Après l’accord de principe trouvé le 14 septembre, un accord sur le mécanisme « provisoire » de relocalisation de 120 000 personnes a été trouvé ce 22 septembre. Pour rappel, la Commission européenne avait proposé le 9 septembre dernier un mécanisme de relocalisation de 120 000 personnes ayant besoin d’une protection internationale depuis l’Italie et la Grèce. Cette nouvelle réunion extraordinaire du Conseil JAI avait été convoquée afin de rapidement trouver un accord pour faire face à cette situation.
Selon Ska Keller, chargée du rapport instituant des mesures provisoires dans le domaine de la protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, « la crise des réfugiés est une crise de solidarité, une rise néfaste pour la cohésion de tout le continent » ! Pour l’eurodéputée allemande (Verts-ALE), « les réticences de certains gouvernements menacent directement l’ensemble de l’UE » et « les gouvernements européens doivent à présent montrer leur attachement aux valeurs de liberté, de solidarité et de justice fondatrices de l’UE ».
Pour Eva Joly :une absence de volonté politique commune qui paralyse complètement l’UE alors qu’elle devrait affronter cette crise unie et solidaire »..
Mais que dit le Conseil ?
L’adoption « à une très large majorité »
Au cours d’une conférence de presse donnée à l’issue de la réunion du Conseil JAI, Jean Asselborn a souligné l’adoption à une majorité allant « au-delà de celle prévue dans les Traités », notant cependant qu’une adoption par consensus aurait été préférable mais qu’en dépit des efforts fait en ce sens, cela n’avait pas été possible.
La Hongrie, la Roumanie, la République Tchèque et la Slovaquie on voté conte, la Finlande s’est abstenue.
En vertu de la Convention de Genève, « chaque réfugié a le droit d’être accueilli dans l’UE »
Jean Asselborn a révélé un certain paradoxe lors de cette conférence de presse. Si les Etats membres ont volontairement accepté les contingents de personnes à relocaliser sur leur territoire, le ministre luxembourgeois a néanmoins tenu à leur rappeler les règles. Le mécanisme « provisoire » de relocalisation ayant été adopté à la majorité qualifiée lors de ce Conseil du 22 septembre, « il s’agit d’une décision légale de l’UE ». Conformément aux traités actuellement en vigueur, les Etats membres ont donc désormais l’obligation de s’y conformer, en acceptant « le nombre qui leur est attribué sur base de la proposition de la Commission ». Un Etat membre « n’a pas le droit de refuser une décision prise par une majorité qualifiée » a-t-il ajouté.
Une décision traduisant une « responsabilité partagée », nécessaire pour combattre les divisions
Pour Jean Asselborn, la décision du Conseil JAI de ce 22 septembre était indispensable pour d’une part pallier la situation d’urgence à laquelle l’Union doit aujourd’hui faire face, et d’autre part pour éviter davantage de divisions au sein de l’Union européenne.
Le ministre luxembourgeois a d’ailleurs précisé que si le Conseil n’avait pas adopté cette décision, « l’Europe aurait été autrement plus divisée et atteinte dans sa crédibilité » internationale faut-il ajouter !
Un accord pour tous les Etats membres oui, mais sans la Hongrie !
Selon le contingent de départ, 66 000 personnes devraient être relocalisées depuis la Grèce (50 400) et l’Italie (15 600), et les 54 000 personnes restantes feraient l’objet d’une relocalisation proportionnelle.
Cependant, lors de cette réunion extraordinaire du 22 septembre, la Hongrie a annoncé qu’elle refusait de participer au mécanisme. Jean Asselborn a toutefois précisé qu’elle devrait accepter des demandeurs d’asile.
Le ministre luxembourgeois a d’ailleurs ajouté que le contingent était « en principe alloué à la Grèce et à l’Italie », mais que d’autres Etats membres pourraient, s’ils étaient confrontés à une situation d’urgence, pourraient également en bénéficier.
Malgré le refus hongrois, Monsieur Asselborn a déclaré que le Conseil avait décidé de maintenir les chiffres initialement proposés par la Commission, en les adaptant. Il a ainsi évoqué que, eu égard au fait que la Hongrie avait « maintenant aussi son contingent de personnes à relocaliser sur son territoire », les contingents des autres Etats membres avaient du être « adaptés en conséquence ». Et la base volontaire de l’acceptation par les Etats membres a été une nouvelle fois réaffirmée.
Afin de clarifier la position hongroise, il paraît important de préciser que son refus ne la décharge pas de son obligation d’appliquer la décision adoptée par le Conseil le 22 septembre. Initialement, le mécanisme « provisoire » de relocalisation proposé par la Commission européenne le 9 septembre visait 120 000 personnes depuis la Grèce, l’Italie et la Hongrie. Or, la Hongrie ayant refusé de participer à ce mécanisme, elle devra « se débrouiller » avec les personnes arrivant sur son territoire. Elle ne sera pas pour autant dispensée d’accueillir les personnes faisant l’objet de la relocalisation depuis la Grèce et l’Italie, conformément à la décision du Conseil JAI du 22 septembre. Rappelons à cet effet et à nouveau que cette décision ayant été adoptée à la majorité qualifiée, elle est donc obligatoire pour tous les Etats membres, y compris pour ceux qui se seraient prononcés contre. C’est le cas de la Hongrie, de la Slovaquie, de la Roumanie et de la République Tchèque. A l’inverse, la Pologne qui était jusqu’ici réticente s’est ralliée aux positions française, allemande et luxembourgeoise.
