Cette plainte pointe du doigt les défaillances et dysfonctionnements qui ont provoqué l’infiltration des terroristes sur le territoire français et la « commission des attentats ». Le recours dénonce « une atteinte aux obligations de sécurité », invoque l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à la vie.
Le document d’une quinzaine de pages énumère les nombreuses défaillances, l’inaction des autorités belges d’autant moins compréhensible que neuf des treize interpellations réalisées lors du démantèlement de la cellule de Verviers qui projetait un attentat en Belgique dix mois plutôt en janvier 2015 avaient déjà eu lieu à Molenbeek. Plusieurs d’entre eux un instant inquiétés ont été laissés en liberté, multipliant les allers retours en Syrie sans être repérés, ni inquiétés. Des zones d’ombre subsistent, mais apparaissent comme criantes les lacunes dans le traitement des informations alors que la police fédérale avait bel et bien été mise au courant. Le danger concernant notamment les frères Abdeslam a été minimisé. Des problèmes de carences budgétaires, de manque de personnel qualifié, de vétusté informatique de manque de coordination ont été soulignés.
Le conseil des familles a fait valoir que les autorités belges auraient pu empêcher les attentats parisiens, qu’elles n’ont pas pris les mesures nécessaires pour protéger la vie d’autrui. Elles ont failli à leur obligation de sécurité. Depuis des années elles étaient informées de la radicalisation de ces filières, elles ne pouvaient ignorer leur préparation à l’acte et leur endoctrinement. Il n’y a pas eu d’action concertée entre les services, ni de suivi dans les échanges d’information ; les listes de noms n’ont pas été exploitées. Les hommes politiques sont restés inactifs pour s’assurer un réservoir électoral de voix. L’ancien bourgmestre est resté vingt ans à la tête de la ville : « il a selon moi une responsabilité morale et politique » nous dit l’avocat des plaignants Me Samia Maktouf. Les principaux organisateurs de l’attentat ont pu narguer les autorités belges sans être inquiétés. »La Belgique a porté atteinte à un droit fondamental, qui est le droit à la vie, prévu par l’article 2 de la Convention européenne(…) cette tuerie n’était pas une fatalité et on l’a vue venir sans rien faire » !
Ces propos sont accablants et l’intérêt exceptionnel de cette affaire va bien au-là du feuilleton politico policier qu’elle engendre. Cet intérêt est double : c’est le droit à la vie qui est en jeu, d’autre part la plainte sera déclarée recevable ou non, mais la portée sera considérable dans les deux cas par les attendus que la Cour sera amenée à faire valoir. En entrant dans ce fait divers tragique, la Cour Européenne des Droits de l’Homme reçoit une consécration d’une grande ampleur que d’autres (comme le Royaume-Uni par exemple) voudraient lui contester.