« Les droits fondamentaux s’appliquent à tous sur ce continent, dans cette Union européenne ; et le fait de ne pas respecter les droits fondamentaux d’un seul individu nous nuit à tous. L’Europe n’est rien si elle ne protège pas ses minorités ; l’Europe n’est rien si elle n’ouvre pas ses yeux face à ce qui est faible ; l’Europe n’est rien si nous fermons nos portes aux personnes qui fuient la persécution et la guerre ailleurs. Nous nuirons non seulement aux intérêts de ces personnes, mais nous nuirons à nos propres valeurs. Nous nous nuirons à nous-mêmes, nous détruirons nos propres âmes si c’est là l’attitude que nous choisirons ». (Frans Timmermans)
A l’occasion du débat portant sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) qui avait lieu le 7 septembre dernier au Parlement européen (Plénière, Strasbourg), le Premier Vice-président de la Commission Frans Timmermans a pleinement assumé son rôle de garant de la protection des droits fondamentaux.
Débattant sur un « rapport Ferrara » considéré par la plupart comme complet et bien mené, les députés du Parlement européen ont saisi l’occasion d’aborder les droits, libertés et valeurs qui, s’ils sont différents n’en sont pas moins liés. Ont ainsi été évoqués entre autres le droit à la vie, le droit à la famille, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté des médias, la protection des personnes handicapées, la protection des réfugiés et des migrants, les droits des personnes LGBTI ; la lutte contre les violences faites aux femmes, la corruption, le blanchiment, le terrorisme et bien d’autres encore. C’est dire tout l’intérêt de ce rapport sur lequel les médias, pour la plupart, ont fait silence
Présentant son rapport, Laura Ferrara (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFD), membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen, a introduit cet important débat par une référence au corps du petit Aylan Kurdi, trouvé sans vie sur les plages de la Turquie, précisant qu’il s’agissait là du « symbole d’un droit nié, d’un droit qu’on a nié : le droit à la vie ».
Ce débat de plus de deux heures a permis de faire ressortir de manière évidente que les droits fondamentaux étaient violés en premier lieu au sein même de l’Union européenne. Dés lors comment peut-elle faire la leçon aux autres ? Selon la Rapporteure en charge du dossier, c’est aux européens eux-mêmes d’être « les contrôleurs et les garants de ces droits et de ces valeurs qui font notre Communauté et qui légitiment l’existence de l’Union ». Constatant que rien n’était réellement fait « pour les arrêter ou les prévenir », Laura Ferrara s’est voulue virulente : « nous sommes hypocrites et nous sommes enfin par notre silence, complices ».
Le rapport traduit une volonté de parvenir à « un plus grand contrôle et une meilleure interactions avec les citoyens ». L’idée de ce rapport serait en effet d’assurer un suivi personnalisé de la situation des droits fondamentaux au sein de chaque Etat membre de l’Union européenne, c’est-à-dire pays par pays. Mais la demande d’un rapport pays par pays demandé avec insistance par le député Louis Michel n’ a pas une fois de plus été suivi. De la sorte, les institutions européennes seraient mieux à même de voir quels sont les droits violés, où le sont-ils, par qui le sont-ils. Une telle perception de la situation permettrait à ces dernières de « déclencher les interventions nécessaires pour protéger les droits fondamentaux ». Face aux inquiétudes visiblement soulevées par ce rapport, Laura Ferrara a tenu à préciser qu’il ne s’agirait pas là d’une « inquisition », ni même « d’aller au-delà du principe de subsidiarité ». En vertu de ce principe, il appartient à l’échelon le plus approprié d’agir (niveau européen, national ou local) ; étant entendu que l’Union européenne ne pourra intervenir que si elle est en mesure d’agir plus efficacement que les Etats membres (Pour en savoir plus : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:ai0017).
Pour l’eurodéputée italienne qui prône « une plus grande transparence », il s’agit simplement « de murir et de développer une conscience commune ». Et la Rapporteure d’achever sa présentation par un fameux « soyons courageux et construisons une Europe de droits, maintenant ».
Prenant le relai, le garant de la Charte des droits fondamentaux, Frans Timmermans, a montré le soutien de la Commission européenne à « l’appel » lancé par le Parlement européen « à tous les Etats membres, à toutes les institutions européennes pour protéger les droits fondamentaux ».
Regrettant le fait qu’aucun accord n’ait encore été trouvé concernant la directive sur l’égalité de traitement, M. Timmermans a rappelé qu’il s’agissait pourtant d’« une question centrale en Europe ».
Pour le Premier Vice-président de la Commission, il ne faut pas non plus négliger les questions relatives à la discrimination, « à la montée de l’intolérance et de la haine que l’on constate dans nos sociétés au quotidien ». Un phénomène qui serait, selon lui, « certainement lié à la crise migratoire », une crise à la fois économique, politique et morale.
Encourageant la lutte contre les préjugés, le racisme et la xénophobie, M. Timmermans a rappelé qu’un premier colloque de la Commission sur les droits fondamentaux serait organisé en Octobre et porterait sur les crimes liés à la haine, notamment la discrimination, l’antisémitisme et la xénophobie ; des « phénomènes distincts mais qui sont également liés ». Le traitement des données personnelles figurait lui aussi au cœur des préoccupations lors de ce débat. Peu importe les fins auxquelles elles sont utilisées, en particulier dans le domaine pénal, leur traitement doit respecter la Charte des droits fondamentaux, et doit être nécessaire et proportionnel. Le Vice-président de la Commission a notamment « justifié » leur utilisation dans les procédures pénales, expliquant qu’afin de « pouvoir protéger l’ordre public, il serait parfois nécessaire de procéder à certaines vérifications de données de personnes qui ne sont pas directement liées à des activités criminelles ».