Une relocalisation sur la base d’un volontariat contraignant
Le Conseil JAI a adopté le mécanisme « provisoire » de relocalisation de 120 000 personnes sur la base du volontariat. Les Etats membres ont donc eu l’opportunité de se prononcer et la majorité – qualifiée – l’a emportée. Cette décision doit maintenant s’appliquer au niveau de tous les Etats membres. Il convient ici de remarquer que la décision du Conseil peut être scindée en deux : d’une part la relocalisation de 66 000 réfugiés depuis la Grèce et l’Italie, d’autre part la répartition de 54 000 autres personnes.
S’agissant des premiers, les Etats membres se sont accordés. 66 000 réfugiés seront ainsi relocalisés, depuis l’Italie et la Grèce, dans les autres Etats membres de l’Union selon une clé de répartition contraignante.
Pour rappel, 15 600 demandeurs devraient être relocalisés depuis l’Italie : la clé de répartition prévoit par exemple, et parmi les chiffres les plus élevés, l’accueil de 4 027 personnes par l’Allemagne, 3 064 par la France, 1 896 par l’Espagne, 1 201 par la Pologne.
Les pays réticents eux aussi devront accueillir ! La clé prévoit en effet l’accueil de 585 réfugiés en Roumanie, 376 en République Tchèque, 306 en Hongrie et 190 en Slovaquie.
En outre, 50 400 personnes doivent faire l’objet d’une relocalisation depuis la Grèce. Selon la clé de répartition, la Hongrie devrait accueillir 988 réfugiés, la République Tchèque 1215, Roumanie 1890 et la Slovaquie 612. L’Allemagne et la France devraient quant à elles accueillir respectivement 13 009 et 9 898 réfugiés.
La Suède, terre prisée par les réfugiés, accueillera 567 personnes provenant d’Italie et 1 830 personnes provenant de Grèce.
En ce qui concerne les 54 000 réfugiés restants, les Etats membres devraient se revoir afin de décider de leur répartition.
Une décision qui s’adapte !
La suspension temporaire du mécanisme est envisagée par la décision du Conseil. Un Etat membre qui deviendrait incapable de participer « en tout ou en partie » à la relocalisation, pourrait le notifier à la Commission, en faisant état de « circonstances exceptionnelles ». Il devrait, selon le ministre Jean Asselborn, invoquer « des motifs dûment justifiés compatibles avec les valeurs fondamentales de l’Union ». La suspension éventuelle du mécanisme serait ensuite étudiée par la Commission, mais elle ne pourrait être en tout état de cause que temporaire (maximum 12 mois) et ne pourrait « aller au-delà de 30% du nombre de personnes que cet Etat membre est censé accueillir ».
Afin de faciliter la tâche aux Etats membres, le Conseil a décidé qu’une prolongation serait envisageable. La relocalisation se fait normalement sur une période de deux ans. Monsieur Asselborn a toutefois précisé que la Commission aurait la possibilité de proposer de prolonger cette durée « pour une période additionnelle d’un maximum de 12 mois ».
Une surveillance de la Commission européenne afin de tenir compte de l’évolution de la situation
Jean Asselborn a précisé lors de la conférence de presse donnée à l’issue de la réunion du Conseil JAI de ce 22 septembre que la Commission assurerait un « suivi permanent de la situation relative aux afflux massifs de ressortissants de pays tiers dans tous les Etats membres ». Le ministre luxembourgeois a ensuite ajouté qu’après un an de mise en application, la Commission pourrait présenter des propositions de modifications de la décision du Conseil relative au mécanisme provisoire de relocalisation « afin de tenir compte de l’évolution de la pression qui s’exerce sur les Etats membres, en particulier ceux qui sont situés en première ligne ».
« Reconstruire la confiance entre Etats membres »
Pour le Premier Vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, cette décision devrait permettre de prouver à la société civile européenne que « nous sommes capables de prendre des décisions ». Lors de la conférence de presse, Monsieur Timmermans a indiqué que c’était même la condition pour que les Etats bénéficiaires (Italie, Grèce) se remettent à appliquer le règlement de Dublin et à enregistrer les migrants.
« Un moment historique pour la politique de migration au niveau européen »
Le commissaire Dimitris Avramopoulos a tenu à saluer le fait que la décision ait été prise en seulement trois semaines à compter de la proposition de la Commission. Axant son intervention sur le fait que cette adoption permettait au total la relocalisation de 160 000 personnes (si l’on ajoute aux 120 000 personnes qui feront l’objet d’une relocalisation en vertu de la décision du Conseil de ce 22 septembre, les 40 000 personnes dont la proposition de relocalisation avait fait déjà l’objet d’une adoption formelle par le Conseil le 14 septembre dernier), le commissaire européen en charge de la Migration a incité, à l’instar de Monsieur Timmermans, l’Italie et la Grèce à « profiter de cette opportunité afin de renforcer et d’améliorer leur système national d’asile ».
En résumé et en manière de conclusions pour les deux commissaires européens, un travail « excellent » de la Présidence luxembourgeoise et en particulier du ministre Jean Asselborn qui sont parvenus à « concilier des positions très divergentes » selon Frans Timmermans.
Aurélie Delfosse
Pour en savoir plus :
- – Le Monde, « L’Union européenne s’accorde sur la répartition en deux temps de 120 000 réfugiés », 22 septembre 2015http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/09/22/l-union-europeenne-s-accorde-sur-la-repartition-en-deux-temps-de-120-000-refugies_4767331_3214.html
– Présidence du Conseil de l’Union européenne, « Conseil JAI extraordinaire – Les ministres adoptent à la majorité qualifiée le mécanisme provisoire pour une relocalisation d’urgence de 120 000 personnes ayant besoin d’une protection internationale », 22 septembre 2015 http://www.eu2015lu.eu/fr/actualites/articles-actualite/2015/09/22-conseil-jai-extra/index.html