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Le plan d’action de la Commission contre le financement du terrorisme : la réponse européenne face à la pression française

La lutte contre le terrorisme est devenue l’une des priorités de l’Union européenne depuis ces derniers mois. Dans le cadre du programme européen en matière de sécurité, la Commission européenne a, le 2 février 2016, adopté un plan d’action pour renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, vivement recommandé par la France, qui, à la suite des attentats du 13 novembre dernier, avait mis l’accent sur la nécessité de lutter efficacement contre le financement du terrorisme, notamment en mettant en œuvre toutes les mesures établies dans un plan d’action national depuis mars 2015. L’actuel Président de la Commission, Jean-Claude Juncker a attiré l’attention sur le fait que la coopération était une réelle nécessité pour une lutte efficace contre le terrorisme en énonçant que « les dernières attaques terroristes contre les Européens et leurs valeurs étaient coordonnées à travers nos frontières, démontrant que nous ne pouvons résister à ces menaces qu’en travaillant ensemble ». La menace terroriste a une dimension internationale inédite qui ne s’arrête pas aux frontières européennes, elle se situe partout, et concerne à la fois la dimension interne et la dimension extérieure de l’Union. Il était alors urgent d’établir un véritable programme européen pour lutter contre cette menace et anéantir le financement des organisations terroristes.

Depuis sa nomination, la Commission Juncker a mis l’accent sur le volet sécuritaire de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, comme a pu le montrer le programme européen en matière de sécurité adopté le 28 avril 2015. Était déjà mis en avant la nécessité d’une action européenne globale dont l’un des pans concernait la désorganisation de la criminalité organisée. Cet objectif fait alors suite au paquet législatif contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, dont la quatrième directive a été adoptée le 20 mai dernier. Ce fut une étape importante montrant les efforts déployés au niveau européen, mais cependant, les derniers événements ont permis de prendre conscience qu’il était urgent d’accélérer les mesures et les moyens mis en œuvre au niveau européen.

Par ce plan d’action, la Commission fait également suite à la résolution 2253 (2015) des Nations Unies adoptée en Conseil de Sécurité le 17 novembre dernier dont les travaux ont montré que l’attention était particulièrement centrée sur la nécessité de la prévention et de la répression du financement du terrorisme, des organisations terroristes et des terroristes, et ce, même en l’absence d’un acte terroriste précis. La lutte doit se faire en amont, il ne faut pas attendre qu’une tragédie ait lieu pour mettre en place des moyens d’action. Et il est important d’avoir une certaine cohérence internationale dans ce combat global contre le terrorisme.

C’est pourquoi il était important d’entreprendre des mesures au niveau européen, et le nouveau plan d’action de la Commission pour renforcer la lutte contre le financement du terrorisme va alors s’organiser autour de deux objectifs principaux :

  • Identifier et prévenir les mouvements permettant le financement du terrorisme.
  • Interrompre les sources de revenue des organisations terroristes.

Le but de ce plan d’action est véritablement d’établir des moyens permettant de réagir plus rapidement via des mesures concrètes, s’adaptant alors aux nouveaux défis de la menace terroriste actuelle. Les actions se feront progressivement, certaines mesures doivent être prises immédiatement par la Commission, d’autres arriveront dans les mois suivant, jusqu’en 2017. Tout le programme est détaillé au sein d’une fiche d’information disponible ici.

A l’occasion de la présentation de ce plan d’action, le premier vice-président de la Commission, M. Frans Timmermans, a alors déclaré : « Nous devons priver les terroristes des ressources qu’ils utilisent pour commettre leurs crimes odieux. En repérant et en tarissant les sources de financement des réseaux terroristes, nous pouvons réduire leur capacité à voyager, à acheter des armes et des explosifs, à planifier des attentats et à propager la haine et la peur sur la toile. Au cours des prochains mois, la Commission actualisera et développera la réglementation et les outils dont dispose l’UE, au moyen de mesures bien conçues destinées à faire face aux menaces émergentes et à aider les autorités nationales à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme et à mieux coopérer, dans le plein respect des droits fondamentaux. Il est essentiel que nous collaborions sur la question du financement du terrorisme pour obtenir des résultats et protéger la sécurité des citoyens européens ».