Face à un rapport Ferrara qui préconise l’instauration de nouveaux mécanismes pour la protection des droits fondamentaux, Frans Timmermans estime plus judicieux de s’en tenir à « veiller à la poursuite de la mise en œuvre des instruments que nous avons déjà », évoquant le passage en revue « de toutes les mesures politiques, législatives pertinentes pour garantir la compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux » ou encore l’adoption du paquet « mieux légiférer » qui représenterait selon lui « une étape supplémentaire sur cette voie ».
Il s’agirait au final de « prendre en considération les droits fondamentaux de manière systématique dans l’évaluation de toutes les initiatives politiques pertinentes ».
A l’instar des nombreux débats soulevés au cours des derniers mois quant à la crise migratoire, la question d’une responsabilité politique partagée par toutes les institutions refait surface. Le Commissaire Timmermans a de fait resitué la position de la Commission européenne qui, en tant que gardienne des traités, se doit de faire respecter la Charte des droits fondamentaux par les Etats membres. Dans l’hypothèse d’une violation d’un droit fondamental par l’un des Etats membres, la Commission européenne pourrait intervenir en engageant une procédure d’infraction. En 2014, ce sont ainsi 11 procédures d’infractions qui ont été lancées par la Commission à l’encontre d’Etats membres. Approuvant la Cour européenne de justice qui demande un renforcement des règles régissant l’Etat de droit en Europe, M. Timmermans considère qu’ « il faut absolument respecter à 100% l’Etat de droit », ce qui s’avère « fondamental » y compris pour la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne. Il est essentiel que la possibilité d’avoir un recours en justice puisse être garantie, sans quoi les droits fondamentaux « resteront lettre morte ».
Par ailleurs, le Premier Vice-président de la Commission a réaffirmé l’engagement de l’institution qu’il représente « pour ce qui est de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention des droits de l’homme », ce qui permettra de « renforcer nos valeurs fondamentales, l’efficacité de la législation européenne mais également de garantir la cohésion de ce qui se fait en Europe ». Un Premier Vice-président qui se veut donc particulièrement optimiste sur cette – future – adhésion, et sur le fait de régler les problèmes juridiques présentés par la Cour de justice européenne dans son avis de décembre 2014 (avis 2/13, 18 décembre 2014).(cf. article de Nea say –eulogos)
Rappelant que « la promotion et le respect des droits de l’homme se situent sur le devant de la scène », Frans Timmermans a fermement soutenu la position de Laura Ferrara sur la question de la migration. « Notre réaction à la crise doit également passer par la protection des droits fondamentaux », en particulier parce qu’il s’agit de « réfugiés qui risquent leur vie, s’en remettent à des trafiquants sans pitié ; mais [qui] ont également le droit d’être traités avec dignité, [indépendamment du lieu où ils se trouvent, ou des conditions dans lesquelles ils sont obligés de vivre] ».
Sauver des vies, traiter plus rapidement les demandes d’asile, pouvoir être plus efficaces, et le faire « en totale conformité avec les droits de l’homme », voilà donc un programme bien ambitieux que l’Union européenne aura à cœur de mettre en œuvre dans les mois à venir. Car, si pour certains l’heure est encore aux débats et aux négociations, pour beaucoup d’autres, le temps est largement venu de passer à l’action et de prendre des mesures réelles et concrètes.
« Nous ne devrions jamais oublier que l’asile est un droit à être protégé ». Il est ressorti de l’intervention de M. Timmermans que la priorité revenait à « l’application correcte et complète de la situation en matière de migration et d’asile, conformément aux deux principes de responsabilité et de solidarité ». Une telle politique devra :
- mettre en place une « politique de retour efficace », qui respecte « les droits des différents migrants »,
- « offrir la protection mais également une réception humaine à tous ceux qui le méritent, qui y ont droit »,
- « réduire ainsi les incitations à l’adresse de personnes qui n’ont pas droit à ce statut et qui se lancent quand même dans un tel voyage »
Pour Frans Timmermans, « inutile d’avoir peur d’être envahis ». La situation actuelle témoigne de la crainte qu’un « traitement humain de ces migrants » ne débouche sur un afflux particulièrement importants de nouveaux arrivants. Une « peur d’être inondé » qui pour le premier Vice-président de la Commission européenne n’a pas lieu d’être. De telles craintes pourraient pourtant amener, si elles ne sont pas maîtrisées, à se « braquer » face aux arrivées massives de migrants en incitant les européens à se refermer sur eux-mêmes. Or, et M. Timmermans s’est montré très clair sur ce point : « Il ne faut certainement pas revoir à la baisse les valeurs fondamentales, les sacrifier sur l’autel de telles craintes. Il faut veiller à ce que les personnes qui fuient de telles persécutions aient vraiment leur place dans notre société ».
Pour lui, « la promotion de nos valeurs communes, la démocratie, les droits fondamentaux, mais aussi l’Etat de droit » impliquent une responsabilité partagée de tous les Etats membres, de toutes les institutions, de tous les organes de l’Union. « Ce sont des valeurs qui doivent continuer à être des réalités pour chaque citoyen européen, mais également pour toute autre personne qui se situe sur le territoire européen ». Il est donc « fondamental » que toutes les institutions, tous les organes et tous les Etats de l’Union européenne coopèrent « afin de donner corps à cette réalité ». Une coopération qui s’applique, et M. Timmermans l’a souligné, à la Commission et au Parlement européen.
