Ou plus exactement est-on sûr que c’est la bonne question tant il est évident que la réponse du plus grand nombre est non. Mais dans le même temps on constate que deux très grands discours (exceptionnels même) celui d’Obama et celui du Pape François, sont centrés sur l’Europe. L’Europe reste la seule source d’inspiration, la seule référence, le seul cadre à l’intérieur duquel on peut agir efficacement. Alain Juppé ne s’y trompe pas dans une tribune publiée dans le monde.fr : s’il titre « l’Europe ne fait plus rêver », il constate que « l’enseignement commun à la série de tempêtes qui se sont succédées depuis dix ans, est qu’il n’est pas de réponse efficace en dehors du cadre commun européen ».
C’est cela qui importe et c’est sur cela que les journaux doivent titrer plus que l’expression d’un état d’âme qui ne fait rien avancer. Faisons donc l’économie de telles formules, d’autant plus qu’à la longue on finit par ne plus faire une distinction claire entre le discours des eurosceptiques, des europhobes et populistes d’une part et celui des partisans, critiques, de l’Europe, d’autre part. Résultat tout le monde critique et ce n’est guère mobilisateur. Certes entre les deux types de discours, les motivations, les objectifs poursuivis sont différents, mais tout le monde n’est pas en mesure de saisir la différence et chacun ne retient que le plus simple : des propos négatifs, démobilisateurs. Il faut donc s’interdire tout propos de ce type. Ce que les dirigeants européens n’ont pu ou pas voulu affirmer , l’Histoire en marche l’impose et l’inscrit dans les faits .
Le dernier discours du pape François ne fait-il pas rêver ? Et cette Europe qu’il propose ne fait-elle pas rêver ? Oui, bien sûr !
Ce qu’il faut retenir c’est l’ardente obligation de proposer des choses concrètes à faire, libérer les énergies .L’identification des problèmes a été largement été faite et à plusieurs reprises (cf. infra la Tribune de Alain Juppé dans le journal le Monde, l’appel du 9 Mai publié dans plusieurs grands journaux européens avec ses six initiatives stratégiques) les objectifs et biens communs sont clairement nommés. Il n’en est pas un, aussi petit soit-il, qui ne soit européen : par exemple un segment de frontières est un enjeu pour tous. La démonstration a été faite même à nos dépens. Il faut s’atteler à la tâche immédiatement, avec détermination sans faux-fuyant ou esprit de retour en arrière. Passons à l’action, il est temps.
Deux exemples !
Alain Juppé a appelé le dimanche 8 mai l’Europe au sursaut face aux défis de l’immigration, de la mondialisation ou de l’économie. Le candidat en France à la primaire de la droite et du centre pour l’élection du président de la République, s’exprime dans une tribune publiée sur lemonde.fr. « En cet anniversaire du discours fondateur de Robert Schuman , constatons-le : l’Europe ne fait plus rêver », déplore le maire de Bordeaux, pour qui le continent traverse « trois crises qui frappent simultanément son économie, ses institutions et ses nations ». « Et pourtant, l’enseignement commun à la série de tempêtes qui se sont succédé depuis dix ans est qu’il n’est pas de réponse efficace en dehors du cadre commun européen », souligne l’ancien Premier ministre. Dans le domaine économique, Alain Juppé veut s’appuyer sur le « noyau dur de l’euro ». Sa consolidation exige une harmonisation fiscale progressive et la mise en cohérence de nos systèmes de protection sociale ». Alain Juppé estime que le sursaut qu’il appelle de ses vœux doit être initié par l’axe franco-allemand. « Ce nouveau départ n’est possible qu’à partir d’un élan commun de la France et de l’Allemagne » explique t-il. « Hélas, aujourd’hui, la France manque à son rôle européen historique. Elle commente, elle critique, et finalement, elle suit et elle subit », ajoute t-il. »L’Europe a besoin d’une France qui n’attriste plus par ses échecs mais qui inspire par ses succès. Une France qui retrouve sa relation privilégiée avec l’Allemagne, et sa capacité de convaincre et d’entraîner. Et, quand il le faut, une France qui sache dire ‘non’ (…) à Washington, à Pékin, à Ankara ou à Moscou », préconise Alain Juppé.
Deuxième exemple : « l’appel du 9 mai»: feuille de route pour une Nouvelle Europe » signée par d’éminents Européens*, elle invite à un sursaut de l’UE à travers six initiatives concrètes/
« Quelle que soit l’issue du référendum britannique, les Européens ont besoin, dès maintenant, d’un nouveau souffle. L’enjeu est de taille: éviter une marginalisation de l’Europe non seulement économique et politique, mais aussi morale et culturelle. Notre défi commun est de renouer sans tarder avec des citoyens désorientés, pour recréer une Europe influente, porteuse d’un projet d’avenir et d’espérance pour tous; sinon nous dépérirons.
Sans ce nouvel élan politique tourné vers nos concitoyens, les démons populistes qui ont déjà conduit à notre quasi-anéantissement vaincront.(…) Condition d’une nouvelle dynamique, nous devons valoriser nos réussites: l’Union européenne est l’entité politique, économique et sociale la plus solidaire, la moins injuste, la plus démocratique, la plus pacifique, tout en étant la plus diverse que l’humanité ait connue, «?l’une des plus grandes réalisations politiques et économiques des temps modernes?», selon le président Obama. Faire respecter ses valeurs et en refaire une source de progrès pour tous exige une stratégie d’envergure.
