La peine de mort dans la politique extérieure de l’Union européenne : la lutte contre le trafic de drogue ne doit pas alimenter les exécutions

journée Peine de mortÀ l’occasion de la 13e Journée mondiale et européenne contre la peine de mort le 10 octobre 2015, les députés européens ont questionné le Conseil sur la prise en compte de l’abolition de la peine de mort dans la politique extérieure de l’Union européenne. Les députés se sont particulièrement inquiétés de l’accroissement sensible du nombre de condamnations et d’exécutions pour des infractions liées à la drogue, motifs de condamnation à mort, motifs illégaux en vertu du droit international. Ils ont également souhaité attirer l’attention du Conseil sur le fait que la coopération de l’Union avec les pays tiers dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues ne doit pas aboutir à une condamnation à mort des individus interpellés. La question écrite des parlementaires a donné lieu à une réponse orale du Conseil le 6 octobre, avant le vote par le Parlement européen d’une résolution le 8 octobre sur la peine de mort, permettant au Parlement de faire connaître publiquement son opinion sur la question et d’enjoindre les autres institutions à agir dans le sens de son abolition.

 Le 10 octobre, à l’occasion de la Journée européenne et mondiale contre la peine de mort, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont réaffirmé, dans une déclaration conjointe, leur ferme opposition à la peine capitale, considérant que « cette peine constitue un traitement inhumain et dégradant, [qui] n’a pas démontré qu’elle avait un effet dissuasif significatif et [qu’elle] confère un caractère irréversible et fatal aux erreurs judiciaires ».

Mme Federica Mogherini, Haute représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et Mr Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, se sont félicités qu’aucune exécution n’ait eu lieu dans les États membres de l’Union européenne depuis dix-huit ans.

Au niveau de « l’Europe élargie » du Conseil de l’Europe, la situation est moins satisfaisante puisque la Biélorussie (ou Bélarus) continue d’utiliser la peine capitale. Le pays aurait ainsi procédé à la mise à mort d’au moins trois personnes en 2014, après deux années d’interruption. Ces exécutions ont été marquées par le secret : les familles et les avocats n’ont été informés de l’exécution qu’après qu’elle ait eu lieu !

La peine de mort dans le monde : une « polarisation » autour de deux positions radicales

Il est difficile d’établir des chiffres précis concernant la peine de mort, étant donné que certains États – notamment la Chine et l’Iran – refusent encore de transmettre les statistiques classées « secret d’État » malgré les injonctions répétées du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. Au sein de l’OSCE, les États membres sont aussi tenus de rendre leurs chiffres publics en vertu du document de Copenhague (29 juin 1990).

Les chiffres disponibles font état de 2 466 condamnations à la peine de mort dans 55 pays et 607 exécutions dans 22 pays. Cela représente une hausse du nombre de condamnations à mort prononcées de presque 23% par rapport aux chiffres de 2013, mais une baisse des exécutions de 22% dans le même temps.

Si on examine ces chiffres dans le détail, une sorte de « polarisation » se dessine. D’un côté, on observe une tendance générale à l’abolitionnisme. En 2014, d’après le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies, 106 pays avaient aboli la peine de mort en droit, et 33 autres étaient abolitionnistes en pratique (ce qui signifie qu’ils n’ont exécuté personne depuis au moins 10 ans ou qu’ils ont adopté un moratoire officiel).

Par ailleurs, 117 pays ont voté la dernière résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 18 décembre 2014 demandant un Moratoire sur l’application de la peine de mort. Un nombre de votes favorables deux fois supérieur par rapport aux quatre résolutions précédentes de ce type.

D’un autre côté, on observe une augmentation significative de l’utilisation de la peine de mort dans certains pays. Ainsi, 85% des exécutions en 2014 ont eu lieu dans seulement trois pays : la Chine l’Iran et l’Arabie saoudite. Le « déshonneur » revient à l’Iran, selon les propos de la Présidente de la sous-commission Droits de l’Homme (DROI) du Parlement européen, Elena Valenciano (Espagne, S&D), avec 289 exécutions annoncées.

La recrudescence du nombre de condamnations à mort à l’échelle mondiale est également à mettre sur le compte de procès collectifs, notamment organisés par des tribunaux militaires, au Nigeria (dans le cadre du conflit armé avec Boko Haram) et en Egypte (dans le cadre de la répression contre les Frères musulmans).