« Les droits de l’homme sont le fondement éthique universel qui permet d’établir les règles de la dignité humaine » (Ramón Jauregui Atondo, commission AFCO)
La situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne recouvre des domaines très variés mais qui sont, pour Frans Timmermans, au fond très liés. Trop souvent, l’Union européenne se targue de constituer un exemple, d’être une « référence » pour le reste du monde. Or, en examinant la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, l’on s’aperçoit très vite que lesdits droits, qu’elle garantit et protège pourtant, sont en premier lieu violés en son sein même. Pour la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (AFCO), l’Union européenne doit être capable de se surveiller elle-même, c’est-à-dire de regarder ce qu’il se passe en son sein, avant même de vouloir se montrer « exemplaire » ou de constituer « une référence » pour les autres. A l’instar de ses prédécesseurs dans ce débat, l’eurodéputé socialiste espagnol a en effet rappelé que malheureusement beaucoup d’Etats membres ne respectaient pas toujours les droits de l’homme… Les droits économiques et sociaux devraient voir leur protection renforcée, et l’Union devrait adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’intervention du porte-parole de la commission AFCO au Parlement.
« La protection des droits des femmes est un élément très important des droits humains ». Daniela Aiuto (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe), représentant la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM), a évoqué les nombreuses formes de discriminations, les violences sexuelles, physiques et psychologiques que subissent les femmes, qu’elles se situent en Europe ou ailleurs. Une fois encore la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union est remise en question. Pour Daniela Aiuto, l’internet et les nouvelles technologies ne sont sans doute pas pour rien dans l’existence de telles violences…
Revendiquant une égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l’eurodéputée italienne a achevé son discours en déclarant que « des mesures [devraient être] prises pour renforcer la prévention, garantir la protection et punir ceux qui commettent des délits ».
Marina Albiol Guzmán (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, GUE/NGL) invoque même un « droit des femmes à ne pas être assassinées, violées, menacées, frappées du simple fait d’être femmes ». Et l’eurodéputée d’appuyer son propos en citant le rapport Ferrara, selon lequel « 33% des femmes européennes ont subi des violences physiques ou sexuelles » ; et en révélant l’assassinat en Espagne de 17 femmes cet été, dont 8 mineures, et de 59 femmes en 2014. Pour elle, bien qu’il s’agisse là « d’un terrorisme machiste », il existe en Europe du terrorisme « de premier degré et de deuxième degré », et les femmes entrent dans cette seconde catégorie. Or, « la Troïka n’applique aucune menace en cas de violences de ce genre ».
« L’Union européenne, reconnue dans le monde, devrait continuer à être reconnue comme étant le plus grand espace de citoyenneté, de garantie des valeurs fondamentales qui sont les nôtres ».
Pour la commission des pétitions, représentée par Soledad Cabezon Ruiz (Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, S&D), l’Union européenne a le devoir de :
– Continuer à garantir l’application de la législation européenne,
– Garantir la bonne application de ses valeurs dans chacun des Etats membres.
« Tous les citoyens européens, tous ceux qui vivent en Europe ont le droit de voir leurs droits fondamentaux défendus ».
Pour Elissavet Vozemberg (Groupe du Parti populaire européen, PPE), peu importe le parti politique, tout le monde est d’accord là-dessus. Certes, les points de vue divergent nécessairement mais au fond, l’ensemble des partis politiques du Parlement européen poursuivent le même objectif.
Soulignant l’accord qui semblerait exister entre les différents partis sur le fait de « reconnaître que les institutions européennes [devraient] mettre en place un régime, un système européen global qui incite les Etats membres à s’appuyer sur les normes internationales et garantir une véritable égalité de traitement pour les minorités linguistiques ou ethniques », Csaba Sógor (PPE), incite à s’attaquer à « tous les obstacles, les obstacles administratifs qui freinent la diversité ».
Concernant les nouveaux mécanismes proposés par le rapport Ferrara, là encore les points de vue divergent. Si certains les estiment nécessaires, d’autres jugent que les mécanismes dont l’Union dispose actuellement sont parfaitement adéquats et suffisants (par ex, Elissavet Vozemberg).
Péter Niedermüller (S&D) considère « insuffisants » les instruments et les mécanismes existants et demande « la mise en place d’un nouveau mécanisme qui se déclencherait automatiquement en cas de violation des droits et des valeurs fondamentales pour éviter que ne se matérialisent ces violations systématiques dans les Etats membres ».
« Nos valeurs fondamentales européennes sont violées devant nous, sous nos yeux ». Pour l’eurodéputé hongrois, les partis démocratiques doivent protéger ces valeurs. A défaut, « cela [pourrait avoir] des conséquences graves » sur les efforts réalisés et la construction européenne.
Dans le même sens, Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D), « un véritable mécanisme de préservation des droits fondamentaux » serait nécessaire, « avec une surveillance continue de la situation de ces droits fondamentaux dans chaque pays et avec des rapports spécifiques par pays qui seraient publiés régulièrement ».
De même, alors que certains prônent une action préventive en matière de protection des droits fondamentaux, d’autres considèrent la voie répressive comme un remède davantage efficace aux violations des droits de l’homme par les Etats membres. Pour M. Timmermans par exemple, « à chaque fois qu’il y a une violation, il faut qu’une action immédiate s’ensuive ».
« Nous devons protéger et renforcer tout ce qui peut être fait pour lutter contre le terrorisme et la criminalité en Europe ».
La protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne doit avant tout passer par le respect de ses propres valeurs. C’est en garantissant et en assurant, d’abord en son sein, une protection efficace des droits fondamentaux qu’elle reconnaît que l’Union européenne sera ensuite mieux à même de se positionner en tant que « référence » pour le reste du monde. Or, il existe encore de nombreuses discriminations qui ont lieu tous les jours sur le sol de l’Union européenne. Les minorités, les Roms, les femmes, les personnes qui cherchent et demandent l’asile sont les premières visées par ces violations.
« L’UE s’est basée sur le respect de la dignité, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité et du respect des droits humains. Ces valeurs découlent des traditions constitutionnelles communes à tous les Etats membres ».
