Dans le cadre des Nations Unies 193 pays viennent d’adopter les Objectifs de développement durable. Un plan trop ambitieux pour changer le monde (17 objectifs et 169 cibles) s’interrogent les observateurs ? La lutte contre l’extrême pauvreté n’est pas un vague horizon comme le précédent dit « Objectif mondial millénaire» (OMD), mais celui d’une implacable urgence. Le nombre infini des objectifs à atteindre suppose une infinité de moyens qui n’existent pas. La question des moyens financiers pour réaliser ces ODD est devenue elle-même un objectif, le dix-septième : celui du « Partenariat pour réaliser ces objectifs ».
Perdu dans la confusion de la géopolitique du monde, submergé par le flux d’informations du monde, que faut-il retenir de tout cela ? Quelque chose qui change le monde et qui serait aussi le reflet du monde qui change. Peut-être peut –on retenir l’appel de la Banque mondiale et du FMI, un appel aux pays développés du 7 octobre ? Leur constat peut se résumer en peu de mots : de moins en moins de très pauvres, de plus en plus de migrants. Les très pauvres dans le classement de la Banque mondiale sont des gens qui vivaient avec moins de un dollar par jour en 1990, ce seuil a été porté à 1,25 dollars en 2005, puis à 1,90 cette année. En 1990 l’extrême pauvreté touchait 1,9 milliard de personne dans le monde, ou 37% de la population mondiale. En 2012 elles étaient 902 millions ou 12,8%. Pour la première fois ce chiffre passera en 2015 en dessous de la barre de 10% avec 702 millions, soit 9,6%. Une brève explication : en Inde les très pauvres sont un peu moins pauvre, et l’Amérique latine compte désormais compte désormais plus de classes moyennes que de pauvres. En revanche, la population extrêmement pauvre est concentrée dans l’Afrique subsaharienne. Ban Ki-moon dans son rapport de 2011 sur les Objectifs du millénaire, avait remarqué : « tous les objectifs n’ont pas été atteints…les inégalités persistent et les progrès ont été inégaux(… En 2011 dans le monde près de 60% du milliard de personnes extrêmement pauvres vivait dans cinq pays seulement ». De son côté la Banque mondiale faisait remarquer : les tendances démographiques contraires au nord et au sud vont continuer à nourrit les flux migratoires à grande échelle des pays pauvres vers les pays riches et cela pendant plusieurs décennies. Au déclin démographique et au vieillissement des populations du nord s’opposent au sud un taux de natalité élevé et des populations jeunes. En d’autres termes, la main d’œuvre se trouvera de plus en plus au sud et suggère le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, avec de bonnes politiques, cette ère de changement démographique peut servir de moteur à la croissance économique. Outre le fait pour Angela Merkel d’avoir sauvé l’honneur de l’Europe au regard de l’histoire par ses déclarations et son action, elle a validé la pertinence d’un schéma qui dépasse de beaucoup le seul cas allemand. Notons au passage que l’espace méditerranéen devient l’espace migratoire naturel du XXIème siècle tant pour sa rive nord que pour sa rive sud.
Jamais l’humanité (193 pays) ne s’est donné un programme aussi ambitieux, aussi complet, le rassemblement de deux agendas gigantesques : la lutte contre la misère et le combat en faveur de la préservation de l’environnement, un exercice cher, plusieurs milliards par an alors que l’aide publique au développement s’est élevée en 2014 à 135 milliards. Peu de buts mesurables mais un vaste catalogue de voeux. Aucune priorité définie et personne n’est responsable. Absence totale de leadership. Des objectifs globaux quand la communauté internationale connait des problèmes si différents, et des fractures aussi multiples entre tous ces pays. Dès lors comment les mobiliser et les intéresser tous ensemble? Le dispositif ne prévoit ni contrainte, ni sanctions pour ceux qui ignoreront ces objectifs. Quelle contrainte quand un petit pays, la Syrie par exemple, peut massacrer sa population, semer le chaos dans toute une région en toute impunité et cela durablement. Un plan trop ambitieux ? Mais nous sommes condamnés à une telle ambition sous peine de programmer dés aujourd’hui la catastrophe !
Une ambition colossale avec six éléments essentiels pour ces ODD universels : la dignité, l’humain, la planète, la justice, la prospérité et les partenariats a résumé le Secrétaire général des Nations Unies « Mettre fin aux fléaux immémoriaux de l’extrême pauvreté et de la faim plutôt que de continuer à laisser se détériorer notre planète et à laisser d’intolérables inégalités créer du ressentiment et semer le désespoir ».
L’approche combine cinq idées :
- Ne laisser personne en arrière et pour cela terminer le travail engagé depuis 2000 avec les OMD.
- Définir des planchers individuels constitués d’un ensemble de droits et de services auxquels doivent avoir accès à terme tous les individus sans exclusive (éducation, santé, sécurité alimentaire, étendus à d’autres sujets comme l’énergie et la protection sociale.
- Sauvegarder l’environnement et combattre les causes du dérèglement climatique.
- Etablir des plafonds collectifs prenant en considération dans chaque domaine des limites imposées par la nature et la capacité des technologies disponibles pour les faire reculer et créer des emplois.
- Renforcer les capacités de mise en œuvre et s’appuyer sur des institutions efficaces, redevables et ouvertes, la bonne gouvernance.
C’est à ce stade qu’intervient la question redoutable : qu’en est-il des indicateurs de suivi et d’évaluation des résultats ? Une révolution en matière de données doit être au cœur de la mise en œuvre du programme. Les cibles doivent être quantifiables, mesurables et comparables ce qui suppose une révolution des statistiques, des statistiques partagées et uniformisées. Tous les Etats doivent améliorer leurs instruments, adopter standards communs et normes communes. Dans le passé récent nous avons constaté combien les données relatives aux OMD sont restées partielles et difficiles à agréger.
La principale objection aux ODD est peut être ailleurs : la grande transformation espérée ne s’appuie pas sur une solide analyse des raisons profondes de l’état du monde, à l’origine de ces inégalités que les ODD prétendent éliminer. Seuls les symptômes du mal semblent avoir été pris en considération. Derrière les discours, souvent ambivalents (unanimité oblige) il n’y a pas véritablement d’interrogation sur les mécanismes qui nous ont conduits à subir et à admettre tant d’inégalités et à subir autant de risques pour l’avenir de l’humanité.
Un premier constat : si l’on regarde les 169 cibles on retrouve chacun des chapitres et articles de la Charte européenne des droits fondamentaux. A titre illustratif citons : accès à la santé maternelle, droits génésiques, accès à la contraception, une bonne gouvernance et droit à une bonne administration, accès à la justice, lutte contre la corruption, accès à l’éducation et à la formation, droit à un travail décent prohibant toute forme d’esclavage, droit à un logement, accès à l’eau et à l’énergie, égalité des genres etc . Autant de thèmes qui relèvent des articles de la Charte européenne des droits fondamentaux, la Commission européenne qui fait régulièrement des rapports sur l’application de la Charte européenne des droits fondamentaux devrait étendre cet exercice aux thèmes qui relèvent des ODD pour mieux convaincre les autres du bien fondé de sa démarche . Quant au Parlement européen qui lors de sa plénière à inscrit à son ordre du jour « les perspectives et révisions de sa stratégie 2020 », de sa part il serait bien avisé d’en vérifier la cohérence et la compatibilité avec les objectifs du développement durable.
Henri-Pierre Legros
Pour en savoir plus :
-. Transforming our world : sustainable development goals SDGs .Agenda 2030 https://sustainabledevelopment.un.org/topics
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