de protection plus dynamique et transparente. À ce sujet il en résulte la possibilité d’assurer un majeur accès à la connaissance et à la culture donc plus de transparence et participation des européens, qui ne peut pas être coincé dans certaines restrictions du copyright encadrées sur des exigences de marketing des grandes entreprises et exigences politiques des États. La proposition de ce rapport amène à un changement réel et concret qui peut jeter les bases pour l’adoption aussi d’une liberté de panorama, déjà menacé par une restriction enfin rejeté.

  «Les lois relatives au droit d’auteur et aux droits voisins devraient trouver l’équilibre entre les différents membres de la société. (…) Je continuerai à revendiquer une extension des exceptions importantes au droit d’auteur, dont la liberté de panorama dans tous les pays, afin que tous les Européens puissent en bénéficier».  (Julia Reda)

Annalisa SALVATI

 

 

Pour savoir en plus:

 

     -. Projet de rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects di droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-546.580+02+DOC+PDF+V0//EN 

     -. Communication de presse : Réforme du droit d’auteur: trouver un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des utilisateurs http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20150615IPR66497/html/Droit-d’auteur-trouver-un-%C3%A9quilibre-entre-les-int%C3%A9r%C3%AAts-des-divers-acteurs

      -. Actualitté : Le rapport de Julia REDA adopté par le Parlement européen https://www.actualitte.com/article/monde-edition/le-parlement-europeen-emmene-les-propositions-de-reda-a-la-commission/59411

     -. Julia Reda.eu : Réactions à mon rapport d’évaluation sur le droit d’auteur et les droits voisins https://juliareda.eu/2015/01/reactions-a-mon-rapport-sur-le-droit-dauteur/

      -. Euractiv.fr : Les eurodéputés rejettent l’idée d’une taxe Google http://www.euractiv.fr/sections/societe-de-linformation/les-eurodeputes-rejettent-lidee-dune-taxe-google-316205

    -.Reformons le droit d’auteur: Les étapes de la réformehttp://www.reformonsledroitdauteur.eu/#Outil

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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