Selon une enquête menée par l’Agence Européenne des droits fondamentaux (FRA) en 2014, environ une femme sur 20 (5%) a été violée depuis l’âge de 15 ans. La même enquête estime que 3,7 millions de femmes dans l’UE ont subi une forme de violence sexuelle pendant les 12 derniers mois avant l’enquête, ce qui correspond à 2% des femmes interrogées (âgées de 18 à 74 ans).
Au niveau européen, les instruments législatifs mis en place contre ce phénomène sont la Directive de l’UE sur les victimes (2012/29/UE) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).
L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne signale également que la majorité des femmes victimes ne dénoncent pas les violences subies ni à la police ni aux autres agences d’aide aux victimes, ce qui signifie qu’un grand nombre d’accidents ne sont pas représentés dans les statistiques officielles, ni au niveau étatique ni au niveau européen. Les états et l’Union Européenne sont donc toujours confrontés au manque de donnés précises concernant le phénomène.
Selon l’Agence « Compte tenu de l’ampleur de la violence à l’égard des femmes relevée par l’enquête, le paysage découlant du programme de Stockholm dans le domaine de la justice et des affaires intérieures devrait garantir que la violence à l’encontre des femmes soit reconnue et traitée comme une violation des droits fondamentaux ».
La reconnaissance du viol, et en général de la violence envers les femmes, comme véritable crime contre l’humanité n’a jamais été une question tenue pour acquise. Il suffit de constater que, par exemple, la Convention de 1951 sur le statut de refugié n’énonce pas le sexe comme catégorie susceptible de discrimination à son article 14, qui contient, justement, le principe de non-discrimination.
Pendant longtemps, les violences perpétrées au détriment des femmes n’étaient pas reconnues en tant que violation des droits humains à cause du fait que la disparité entre les hommes et les femmes était conçue comme élément biologique-naturel. Ces types des comportements et d’actes étaient donc considérés comme des éléments de normalité.
Le changement de perspective n’a commencé qu’à partir des années ’70-’80, grâce surtout à la critique féministe, qui a relativisé la conception de la femme en refusant les éléments biologiques utilisés pour justifier sa subordination à l’homme. Selon la critique féministe, la condition des femmes n’est pas une condition « naturelle » mais est liée aux relations sociales et de pouvoir qui traversent nos sociétés. Le concept de « femme », et même son rôle dans la société, ne sont pas donc des concepts biologiques mais sont est socialement construits.
C’est à partir de ce changement conceptuel que dans ces dernières années la Communauté Internationale et les Nations Unies commencent à s’intéresser au lien entre crimes de guerre et crimes contre l’humanité et violence à l’égard des femmes.
Les Nations Unies ont proclamé la première décennie et la première Conférence mondiale consacré aux femmes, suivis par plusieurs rencontres sur le même sujet.
Dans ce contexte, les formes spécifiques de violences sexuelles, notamment le viol a commencé à être reconnus comme crimes contre l’humanité, et donc aussi en tant que violations des droits humains.
Ce processus a été rendu possible surtout grâce aux interventions du droit international humanitaire et du droit international pénal. La première de ces branches du droit a toujours accordé, au moins sur le papier, une protection spécifique aux femmes en tant que catégorie désavantagée et vulnérable dans les situations de conflits armés. Pour ce qui concerne le droit international pénal, les viols de masse perpétrés en Ex-Yougoslavie et en Ruanda ont été reconnus comme crimes contre l’humanité. De même, les tribunaux pour l’Ex-Yougoslavie et le Ruanda prévoient la possibilité de poursuivre et punir les coupables de crimes contre les femmes pendant les conflits armés, comme le viol et la prostitution forcée.
Un rapport rédigé par Human Right Watch en 2002 démontre que la violence sexuelle et le viol sont très fréquemment utilisés comme véritables arme de guerre, notamment dans le contexte du conflit armé dans la République Démocratique du Congo.
Le corps des femmes a donc représenté, et représente toujours un champ de bataille symbolique pour toute sorte d’enjeux politiques, en temps de paix comme en temps de guerre.
Ça demeure vrai aussi face aux évènements de Cologne, où, encore une fois, les violences subies par les femmes n’ont représenté qu’ une occasion de plus pour renforcer le débat autour des immigrés et des refugiés, avec les parties d’extrême droite qui ont pu, de cette façon, gagner visibilité et consensus.
C’est ainsi que la femme continue à être conçue comme « territoire » à protéger et à sauver des agresseurs externes : le corps instrumentalisé des femmes devient ainsi le symbole de la patrie à défendre, de l’Europe violée par ses agresseurs. Si le débat, à cette occasion, s’est arrêté à ce niveau de pauvreté, il aurait fallu constater que la majorité des viols, en Europe, se déroulent au niveau domestique, et donc le schéma discriminatoire qui marque les femmes représente une normalité en Europe aussi.
Francesca Rondine
Pour en savoir plus :
- Human right watch Congo
- Agence Européenne des Droits Fondamentaux
http://fra.europa.eu/en/publication/2014/violence-against-women-eu-wide-survey-main-results-report
- EIGE statistiques violences à l’égard des femmes en Europe
- Articles de Eulogos sur les femmes dans les conflits
http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3720&nea=170&lang=fra&arch=0&term=0