L’Union européenne a été créée à partir d’un ensemble de valeurs. Ce n’était pas en premier lieu un projet économique, c’était une réponse à la cruauté, à la barbarie de la dernière guerre mondiale. La chute du mur de Berlin s’est faite aussi à partir d’un ensemble de valeurs. Tout cela garde son sens et son actualité, ce ne sont pas des vieilleries d’un autre temps. La barbarie est toujours là. Les bombes et les réfugiés sont toujours là.
Les valeurs européennes, terme dont on use et abuse, qu’est-ce que c’est ? Un tout petit nombre de choses bien simples : démocratie, Etat de droit, égalité entre homme et femmes, non-discrimination, séparation des Eglises et de l’Etat, l’économie sociale de marché. C’est tout, mais cela permet à de nombreuses convictions, de nombreuses cultures d’avoir leur place, toute leur place et toutes les autres différences sont supportables dans un monde si diversifié.
Nos politiques, nos chefs d’Etat et de gouvernement se sont-ils rendu compte de cette simplicité ? A peine, car ils pratiquent la « communication »de l’ immédiat et à un rythme effréné quasi quotidien dont ,rapidement, il ne reste rien.
Il faut maintenant choisir son camp : on ne peut-être à la fois Merkel et Orban, Guy Verhofstadt et Farage, Marine LePen et Jean-Claude Juncker. Il faut choisir. Le moment est venu : quelle Europe voulons-nous ? Celle qui pense et agit en collectif ou celle qui pense d’abord à ses intérêts particuliers, le plus souvent petits, illusoires et du court terme au risque de tout faire éclater. Gérer la diversité avec humanité ou exacerber, opposer les différences, celle de l’ouverture optimiste aux autres ou celle apeurée qui se recroqueville sur elle-même, par peur de perdre son identité ? N’est-il pas plus sage de s’interroger sur la nature de cette identité plutôt que sur les risques de la perdre ? Mais quelle identité ? Il y a deux visions de la morale et de la civilisation. Le choix ne relève pas de la démarcation confortable, peu engageante entre la gauche et la droite.
Certes Angela Merkel a commis des erreurs techniques ou de méthode, mais l’histoire retiendra qu’au risque de perdre le pouvoir et la popularité, elle a maintenu le cap au nom de ces valeurs auxquels elle croit, elle qui a vécu longtemps derrière des fils de fer barbelés : primauté à l’accueil de ceux qui cherchent un refuge et tous ensemble, au nom d’une gestion partagée et non égoïstes des enjeux du monde : « mon foutu pays et mon obligation sont que cette Europe trouve son chemin ensemble », refus de sacrifier un seul de ses membres. « La responsabilité de l’Allemagne est que ce problème soit réglé avec tous les pays et non pas aux dépens d’un pays » On sent la chancelière habitée par la responsabilité historique de défendre ses valeurs, alchimie mystérieuse d’une éducation, d’une histoire et d’une conviction réfléchie.
« Wir schaffen das, yes we can,nous le pouvons »
Récemment il a été rappelé que dans sa biographie publiée en 1935(date hautement significative) qu’il a consacré à Erasme, Stefan Zweig écrivait : « au lieu d’écouter les vaines prétentions des roitelets, des sectateurs et des égoïsmes nationaux, la mission de l’Européen est au contraire de toujours insister sur ce qui lie et ce qui unit les peuples, d’affirmer la prépondérance de l’européen sur le national, de l’humanité sur la patrie ».
Erasme, Merkel, même combat !