Péter Niedermüller insiste : « préserver ces valeurs est d’une importance cruciale pour le bon fonctionnement de l’Union européenne car elles garantissent que les Etats membres respectent leurs obligations juridiques internationales. C’est à la source de la confiance qu’ils ont entre eux les uns par rapport aux autres et dans les institutions européennes ».
Pour Louis Michel (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, ADLE), ce sont les interprétations différentes de ces droits qui sont en cause. Une interprétation uniformisée permettrait une mise en œuvre uniformisée de ces droits. Or, actuellement, les droits fondamentaux ne sont pas appliqués de la même manière au sein de tous les Etats membres de l’Union. La mauvaise foi des Etats membres, ou plutôt des autorités en place, en est le plus souvent la cause. En effet, il est parfois plus confortable pour les autorités en place d’appliquer les droits fondamentaux d’une manière qui leur est favorable et qui correspond à leur législation, plutôt que d’avoir à modifier ce qui est d’ores et déjà mis en place…
« L’homme est universel. Il est partout le même avec ses souffrances, avec ses joies, avec son génie, avec son talent »
Lorsqu’on lui demande s’il est « en faveur d’une mesure aussi radicale que l’ouverture totale des frontières aux migrants » (Kazimierz Michal Ujazdowski, Groupe des Conservateurs et Réformistes européens, CRE, « carton bleu »), M. Michel répond que c’est là le syndrome de la « désinformation ».
Le migrant économique ne doit pas être confondu avec les réfugiés humanitaires « qui sont des demandeurs d’asile qui quittent leur pays parce qu’ils veulent fuir la violence, la peur, la tyrannie, le despotisme ». Pour lui, la solution est simple et toute trouvée : si le migrant ne répond pas aux lois européennes ou à celles établies par les Etats membres, alors il ne peut pas rester sur le territoire de l’Union.
Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL) va plus loin en affirmant que « l’Union européenne vit une crise de valeurs ».
« Que sont les valeurs dites universelles si celles-ci sont appliquées avec des géométries variables selon les Etats et les catégories de population ? »
A l’instar de ses prédécesseurs au débat, Mme Vergiat relève que l’Union et ses Etats membres accusent un certain recul sur l’existence de sanctions ou d’outils qui permettraient de régler les problèmes de violations des droits fondamentaux. Par un discours percutant, l’eurodéputée attire l’attention sur les nombreuses atteintes aux libertés publiques sur le motif de la sécurité avec par exemple « les fichages généralisés de pans entiers de la population » ou l’utilisation de « bouc-émissaires, migrants et arabo-musulmans notamment ».
« On surf sur les peurs pour faire adopter des législations de plus en plus régressives pendant que les inégalités sociales et la pauvreté prennent des proportions dramatiques. Alors oui, le respect de l’autre, quelles que soient ses différences et ses choix socioculturels (…), le vivre ensemble sont des fondamentaux sans lesquels rien n’est possible ».
« Une autre Europe est possible, surtout en matière de droits pour les réfugiés » ajoute Ulrike Lunacek (Groupe des Verts/Alliance libre européenne, ALE). « Ce continent doit être un continent qui tend la main aux réfugiés notamment s’ils viennent de zones marquées par la guerre comme la Syrie. On n’a pas ici à les expulser ou à revoir leurs droits à la baisse ».
« La Commission et le Parlement européen, ensemble, pourront faire bouger le Conseil ». Pour Mme Lunacek, comme pour beaucoup d’autres de ses collègues, la directive relative à l’égalité de traitement constitue l’une des priorités « les plus prioritaires » du moment. Celle qui aurait dû être adoptée depuis longtemps est toujours sur la table. Et pourtant, elle est à la base de ce qui pourrait constituer des solutions aux nombreuses violations des droits fondamentaux que l’on peut aujourd’hui constater, comme la xénophobie, les haines à l’encontre des sexes, des races etc. Des solutions toutes trouvées donc pour Ulrike Lunacek qui considère que s’agissant des réfugiés fuyant la misère, il conviendrait de faire « quelque chose pour que les gens n’aient plus à partir ». Concernant ceux qui fuient les catastrophes naturelles « que nous avons provoqué avec d’autres », il faudrait selon l’eurodéputée s’interroger sur la question de savoir si ces gens n’ont pas, de fait, un « droit à venir chez nous, ne serait-ce que pour survivre ? ».
« Il est pour moi inacceptable d’apprendre que le secrétaire d’état hongrois a dit à la radio autrichienne que les musulmans n’étaient pas les bienvenus en Hongrie parce que la Hongrie n’avait pas l’habitude de ces gens là. Est-ce que vous diriez la même chose pour les femmes, qu’on n’accepte pas les femmes dans les Conseils d’administration parce que les hommes ne sont pas habitués à cela. Ce genre de réaction ne devrait pas exister dans notre Europe ».
Partageant l’« idée d’une surveillance approfondie pour la situation de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits fondamentaux dans tous les Etats membres », Caterina Chinnici (S&D) considère que l’Union européenne se situe dans une « phase historique » au cours de laquelle elle doit « faire face à une crise humanitaire sans précédent ». Pour l’eurodéputée et magistrate italienne, les principes fondamentaux de l’Union inscrits dans la Charte des droits fondamentaux « nous imposent de garantir un traitement et un accueil digne pour tous les migrants, indépendamment de leur statut de réfugié, demandeur d’asile ou d’exilé et ils attirent notre attention vis-à-vis des personnes les plus vulnérables, [les enfants, en référence au petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque] ».
L’eurodéputée portugaise Ana Gomes (S&D) incite l’Union européenne à assumer sa responsabilité dans la crise migratoire, une crise qu’elle considère comme« européenne » en raison du fait que « par action ou omission mais aussi en raison de certaines idéologies néolibérales, anti européennes ; en fin de compte, nous finissons par contribuer à ce que des personnes s’exilent de leur pays ». Or, « dans cette crise, ce sont les valeurs européennes, européistes qui font défaut ». Pour Peter Van Dalen (CRE), « une action européenne conjointe » est nécessaire mais ne pourra cependant exister si elle ne s’accompagne pas dans le même temps d’« un ensemble général de mesures avec des ports sûrs, avec des camps bien équipés, des accords sur des pays sûrs et le retour vers ces pays sûrs, et finalement la lutte – dure – contre les trafiquants ».