Les « menaces à la sûreté de l’État » ou l’instrumentalisation des condamnés à mort

D’une manière générale, les États qui ont eu recours à la peine de mort l’on utilisé pour faire face aux menaces, réelles ou supposés, que représentent le terrorisme, la criminalité et l’instabilité interne. Au point qu’Amnesty international s’inquiète de la tendance mondiale de ces dernières années à recourir plus fréquemment à la peine de mort pour lutter contre les menaces à la « sûreté de l’État ». La Chine, le Pakistan, l’Iran et l’Irak ont notamment exécuté des personnes accusées de « terrorisme ».

Selon la secrétaire générale d’Amnesty international, Salil Shetty, ces États se fondent sur l’hypothèse erronée de la dissuasion pour combattre l’instabilité interne. La peine de mort apparaît ici clairement comme une instrumentalisation du condamné à des fins politiques. Pour le député Kosts Chrysogonos (Grèce, GUE/NGL), « la peine de mort transforme le condamné en objet pour lui infliger une peine exemplaire ».

Le cas particulier des condamnations à mort pour des infractions liés au trafic de drogues et de stupéfiants

En 2015, 7 pays ont recommencé à procéder à des condamnations à mort et des exécutions alors qu’ils étaient engagés dans un moratoire officiel ou de fait : la Biélorussie, l’Egypte, la Guinée équatoriale, la Pakistan, Singapour, les Emirats Arabes Unis et la Jordanie. La peine de mort est également en passe d’être rétablie dans la législation pénale au Tchad, en Tunisie et au Sénégal. Parmi ceux-ci, environ la moitié l’ont fait pour des motifs liés au trafic de drogues et de stupéfiants.

Au total, toujours d’après les informations disponibles, 33 pays incluent dans leur législation la possibilité de recourir à la peine capitale pour des infractions liées à la drogue, donnant lieu à environ 1 000 exécutions par an.

En 2015, des mises à mort pour de tels crimes ont été recensées en Chine, Iran, Arabie saoudite, Malaisie, Pakistan, Singapour et Indonésie. Le gouvernement indonésien a même annoncé qu’il prévoyait d’exécuter à l’avenir principalement des personnes condamnées pour des infractions liées au trafic de drogue.

L’Iran aurait exécuté 394 personnes pour des délits liés à la drogue au cours du premier semestre de 2015 (75% des exécutions réalisées). La moitié des exécutions intervenues en Arabie saoudite l’ont été pour ce même motif (contre 4% du total des exécutions dans ce pays en 2010). Enfin, au moins 112 délinquants attendent leur exécution dans les couloirs de la mort au Pakistan pour des infractions de ce type.

Le Parlement européen résume cet état de fait dans sa résolution du 8 octobre 2015 : « les douze derniers mois ont vu l’application de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue repartir à la hausse partout dans le monde, certains États ayant procédé à un nombre bien plus élevé d’exécutions capitales pour ce motif, d’autres s’étant montrés favorables au rétablissement de la peine de mort pour ce type d’infractions ou ayant mis fin à un moratoire instauré de longue date ».

Ces condamnations à mort et ces exécutions interviennent en violation du droit international des droits de l’Homme. En effet, l’article 6, paragraphe 2, du Pacte relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) des Nations unies du 16 décembre 1966 dispose que la peine de mort ne peut être prononcée que pour les « crimes les plus graves ». Ces crimes sont généralement entendus comme ceux, intentionnels, qui auraient des conséquences fatales ou extrêmement graves. De plus, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies a expressément déclaré que l’application de la peine de mort dans le cas de délits liés à la drogue est contraire à la législation et aux normes internationales.

L’Union européenne responsable de condamnations à mort pour trafic de drogues et de stupéfiants ?

Durant la session plénière, les députés ont fait part de leurs inquiétudes quant aux interférences entre la lutte contre le trafic de drogue et la lutte pour l’abolition de la peine de mort. En effet, l’Union européenne finance certains programmes de lutte anti-drogue dans des États qui continuent d’appliquer la peine de mort pour des infractions liés à la drogue, ce qui pourrait encourager le prononcé de peines capitales dans ces pays.