Dès maintenant, il nous faut une feuille de route précise. Que les institutions européennes et l’ensemble des États membres se mettent à la tâche ou, à défaut, un groupe de pays guidé par la France et l’Allemagne.
Pour rétablir la confiance et relancer la dynamique européenne, nous préconisons six initiatives stratégiques:
- Renforcer la démocratie européenne est primordial. Comment se penser européen sans une culture citoyenne partagée? Les États doivent mettre en place une éducation civique européenne commune et prendre l’engagement que le futur président de la Commission européenne sera choisi en fonction du résultat des urnes. De plus, grâce à une clarification des règles, les référendums sur l’appartenance à l’UE ne doivent plus donner lieu à des marchandages. L’Europe à la carte n’est pas une option.
- Une initiative stratégique de sécurité et de défense des citoyens de l’Union européenne est indispensable. Les États doivent tenir leurs engagements en matière de sécurité intérieure – renforcer les échanges en matière policière (Europol), judiciaire (Eurojust) et de renseignement – et mettre en œuvre sur le plan extérieur une politique moderne des frontières, basée sur un corps européen de gardes-frontières et des infrastructures de contrôle et d’accueil en accord avec nos valeurs. En parallèle, l’Union doit se doter d’une politique de stabilisation des régions avoisinantes, tant sur les plans économique et culturel que diplomatique et militaire.
- La troisième initiative concerne les réfugiés. L’accord avec la Turquie n’est pas la solution à long terme. Le pays est débordé, les trafics prospèrent sur d’autres routes. L’Europe doit choisir une autre voie: accueillir, intégrer, former et préparer les conditions d’un retour des réfugiés chez eux. Il ne s’agit pas d’accueillir tous les réfugiés, mais ceux prêts à s’intégrer et à accepter nos valeurs. Une telle politique ne sera admise par les citoyens européens que si l’Europe améliore leur quotidien.
- C’est tout l’enjeu d’une seconde phase du plan Juncker, pour relancer la croissance: investir dans les industries clés d’avenir ayant un effet puissant sur la création d’emplois de proximité, moderniser durablement notre économie et asseoir notre avantage compétitif. Cela doit s’inscrire dans une «politique industrielle commune» offensive permettant de reconquérir notre autonomie. À titre d’exemple, un plan de développement et de restauration de l’habitat, associé à l’utilisation des matériaux nouveaux et des technologies numériques, transformerait la vie de nos concitoyens et nous donnerait un leadership mondial dans ce secteur. Nous préconisons cinq autres plans ciblés sur les transports, les énergies renouvelables et les compétences numériques du futur, la santé et les industries culturelles et créatives.
- Quant à la zone euro, il faut renforcer son potentiel de croissance, sa capacité à faire face à des chocs asymétriques et favoriser la convergence économique et sociale. Cela passe par de nouvelles prérogatives pour le Mécanisme européen de stabilité. Envisageons concrètement une capacité budgétaire pour la zone euro et achevons rapidement l’Union bancaire, tout en corrigeant ses défauts.
- La sixième initiative est un «Erasmus des collégiens». L’enjeu est simple: démocratiser Erasmus et élargir l’horizon culturel de tous les jeunes citoyens européens, pour promouvoir l’égalité des chances et un sentiment d’appartenance commune.
Tout cela n’est possible que si les dizaines de millions d’Européens convaincus que notre avenir s’écrit ensemble se mobilisent dès maintenant. Seuls nous ne pouvons rien . Ce 9 mai 2016 de nombreux appels, tribunes , discours ,et souvent les mots renouveau, sursaut, refondation, nouvel élan ont été prononcés, alors, allons y ! Remarquons au passage la convergence profonde de deux textes d’origine si différente : nécessité d’un sursaut et d’une refondation, attente d’une initiative franco-allemande.
*Cosignataires: László Andor, économiste hongrois, ancien commissaire européen; Lionel Baier, réalisateur suisse; Michel Barnier, ancien ministre des Affaires étrangères français, ancien vice-président de la Commission européenne (Parti populaire européen); Mercedes Bresso, élue italienne au Parlement européen (PE), ancienne présidente du Comité des Régions; Daniel Cohn-Bendit, ancien président du groupe Les Verts au PE; Georgios Dassis, syndicaliste grec, président du comité économique et social européen; Philippe de Buck, Belge, ancien directeur général de Business Europe, membre du Comité économique et social européen; Felipe Gonzalez, ancien président du Conseil espagnol, ancien président du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe; Danuta Hubner, ancienne commissaire européenne polonaise, présidente de la Commission des affaires constitutionnelles, Parti Populaire Européen (PE); Sofi Oksanen, écrivaine finlandaise; Maria João Rodrigues, Portugaise, vice-présidente du groupe Socialistes et démocrates au PE; Robert Menasse, écrivain autrichien; Roberto Saviano, écrivain italien; Gesine Schwan, présidente allemande de la plateforme de gouvernance Humboldt-Viadrina; Kirsten Van den Hull, écrivaine et éditorialiste néerlandaise; Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge, président du groupe ADLE au PE.