Gerard Batten (EFD) remet ensuite sur la table l’indépendance anglaise quant aux questions européennes, préférant réaffirmer l’attachement du Royaume-Uni aux droits fondamentaux qui sont les siens et qui sont protégés et garantis par ses propres instruments (Magna Carta, Habea Corpus, Common law, Bill of Rights). Pour lui, l’Union européenne, par la création de son propre système de droit pénal, est la première fautive en matière de violation des droits fondamentaux. De fait, « les droits fondamentaux des britanniques sont remis en question (…) par le droit européen » alors que le système existe au Royaume-Uni depuis des siècles. L’eurodéputé dénonce le mandat d’arrêt européen, par lequel un citoyen britannique peut être arrêté sur le fondement de « vagues accusations », « sans preuve tangible » et sans que les tribunaux britanniques ne puissent empêcher cela. Pour M. Batten, cela constitue une violation du Bill of Righs et « si les britanniques veulent protéger leurs propres droits fondamentaux, ils doivent quitter l’Union européenne ».
Une vision, toutefois respectable, qui se heurte néanmoins à l’idéologie européenne qui réside dans l’existence d’une volonté commune d’avancer ensemble, de se soutenir les uns les autres en cas de difficulté, de promouvoir des valeurs et des droits, de les garantir par tous les moyens, d’abord en interne, au niveau des Etats membres, comme l’exige le principe de subsidiarité, et si la solution peut s’avérer meilleure ou simplement plus efficace, au niveau européen. L’on peut alors s’interroger sur l’échelon auquel doit se faire cette protection ? Chaque Etat membre doit-il assurer sa propre protection de ses propres droits fondamentaux ? Ou bien l’Union européenne doit-elle avoir un mécanisme permettant de garantir ces droits et valeurs à un échelon plus élevé, de manière à assurer une protection uniformisée des droits fondamentaux qu’elle garantie ?
Pour Cecilia Wikström (ADLE), lorsque les droits et les libertés des citoyens européens sont menacés, y compris au sein même des Etats membres, « les institutions européennes devraient pouvoir intervenir ». Arguant de la « crédibilité » de l’Union, Mme Wikström plaide pour l’instauration d’un « contrôle permanent qui s’appliquerait à tous ». Car en effet, Kati Piri (S&D) s’interroge : « comment pouvons-nous faire de la politique vers l’extérieur si notre propre maison n’est pas en ordre ? » ; est-ce « qu’au sein de l’Union européenne, nous partageons les mêmes valeurs ? »
Tout semble mélangé, mal compris par les citoyens. Vicky Maeijer (Groupe Europe des Nations et des Libertés, ENF) illustre d’ailleurs parfaitement cela en disant que « l’Union européen ne protège pas les droits fondamentaux des citoyens européens et sûrement pas ceux des milliers de migrants illégaux qu’on laisse entrer avec des terroristes (…) sous le manteau de la solidarité ». Derrière les prétextes de la solidarité ou de la sécurité, entre autres, se cachent en réalité de nombreuses discriminations et violations de droits fondamentaux(….) pour elle « on laisse s’islamiser le continent », la migration semble en effet mal comprise… Le problème, estime Kazimierz Michał Ujazdowski, CRE, c’est de parler d’islamisme alors que le problème n’est pas l’islam en lui-même mais « l’islamisme radical ».
Selon Mme Maeijer, la faute revient à l’élite européenne qui crée une « sorte de contre-pouvoir qui limite nos droits et nos normes ». A l’instar de son collègue Gerard Batten, Vicky Maeijer considère que l’Union européenne n’est pas utile pour protéger les droits fondamentaux des citoyens européens, mais qu’au contraire, elle représente plutôt « un véritable danger ».
Invoquant « le droit du cœur » comme « un droit de l’homme », Krisztina Morvai (Non-Inscrits) va plus loin : « nous souhaitons pouvoir vivre comme nous le souhaitons : comme des hongrois, en Hongrie ».
Nationalisme versus Européanisme ? Ce débat du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne aura révélé certaines positions … Et là, Monica Macovei (PPE) s’interroge : que faisons-nous, « nous en tant qu’êtres humains (…) pour protéger nos droits fondamentaux ? ». Mettant en cause le « manque de réaction dans de nombreux pays européens face à la violation des droits », Mme Macovei revendique la liberté d’expression, le travail des journalistes, le droit d’être informé, de contrôler ce que fait le gouvernement et au besoin, de s’y opposer. « Il est très facile de démettre un gouvernement simplement en descendant dans la rue ».
« Comme l’Union ne va pas parfaitement bien, même chose pour les droits fondamentaux ». Josef Weidenholzer (S&D) résume la situation en évoquant la coïncidence consistant à traiter au cours d’une même session de l’état de l’Union en même tant que la situation des droits fondamentaux. La surveillance de masse et ses répercussions sur les libertés individuelles sont à nouveau mises en cause. Elles ne sont pas les seules cependant. M. Weidenholzer évoque en outre la crise économique qui continue d’avoir des conséquences néfastes sur les droits de l’homme… Pour l’eurodéputé socialiste, « la faiblesse [est] due au fait que nous n’avons pas de bons instruments pour appliquer ces droits de l’homme ». L’Union devrait instituer un mécanisme qui exécute et mette en œuvre les droits fondamentaux, qui, « indépendamment de la politique au quotidien, mette le doigt sur là où ces droits sont violés ».