À titre d’exemple, la « route des Balkans » est un des principaux couloirs de trafic de l’héroïne entre l’Afghanistan et les grands marchés de la Fédération de Russie et de l’Europe occidentale. Elle traverse notamment la République islamique d’Iran, souvent via le Pakistan, avant de rejoindre l’Europe du sud-est, puis le marché de l’Europe occidentale. Elle traverse donc des pays qui appliquent la peine capitale pour ce type de délit.

La Commission et les États membres ont alloués au moins 60 millions d’euros aux programmes de lutte contre la drogue de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Mis en place en 1997, il agit pour sensibiliser le public aux dangers de l’abus de drogues et renforcer l’action internationale contre la production et le trafic illicites de drogues, ainsi que la criminalité organisée qui y est liée.

Parmi les programmes régionaux de l’ONUDC, on trouve par exemple le programme Promouvoir l’Etat de droit et la santé publique au Pakistan (2010-2014) qui a, entre autres, pour but de former les forces de police pakistanaises à une meilleure appréhension du phénomène. Autre exemple : le programme Coopération technique sur les drogues et le crime en Iran (2011-2014) vise à réduire le trafic de stupéfiants au moyen de contrôles aux frontières plus efficaces, par un personnel mieux formé.

Par ailleurs, au titre de l’Instrument de l’Union européenne contribuant à la Stabilité et à la Paix (IcSP), la Commission a introduit deux mesures de lutte régionale contre la drogue : les programmes Route de la cocaïne et Route de l’héroïne, qui concernant des pays appliquant la peine de mort pour des infractions liées à la drogue.

Une meilleure formation des corps policiers et de l’armée permet de remonter et démanteler les filières et de multiplier les arrestations, au risque de multiplier dans le même temps le nombre de condamnations à la peine capitale. De plus, dans son Rapport du 16 juillet 2015 sur la question de la peine de mort, le Haut-Commissariat aux droit de l’Homme a fait remarquer que ce sont « les « fantassins » du trafic de drogue, issus de milieux pauvres et marginalisés, et non les barons de la drogue » qui sont le plus souvent exécutés à cette occasion.

C’est pourquoi, dans sa résolution du 8 octobre, le Parlement européen demande à la Commission et aux États membres de « faire de l’abolition de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue une condition préalable à toute aide financière, assistance technique, renforcement des capacités ou autre forme de soutien à la politique de répression en matière de drogue ».

La prochaine session extraordinaire de l’Assemblée générale en 2016, qui sera consacrée au problème de la drogue dans le monde, sera également l’occasion d’élaborer de nouvelles approches internationales pour lutter contre le trafic illicite de stupéfiants, et contre les violations du droit international que constituent les exécutions pour ce chef d’inculpation.

L’abolition de la peine de mort dans la politique extérieure de l’Union européenne : « patience est mère de toutes les vertus »

Comme on pouvait s’y attendre, la condamnation de la peine de mort par les députés européens lors de la session plénière du Parlement le 6 octobre, a été sans appel, à peu d’exceptions près.

Ainsi, Pier Antonio Panzeri (Italie, S&D), s’exprimant au nom de son groupe politique, a dénoncé une peine de mort qui « brutalise la société », en montrant que l’État peut infliger des peines qui ne font que justifier l’usage de la force dans la société. Devant la disparition de la proportionnalité entre l’acte et la peine, le délinquant n’a plus d’intérêt à mesurer ses agissements à l’objectif poursuivi. Cette disproportion s’explique par le fait que « la peine de mort est une question de vengeance », pas de justice (Barbara Lochbihler, Allemagne, Verts-ALE).

Pour Mark Demesmaeker (Belgique, ECR), « chaque exécution est une défaite pour toute l’Humanité, et le signe d’une impuissance à faire régner le droit de manière humaine et non barbare ». Et Therese Comodini Cachia (Malte, PPE) d’ajouter : « on ne peut pas tolérer une sanction qui soit en elle-même une violation des droits de l’Homme ». Des propos qui font échos à ceux de Beatriz Becerra Basterrechea (Espagne, ADLE), citant pour l’occasion Victor Hugo : « la peine de mort est le signe singulier de la barbarie ».