Le maître mot, comme pour l’amélioration de l’échange d’informations, est la nécessaire collaboration entre les États membres pour rendre effective la lutte contre le terrorisme. Le niveau européen est le niveau adéquat pour mettre en œuvre une action cohérente de lutte contre le financement du terrorisme. Il va alors être essentiellement question d’apporter des modifications à la quatrième directive 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dite « anti-blanchiment ». Encore faut-il que tous les États membres transposent cette directive dans leurs ordres juridiques nationaux. Les mesures mises en œuvre auront notamment pour but d’améliorer les garanties sur les flux financiers des pays tiers considérés comme à risque, d’améliorer la coopération entre les différentes cellules de renseignement financier européennes (existantes dans tous les États membres), de faciliter l’accès aux comptes bancaires des cellules de renseignement, de mettre fin à l’anonymat lié aux paiements via des monnaies virtuelles en incluant les plateformes exerçant ce type d’échanges dans le champ d’application de la directive, ainsi que d’effectuer plus de contrôles sur les instruments prépayés.

En plus de l’amélioration de la directive anti-blanchiment, la Commission a mis également l’accent sur d’autres objectifs tout aussi importants, comme la nécessité d’une meilleure transposition au sein des États membres des mesures destinées au gel des avoirs (adoptées au préalable par les Nations Unies), ainsi que le fait d’ériger le blanchiment des capitaux comme une véritable infraction, ou encore la possible mise en œuvre d’un nouveau système européen pour un meilleur traçage du financement du terrorisme.

A tous ces objectifs européens s’ajoutent également des mesures d’ordre extérieur car, pour lutter efficacement contre le financement du terrorisme, il est nécessaire d’assister également les pays tiers constituant des zones extrêmement sensibles où le commerce illicite est facilité pour les terroristes. Dans son plan d’action, la Commission prévoit une collaboration accrue avec les pays tiers en vue de s’attaquer véritablement à toutes les sources du financement du terrorisme.

La question est de savoir si ce vaste plan va réellement être en mesure de doter l’UE de tous les moyens d’action possibles en vue d’anéantir les ressources du terrorisme. Il semble que la préoccupation première va être de s’attaquer aux cartes prépayées et aux monnaies virtuelles, outils principalement utilisés lors des dernières attaques de Paris. C’est sans doute un bon début, ce sont des mesures nécessaires, mais réaliser un tel objectif risque de prendre énormément de temps et une mobilisation mondiale va être nécessaire.

De nouvelles législations européennes devraient voir le jour dans le courant de l’année 2016 comme une harmonisation des sanctions relatives au blanchiment d’argent, ou encore contre les mouvements illégaux d’argent liquide ainsi que la mise en œuvre du principe de la reconnaissance mutuelle concernant le gel des capitaux d’origine criminelle ou encore les mandats de confiscation. Il est certain que la coopération est nécessaire pour tracer au mieux les flux de capitaux permettant de fournir des ressources aux groupes terroristes, que ceux-ci soient illicites ou licites d’ailleurs. En 2017 devrait suivre une proposition législative de la Commission en vue de renforcer « les pouvoirs des douanes et leur coopération afin de s’attaquer au financement du terrorisme provenant d’échanges de biens et de biens culturels ».

Dès son lancement, le plan d’action de la Commission a été salué par le ministre des finances français, Michel Sapin, qui a déclaré : « Je suis satisfait que la Commission européenne adopte cet après-midi un plan d’action complet, qui s’inspire largement de nos propositions et répond à chacune de nos demandes. Je souhaite maintenant que nous allions vite dans la mise en œuvre. Au niveau national, le gouvernement a agi depuis un an. Demain, en Conseil des ministres, nous adopterons un projet de loi qui permettra à la France d’être précurseur sur plusieurs des mesures du plan d’action de la Commission européenne pour lutter contre le financement du terrorisme. »

En effet, dès le 3 février dernier, en Conseil des ministres français, le ministre de la justice, le ministre des finances et le ministre de l’intérieur ont présenté un projet de loi visant à renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Le projet de loi gouvernemental prévoit également la transposition du paquet législatif européen « anti-blanchiment » précédemment cité au sein de l’ordre juridique français, ce qui est primordial pour aller dans le sens du plan d’action de la Commission. Si la France entend « se placer en première ligne en matière de lutte contre le financement du terrorisme », il faudra voir ce que mettent en place les gouvernements des 27 autres États membres en vue d’avoir une véritable politique européenne cohérente.

Le prochain Conseil Ecofin (affaires économiques et financières), composé des ministres des finances des 28 États membres, discutera de ce plan d’action européen le vendredi 12 février prochain. Il y a peu de doute quant à l’issue de cette discussion qui devrait être favorable. Sur le papier, ce plan d’action semble pertinent face à la dimension internationale de l’État islamique. Encore faut-il désormais que des mesures cohérentes soient mises en œuvre pour suivre ses lignes directrices. Affaire à suivre…

Marie Brun

Pour en savoir plus :

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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