Revenant sur la question des migrants, Beatrix Von Storch (CRE) propose de venir en aide à ces « centaines de milliers de personnes » en transformant le Parlement européen en « grand centre d’asile » : « ici, on a tous une salle de bain, on a un lit, il y a une grande cantine, il y a également beaucoup de lieux, de salles qu’on pourrait utiliser pour pouvoir enseigner. Nous avons beaucoup d’infrastructures, nous avons aussi la possibilité d’économiser beaucoup d’argent en cessant les allers-retours vers Strasbourg (…). Ce serait bien mieux que de parler, nous pourrions enfin agir ». Une idée à laquelle James Carver (EFD) a semblé adhérer, indiquant que ces allers-retours constituaient « des sommes folles, un gâchis ». Prônant une action rapide et concrète, Beatrix Von Storch démontre qu’une utilisation « intelligente » du bâtiment européen « ne prendrait pas beaucoup de temps, les pièces sont là, les gens pourraient s’installer immédiatement, sans délai ».
Poursuivant en ce sens, Martina Anderson (GUE/NGL) évoque une « crise des réfugiés qui n’en finit plus » et la nécessité d’avoir une « approche pleine d’humanité », alors que « l’Europe forteresse est déshumanisante ». Mettre fin au Règlement de Dublin et « encourager les Etats membres à prendre des mesures progressives et humaines face à cette crise humanitaire urgente » contribueraient à une telle approche. Pour Kristina Winberg (EFD), la solution pourrait résider dans « l’institution de nouvelles voies qui permettraient à ces migrants de se rendre sur le territoire de l’Union européenne sans entrave », une solution qui selon elle « n’est pas tenable », eu égard la réaction européenne face à l’arrivée massive de migrants. David Coburn (EFD), tout comme Kristina Winberg, estime qu’il serait plus judicieux que des pays tels que l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe, « qui ont la même langue, (…) la même culture, (…) le même mode de vie », ouvrent eux-mêmes leurs frontières. Et Mme Winberg de déclarer que « chacun doit pouvoir assumer ses responsabilités ».
Certes, mais que se passe-t-il lorsque les uns et les autres se renvoient la balle de la responsabilité ? Pour certains, l’Union européenne est responsable parce qu’elle a les moyens d’accueillir ces personnes si elle le souhaite réellement, pour d’autres ce sont les Etats d’origine qui sont responsables, en ce sens que leurs actions/inactions incitent leurs nationaux à partir pour d’autres contrées, en abandonnant parfois toute une vie derrière eux.
Le discours qu’a entre autres tenu Mme Winberg ce 7 septembre semble relativement étonnant face à certaines interventions comme celle de Janusz Korwin-Mikke (Non-Inscrits) pour qui « le droit le plus fondamental des êtres humains, c’est d’être traités comme des êtres humains et pas comme du bétail ».
Rappelant le traitement des juifs dans les années 40, M. Korwin-Mikke estime que les réfugiés sont ici « traités comme du bétail ». Son opinion, qui va certes très loin (« le socialisme tue, souvenez-vous-en »), ouvre néanmoins le débat sur le traitement actuel des réfugiés et la façon des politiques et de « l’élite européenne » d’avoir des discours incessants et de se renvoyer les questions de responsabilités.
Tout le monde est responsable de ce que l’on appelle « la crise migratoire » ou encore « la crise des réfugiés », mais au final personne n’est réellement responsable.
Il serait peut être bon de rappeler qu’il s’agit de milliers de personnes dont le sort est décidé chaque jour par des politiques qui manquent d’uniformisation, et dont les droits fondamentaux sont, à défaut d’être respectés comme ils le devraient sur le sol européenne, continuellement violés.
Julia Reda (Verts/ALE) relève que le rapport Ferrara « met l’accent sur les différences qu’il y a entre les promesses que font les législations et la réalité ». Outre le fait que la vie privée devrait être respectée (ce que ne permet pas la surveillance généralisée, réalisée au nom de la sécurité publique), Julia Reda estime que les citoyens européens devraient pouvoir « se prononcer contre l’injustice, participer au processus politique », des droits qu’elle considère vitaux pour la démocratie.
Lorenzo Fontana (ENF) pointe l’hypocrisie du Parlement et des institutions européennes qui souhaitent protéger les droits fondamentaux des minorités alors qu’elles ne sont, selon lui, pas capables de les garantir aux « citoyens qui veulent vivre en toute tranquillité sur leur territoire ». L’on en revient à la nécessité pour l’Union de régler la problématique des droits fondamentaux d’abord en son sein, avant même de songer à agir sur le plan extérieur.
« L’Union européenne s’est penchée sur les droits fondamentaux sans les respecter ».
Or, la question des responsabilités intervient nécessairement. Rappelant le cas du Président Obama, à qui le prix Nobel a été accordé, Lorenzo Fontana explique pourtant qu’ « il est quand même un peu responsable de ce qu’il s’est passé en Syrie ».
Et c’est la même chose pour la situation avec l’Arabie Saoudite ; le fait que ce pays soit loin d’être le meilleur en termes de garantie des droits fondamentaux n’empêche pas l’Union de faire affaire avec lui. N’est-ce pas là le symbole même de l’hypocrisie de l’Union européenne ?
Pour Helga Stevens (CRE), le rapport Ferrara évoque beaucoup de choses, mais le manque de temps empêche d’entrer dans les détails. Selon l’eurodéputée belge, les personnes porteuses de handicap devraient bénéficier d’une égalité de traitement, en ce sens qu’elles devraient pouvoir accéder de manière égale aux différends fonds, aux différents projets de l’UE. Se voulant plus concrète que nombre de ses collègues, Mme Stevens évoque notamment des « mesures [permettant] de couvrir les coûts, la participation de personnes muettes à des ateliers, mais également un soutien personnel pour des aveugles ou des personnes à mobilité réduite ». Helga Stevens est elle-même sourde et muette.