Si la peine de mort est barbare, elle est aussi faillible, comme l’a rappelé Cecilia Wikström (Suède, ADLE) : « rien n’est aussi permanent et définitif que la mort. Or, nous commettons tous des erreurs. La peine de mort, ce n’est pas civilisé, ce n’est pas légitime, ce n’est pas humain ».

Le document du Copenhague, signé à l’occasion de la Conférence sur la dimension humaine de l’OSCE le 29 juin 1990, énonce clairement que la pleine réalisation de l’État de droit signifie une « justice fondée sur la reconnaissance et la pleine acceptation de la valeur suprême de la personne humaine ». Un concept de dignité humaine d’héritage profondément judéo-chrétien, comme l’a fait remarquer le député Lars Adaktusson (Suède, PPE). Quoi qu’il en soit, « le respect de la dignité et le respect de la vie sont des valeurs universelles que nous avons le devoir de défendre avec tous les moyens pacifiques et légitimes à notre disposition » (Caterina Chinnici, Italie, S&D).

L’Union européenne s’est engagée de longue date dans le combat abolitionniste. Jusque dans les années 1980, la peine capitale est restée une réalité dans nombre des États qui, aujourd’hui, appartiennent à l’Union européenne et luttent pour son abolition. Par l’exemple qu’elle propose, Nicolas Schmidt, représentant du Conseil sur ces questions lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, estime que « l’Union européenne peut être un phare pour les abolitionnistes ». Et d’ajouter que l’Union « n’est pas seule dans cette lutte » comme l’a prouvé la signature du Moratoire sur l’application de la peine de mort par 117 États le 18 décembre 2014.

L’abolition de la peine de mort s’inscrit parmi les grandes priorités de la politique des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dès 1998, le Conseil a adopté les Orientations de l’Union européenne concernant la peine de mort. Ces orientations ont été mises à jour le 12 avril 2013. Elles ont été complétées dès 1998 par les Orientations pour la politique de l’Union européenne à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la peine de mort (29 juin 1998). Ces orientations énoncent notamment que « l’abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine et au développement progressif des droits fondamentaux ».

L’abolition de la peine capitale fait donc partie intégrante de la politique extérieure de l’Union européenne en matière de protection des droits fondamentaux. Elle est même un préalable à la mise en place de tout dialogue approfondi entre l’Union et les États tiers sur ces questions. Cela se retrouve également dans le Plan d’action sur les droits de l’Homme et la démocratie, adopté en juillet 2015, qui a pour grande priorité l’abolition de la peine de mort. Nicolas Schmidt le résume simplement : la peine de mort doit être « la pierre angulaire de notre politique extérieure ».

En pratique, le représentant du Conseil a toutefois reconnu que « condamner n’est pas suffisant ». En plus de ses positions résolues dans les différentes instances internationales, l’Union européenne doit élaborer des stratégies individuelles en matière d’abolition de la peine de mort. Cette élaboration passe par l’utilisation des liens régionaux. Ainsi, l’Union européenne collabore pour l’abolition de la peine de mort avec les pays d’Afrique à travers l’Union Africaine (UA).

On parle d’ « interrégionalisme » pour désigner les politiques de coopérations au niveau international établies entre deux ensembles régionaux, une échelle considérée comme plus pertinente du fait de la dimension transnationale des défis relevés (trafic illicite de drogues, crime organisé, …).

Les Orientations pour la politique de l’Union européenne à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la peine de mort précisent que l’Union doit veiller tout particulièrement à entreprendre des démarches et intensifier sa diplomatie « à un moment où la politique du pays concerné dans ce domaine est en passe de connaître une évolution, par exemple, lorsqu’un moratoire officiel ou de facto sur la peine de mort va être levé ou lorsque la peine de mort va être rétablie par la législation ». L’Union doit donc concentrer ses efforts sur les moments charnières dans la lutte contre la peine de mort dans les États tiers.

L’Union européenne tente de convaincre les États tiers d’instaurer un moratoire officiel (moratoire de jure). En droit international, un moratoire est un accord qui permet de suspendre provisoirement des activités ou une loi. À défaut, l’Union essaie au moins d’obtenir la suspension de toute condamnation à mort ou exécution dans les faits (moratoire de facto).

Ce moratoire est considéré comme une première étape vers l’abolition définitive de la peine de mort. Il peut être progressivement atteint par une limitation graduelle du nombre de crimes passibles de la peine de mort.

L’Union européenne encourage également les pays à adhérer au Deuxième protocole facultatif du PIDCP qui prévoit que les États signataires s’engagent à abolir pour toujours la peine de mort, ou à tout autre instrument régional équivalent (par exemple, le Traité africain sur l’abolition de la peine de mort en cours de discussion).

De plus, l’Union européenne coopère étroitement et soutient financièrement les organisations de la société civile afin qu’elles constituent une pression supplémentaire sur les gouvernements, et qu’elles participent à une prise de conscience dans les opinions publiques des pays concernés.

Lorsque les États partenaires refusent de renoncer à la peine de mort, l’Union s’assure au moins qu’elle soit exécutée en conformité avec des « normes minimales » élaborées au sein du droit international. Ces normes strictes sont définies, en plus du PIDCP, dans les Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, approuvées par le Conseil économique et social dans sa résolution 1984/50 du 25 mai 1984.

Ainsi, outre le fait que la peine capitale ne peut être imposée que pour les crimes intentionnels les plus graves, elle peut l’être uniquement si la peine capitale était prévue dans la législation nationale lorsque le crime a été commis, étant entendu qu’elle ne peut plus être prononcée si une loi adoptée ultérieurement à l’acte prévoit une peine inférieure.

La peine capitale ne peut pas être prononcée à l’encontre d’individus âgés de moins de 18 ans au moment des faits, et la sentence ne peut pas être exécutée contre une femme enceinte, la « mère d’un jeune enfant » ou une personne frappée « d’aliénation mentale ».

Ces normes minimales comprennent également quelques garanties procédurales, énoncées à l’article 14 du PIDCP : la nécessité de preuves claires et convaincantes, ne laissant la place à aucune autre interprétation possible  des faits; un procès équitable où l’accusé bénéficie d’une assistance juridique ; la garantie qu’un recours individuel est toujours possible devant une juridiction suprême ou, le cas échéant, devant une juridiction internationale ; le droit de demander une commutation de peine (transformation de la peine capitale en peine de prison) ou de demander grâce.

Enfin, la peine doit être exécutée « de manière à causer le minimum de souffrances possibles ». Elle ne peut pas non plus être exécutée en public. La peine de mort ne doit pas non plus être infligée « à titre de vengeance politique ».

Quoi qu’il en soit, les coopérations bilatérales ou multilatérales entre l’Union européenne et les États tiers ont également pour objet de définir une procédure judiciaire équitable et impartiale pour les affaires pénales, afin de renforcer au maximum les garanties pour les personnes qui risquent la peine de mort. Ces procédures doivent ensuite participer à entraver le prononcé de la peine capitale, afin que celle-ci disparaisse progressivement des arrêts rendus par les tribunaux, et partant, des mœurs.

Violation des « normes minimales » applicables à la peine de mort : il n’existe pas de mise à mort « humaine »

Malheureusement, les normes minimales du droit international sont encore bien peu respectées dans les pays qui maintiennent la peine de mort. Beaucoup de prononcés de la peine capitale découlent de procès non-équitables, où l’accusé n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat ou d’un droit d’appel. De méthodes cruelles d’exécution (décapitation, crucifixion, lapidation) sont utilisées, parfois en public, comme en Iran où « on pend les gens sur des grues » (Takis Hadjigeorgiou, Chypre, GUE/NGL).

Le fait est qu’aucun État qui applique la peine de mort n’est capable de le faire de manière « humaine », « civilisée » ou « indolore ». Pas même les États-Unis. 90% des condamnés à mort dans le pays depuis 1977, appartenant principalement à des minorités ethniques, n’ont pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat durant leur procès. Autrement dit, ils n’ont pas pu bénéficier des garanties procédurales les plus élémentaires. De même, on aurait tort d’oublier le scandale international déclenché par les derniers propos du condamnée à mort Charles Warner : « mon corps est en feu ».