Le non-respect par la Norvège du droit de l’enfant à avoir deux parents biologiques est ensuite évoqué par Tomáš Zdechovský (PPE) ; de même que la question des droits des hommes, notamment s’agissant du harcèlement, et des droits des victimes de crimes et de délits. Josu Juaristi Abaunz (GUE/NGL), met l’accent sur le fait que « les droits civils et politiques, individuels et collectifs, ne sont pas respectés dans toute l’Union européenne ». Pour Ruža Tomašić (CRE), la responsabilité de ces violations revient à « certaines autorités en Europe [qui] font en sorte que les droits humains de certaines personnes soient systématiquement violés ». Ainsi, Milan Zver (PPE) et Patricija Šulin (PPE) pointe du doigt la Slovénie qui « malheureusement est devenue le champion européen dans la violation des droits de l’homme ». Milan Zver appuie d’ailleurs son propos par des chiffres explicites selon lesquels il y aurait 148 violations de droits de l’homme par million de personnes en Slovénie, alors qu’en Allemagne, ce chiffre n’atteint « que » 2 violations par million. Patricija Šulin poursuit en affirmant que « les droits fondamentaux sont également violés par certaines Cours des Etats membres. La Cour de justice européenne a montré que la Slovénie [était] n°1 s’agissant des violations par habitant ».
Ouvrant davantage le débat, Udo Voigt (Non-inscrits) s’étonne que ce rapport ne traite pas de « la discrimination par suite de poursuites politiques dans les pays de l’Union européenne, notamment en Autriche, en Grèce et en République fédérale d’Allemagne ». Arguant des interdictions de rassemblement, des interdictions de siéger dans les hôtels, ou encore du fait que chaque année, « 12 000 procédures [soient] entamées contre des patriotes », l’eurodéputé allemand accuse Frans Timmermans de ne pas être impartial. Un eurodéputé pour qui « les droits fondamentaux sont indivisibles et [dont] tout le monde doit [pouvoir] bénéficier ».
Abordant une approche « différente » de celle de ses collègues, Maite Pagazaurtundùa Ruiz (ADLE), relève le poids du rapport de Laura Ferrara, au sens propre du terme ; un rapport de 30 grammes. « 30 grammes [qui] nous définissent, nous obligent à agir face à ceux qui sont victimes des agressions, de la haine, de persécutions, des victimes d’abus de tous types et aussi (…) des réfugiés qui fuient la guerre ». Pour l’eurodéputée espagnole, « ces 30 grammes, c’est beaucoup ou c’est peu, parce qu’ils constituent toutes les valeurs de l’Union européenne ».
Laura Agea (EFD) arrive alors avec un discours volontariste, déclarant « les droits fondamentaux, il faut les exiger. Nous sommes en mesure de pouvoir le faire. Nous sommes responsables. Nous devons exiger le respect des droits pour ceux qui n’ont pas voix au chapitre pour les demander car c’est ce qui nous incombe à nous, 751 députés de ce Parlement, c’est à nous de le faire ». Incitant ses collègues à « faire preuve de courage », elle considère qu’il y a là une opportunité, celle de « donner une occasion de vie à ceux qui n’ont pas l’occasion de le faire ».
« Les droits fondamentaux devraient nous unir et pas nous diviser » poursuit Carlos Coelho (PPE), « chacun d’entre nous devrait travailler tous les jours pour défendre ces droits, pour promouvoir le respect de ces droits sur tout le continent européen ». Reprochant au Parlement européen d’ « utiliser les droits fondamentaux comme une arme politique », l’eurodéputé portugais invite à « considérer les droits fondamentaux comme un élément de l’intégration de l’Union européenne, un élément unificateur ».
« La démocratie qui ne repose pas sur les droits de l’homme n’est pas une démocratie » enchaîne Soraya Post (S&D).
Therese Comodini Cachia (PPE) accuse le « manque de fibre morale et de prise de responsabilité politique évident ». Pour l’eurodéputée maltaise, « les citoyens européens attendent des institutions de l’UE qu’elles les protègent mais en lieu et place de cela, les EM de l’Union, les chefs de file, les chefs d’Etats et de gouvernements suivent une ligne qui va à l’encontre des principes de la redevabilité, de la transparence, de la justice et de la solidarité ».
Face au rapport réalisé par Laura Ferrara, le Groupe du parti populaire européen a, au cours du débat, souhaité faire entendre que ledit rapport n’était pas aussi complet que leur propre proposition de « résolution alternative », qu’il estime plus complète et plus avenante. Pour Louis Michel, c’est « une véritable gifle » à ce qui est défendu au sein du Parlement, puisque ladite résolution n’aborde ni la question des sans-abris, ni celle d’une « condamnation des programmes de détention et de torture de la CIA sur le territoire européen ». Pour Kateřina Konečná (GUE/NGL), en revanche, il comblerait les lacunes du rapport Ferrara, qui n’évoque pas selon elle « la montée de l’esclavage moderne dans l’Union européenne ». L’eurodéputée Tchèque a ainsi déploré le fait que 3 000 vietnamiens soient encore à l’heure actuelle au Royaume-Uni « forcés de travailler pour des fabricants de drogues ».
Le débat touchant à sa fin, Fabio Massimo Castaldo (EFD), a invité le Parlement à envoyer un message clair :
« Toute forme d’intolérance, involontaire ou volontaire, tout aveuglement, toute indifférence est intolérable ».
« Les véritables valeurs européennes sont celles que l’on ne peut déposer sur un compte courant parce qu’elles n’ont pas de prix ».
Représentant la Commission européenne, Frans Timmermans a entendu réagir sur deux points en particulier.