Des propos qui n’ont pas empêché la Cour suprême des États-Unis, dans un arrêt du 29 juin 2015, de juger la mise à mort par injection létale conforme au 8e amendement de la Constitution américaine, lequel prohibe les souffrances « cruelles et inhabituelles ». Le motif de la décision est le suivant : le fait qu’une méthode d’exécution provoque « de la douleur, par accident ou comme conséquence inévitable du processus menant à la mort » ne suffit pas à la rendre inacceptable. Elle a d’ailleurs, à cette occasion, reporté la responsabilité sur les détenus « d’identifier une méthode d’exécution différente et disponible qui procure un moindre degré de souffrance ». C’est l’État qui condamne à mort, mais c’est aux détenus de s’arranger pour ne pas souffrir.

L’abolition de la peine de mort dans la politique extérieure de l’Union européenne : sauver des vies au cas par cas

Si un cas individuel d’application de la peine de mort ne respecte pas ces normes minimales, il est possible de rapporter cette situation auprès des missions de l‘Union européenne à l’étranger (ambassades des États membres et délégations de la Commission européenne). Les missions européennes, et plus largement les responsables politiques et diplomatiques européens vont alors intervenir pour tenter d’éviter l’exécution.

C’est ainsi que les députés européens ont appelé, jeudi 8 octobre, à la suspension de l’exécution d’Ali Mohammed al-Nimr, jeune chiite de 21 ans condamné par l’Arabie saoudite à la décapitation puis à la crucifixion « jusqu’à pourrissement », pour avoir manifesté contre le gouvernement alors qu’il était mineur. Le Service Européen d’Action Extérieur (SEAE) de Mme Federica Mogherini, va devoir tout mettre en œuvre pour empêcher dans l’immédiat cette exécution, et obtenir par la suite qu’il soit gracié ou que sa peine soit commuée en peine de prison.

Conclusion

Pour beaucoup de députés européens, tous ces efforts restent encore insuffisants. Entre autres choses, il a été reproché à Mme Mogherini son silence sur les droits fondamentaux lors des négociations de l’accord de non-prolifération nucléaire avec l’Iran le 9 septembre 2015. Un mécontentement exprimé par Pablo Iglesias (Espagne, GUE/NGL) qui considère qu’ « un géant économique comme l’Union européenne pourrait se permettre d’avoir plus d’exigences envers ses partenaires commerciaux sur le respect des droits fondamentaux ».

Comme l’a fait remarquer le député Edouard Martin (France, S&D), il ne faudrait pas pour autant se leurrer : « chez nous, en Europe, la vigilance doit être de rigueur face à des populistes qui verraient la peine de mort comme une solution à tous les maux de la société ». Le rétablissement de la peine de mort, plusieurs fois annoncée par Victor Orbán en Hongrie, serait une « brèche dramatique » dans la lutte mondiale pour l’abolition de la peine de mort, a conclu Marie-Christine Vergiat (France, GUE/NGL).

Lauriane Lizé-Galabbé

Pour en savoir plus

 

     -. Pour consulter la déclaration conjointe de Mme Federica Mogherini, Haute représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et Mr Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, sur la Journée européenne et mondiale contre la peine de mort

https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168047ac49 (FR)

http://eeas.europa.eu/delegations/mozambique/press_corner/all_news/news/2015/20151009_01_en.htm (EN)

     -. Pour consulter la résolution sur la peine de mort adoptée par le Parlement européen le 8 octobre 2015

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P8-TA-2015-0348+0+DOC+PDF+V0//FR (FR)

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P8-TA-2015-0348+0+DOC+PDF+V0//EN (EN)

     -. Pour en savoir plus sur la peine de mort en chiffres, consulter le site d’Amnesty international (FR, EN, ES)

https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/death-penalty/

      -. Pour consulter les Orientations de l’Union européenne concernant la peine de mort du 12 avril 2013

http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/droi/dv/601_dpguidelines_/601_dpguidelines_en.pdf (EN)

     -. Pour consulter les Orientations pour la politique de l’Union européenne à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la peine de mort

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/web09199.fr98.pdf (FR)

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/Guidelines%20DeathPenalty.pdf (EN)

      -. Pour consulter la résolution 1984/50 du 25 mai 1984 du Conseil économique et social du Haut-commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies intitulé « Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort »

http://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/DeathPenalty.aspx (EN)

http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/DeathPenalty.aspx (FR)

      -. Articles de Eulogos-Nea say sur la peine de mort http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3650&nea=160&lang=fra&arch=0&term=0

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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