- S’agissant de la primauté du droit,
Elle constitue selon lui « la base sur laquelle repose les droits fondamentaux ». Citant Socrate qui disait « si vous acceptez la primauté du droit, vous ne pouvez pas sélectionner les lois qui s’appliquent à vous et celles qui ne s’appliquent pas », Frans Timmermans poursuit en affirmant que « le droit, la primauté du droit s’applique à tous les citoyens en Europe, quelque soit leur nationalité ou leur statut » dès lors qu’ils vivent dans un pays de l’Union.
Reprenant la « brillante idée » de Winston Churchill, M. Timmermans invite à instituer une « organisation des droits fondamentaux de la primauté du droit qui aille au-delà des Etats membres, qui pourrait être organisée au niveau européen, et ensuite imposer ses décisions aux Etats membres s’ils ne respectent pas les principes inscrits dans l’Etat de droit ».
« Les Etats membres ont accepté d’être ligotés au mât de leur navire pour éviter de commettre des erreurs et si nous devions commettre des erreurs, nos pairs nous retiendront et nous remettront sur le droit chemin ». Et le Vice-président de la Commission d’adresser au Parlement un fameux : « Peut-être devriez-vous lire un peu plus au lieu de crier et vous comprendrez que c’était là une très sage décision ».
« Toute nation qui a confiance en elle acceptera que ses pairs vérifient son respect des droits de l’homme et de la primauté du droit. Si nous avons confiance en nous-mêmes, nous n’avons rien à craindre ».
- S’agissant de la diversité,
Le Vice-président de la Commission se fait un devoir de rappeler que « par nature, l’Europe est une communauté diverse ; un continent diversifié ». Arguant du fait que « tout au long de notre histoire, nous avons été forts lorsque nous avons célébré notre diversité », Frans Timmermans poursuit : « Nous sommes forts lorsque nous accueillons des minorités, nous sommes forts lorsque nous ouvrons la porte à ceux qui cherchent protection parce qu’ils fuient la persécution et la guerre et nous sommes faibles lorsque nous essayons de nous agripper à notre propre culture, lorsque nous percevons celui qui vient d’ailleurs comme une menace à notre culture, lorsque nous pensons que 500 millions d’entre nous seront submergés par quelques milliers. C’est un signe de faiblesse et de manque de confiance en soi. C’est le signe que l’on n’a pas confiance en notre culture et histoire européenne ».
Et Laura Ferrara, Rapporteure en charge du dossier, de conclure : « Les positions sont très diverses mais je pense qu’une chose a émergé clairement pour tous les députés, au-delà des couleurs politiques, les droits fondamentaux revêtent une grande importance, c’est évident ».
Un débat animé donc, qui fit ressortit les couleurs politiques, les voix et opinions de chacun. Ce débat du 7 septembre précédait le vote qui a eu lieu le lendemain, au cours duquel le rapport Ferrara fut adopté, par 369 voix pour, 291 voix contre et 58 abstentions.
Il ressort de cet important débat que l’Union, ses Etats membres et ses institutions auront prochainement à cœur de se pencher sur « le dilemme de Copenhague » qui permet de vérifier qu’un Etat souhaitant adhérer à l’Union respecte effectivement les critères posés par l’article 2 du traité sur l’Union européenne (droits fondamentaux, Etat de droit etc.) mais qui reste silencieux quant à leur respect une fois cette adhésion réalisée. Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D) l’a d’ailleurs dit clairement. Des « exigences très élevées » sont posées s’agissant de l’adhésion d’un Etat à l’Union : « aucun Etat ne peut devenir membre si en termes de démocratie, d’Etat de droit et de préservation des droits fondamentaux, ça n’est pas reconnu, et tant que ces valeurs ne sont pas mises en œuvre ». Or, l’eurodéputée a tout de même jugé bon d’ajouter : l’Union « est une communauté de valeurs », ce qui implique de s’assurer de la « préservation de ces valeurs », y compris une fois cette adhésion réalisée. La surveillance de la bonne application des droits fondamentaux « a posteriori » permettrait, le rapport Ferrara l’a démontré, d’assurer une meilleure garantie de ces droits au sein de l’Union européenne.
Les eurodéputés ont de fait trouvé un accord sur l’instauration d’un nouveau mécanisme de surveillance et de contrôle qui dissuade les Etats membres de violer, de manière directe ou indirecte (notamment lorsqu’ils ferment les yeux sur les violations qui peuvent avoir lieu sur leur territoire) ces droits fondamentaux. La résolution parlementaire adoptée le 8 septembre dispose ainsi que tous les Etats membres devront « faire l’objet d’une évaluation continue afin de vérifier s’ils défendent toujours les valeurs fondamentales de l’Union européenne que sont le respect des droits fondamentaux, des institutions démocratiques et de l’état de droit ». En outre, la résolution établit clairement la nécessité « de mettre en œuvre un mécanisme correctif graduel afin de combler le vide entre le dialogue politique et l’option radicale de l’article 7 du traité UE et d’apporter une réponse au « dilemme de Copenhague » dans le cadre des traités en vigueur ».
Les droits des migrants et des réfugiés figure dans la ligne de mire du Parlement. Ils constituent l’une de ses priorités, sinon LA priorité, la plus urgente. Les nombreux autres droits fondamentaux ne sont cependant pas en reste. Les libertés d’expression, d’opinion, la lutte contre les discriminations, les droits des minorités et des personnes vulnérables, la démocratie, l’Etat de droit, entres autres, restent les fondements sans lesquels l’Union n’existerait pas et méritent, à ce titre, une protection réelle et efficace.
Pour en savoir plus :
– Débat du Parlement européen du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne
http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20150907&detailBy=date
– Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) (2014/2254(INI))(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR
– Eu-logos, 16 avril 2015, « la situation des droits de l’homme dans l’Union européenne (2013-2014) : le rapport Ferrara présenté à la commission des libertés publiques du Parlement européen (30-31 mars 2015).