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Vers plus de transparence fiscale au sein de l’Union européenne à l’initiative de la Commission européenne

La lutte contre le terrorisme est un sujet à travers lequel l’Union Européenne (UE) a déjà pu réagir sur le plan législatif à plusieurs reprises par l’élaboration de propositions, communications, directives, plan d’action…etc. Les évènements qu’a connus l’UE ces derniers temps en matière de terrorisme, l’incite à réagir davantage, à mobiliser ses moyens et à faire preuve de solidarité. C’est ce que souligne Jean-Claude Juncker, suite au tragique évènement dont à été victime la ville de Nice (France) ce 14 juillet 2016, affirmant que « la France peut compter sur la Commission européenne pour continuer à l’épauler ainsi que les autres Etats de l’Union européenne à lutter contre le terrorisme à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne ».

Aujourd’hui, il existe une réelle volonté de l’UE d’avoir une meilleure transparence en matière fiscale afin d’une part de mieux lutter contre le terrorisme mais également d’autre part contre le blanchiment et l’évasion fiscale. Quelles sont donc les mesures prises par l’UE et qu’en est-il en pratique ?

Il y a plus d’un an, le 20 mai 2015, la quatrième directive anti blanchiment fut adoptée. Par la suite, le 2 février 2016, la Commission européenne a élaboré une communication relative à un plan d’action afin de renforcer la lutte contre le financement du terrorisme. Le mardi 5 juillet 2016, fut adoptée par la Commission, afin de modifier cette 4ème directive, une proposition de directive visant à lutter contre le financement du terrorisme, l’évasion fiscale, le blanchiment de capitaux et favoriser une plus grande transparence en matière fiscale. Mais, en quoi cette proposition se différencie-t-elle des dernières mesures anti-terrorisme adoptées par l’UE ?

La proposition adoptée par la Commission européenne le 5 juillet 2016 a pour but d’élargir l’action de l’UE en prônant une plus grande transparence fiscale et d’agir en matière de lutte contre les pratiques fiscales abusives.

Cette proposition présente trois principales mesures relatives au renforcement des règles de transparence d’une part et de lutte contre l’évasion fiscale de blanchiment de capitaux d’autre part.

S’agissant de ces premières, la Commission souhaite :

Renforcer les pouvoirs des cellules de renseignement financier de l’UE et faciliter la coopération entre elles : il est proposé l’élargissement des cellules de renseignement financier ayant accès aux informations des registres centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement ainsi que dans les systèmes centraux de recherche de données mis en place par les Etats Membres ;

Agir sur les risques de financement du terrorisme liés aux monnaies virtuelles : la Commission propose d’inclure les plateformes de change de monnaies virtuelles et les fournisseurs de services de portefeuille de stockage dans le champ d’application de la directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. Par conséquent, la clientèle ferait l’objet de contrôles plus régulier ;

Contrer les risques liés aux instruments prépayés anonymes : il est proposé de réduire le recours aux paiements anonymes par les cartes prépayées, en abaissant les seuils en-dessous desquels une identification n’est pas requise de 250 € à 150 € et accroitre les exigences quant à la vérification de l’identité des clients ;

Appliquer les contrôles plus stricts au pays tiers à risque : la Commission souhaite harmoniser la liste des contrôles applicables aux pays dans lesquels la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont lacunaires. Il y aura donc un renforcement des contrôles sur les flux financiers provenant de ces pays.

En matière d’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux, la Commission présente trois mesures :

Accorder au public un accès illimité aux registres des bénéficiaires effectifs : autrement dit, les Etats Membres publieront des informations relatives aux activités commerciales des bénéficiaires effectifs des sociétés « trusts » ;

Mettre en relation les registres, c’est-à-dire établir une interconnexion directe de ces informations et donc faciliter la coopération entre les Etats Membres ;

Etendre le champ des informations accessibles aux autorités : les comptes existants et nouveaux mais aussi les sociétés devront faire l’objet de contrôles stricts relatif à la vigilance. Cette mesure empêchera que les comptes potentiellement utilisables pour des activités illicites échappent à la détection.

Un cadre restant quelque peu lacunaire en matière fiscale malgré une avancée législative

            Il est clair que la Commission a actualisé la législation européenne en matière de lutte contre le financement du terrorisme suite aux attentats mais également suite à l’affaire des « Panama papers ». Toutefois, ce qui peut être critiquable concernant cette proposition du 5 juillet 2016, est qu’elle ne mentionne aucune sanction. En effet, l’absence de celle-ci ne permet pas d’avoir un effet dissuasif souligne Philippe Lamberts, Président du groupe Verts/ALE.

Autre point critiquable soulevé par Eva Joly, membre Verts ALE de la Commission justice et affaires intérieures et Vice-Présidente de la Commission TAXE, c’est « l’absence de registres publics sur les propriétaires effectifs des sociétés écrans et des trusts » Ainsi, avec ces registres il y aurait, selon elle, un meilleur contrôle et repérage des individus ayant recours à ce types de sociétés.

Enfin, la proposition prône une plus grande transparence en donnant accès au public à certaines données en matière fiscale. Cependant, certains regrettent que cette transparence ne s’applique pas à l’ensemble des trusts puisqu’effectivement certaines catégories de trusts, notamment non commerciaux, échapperont à cette transparence. Et pourtant dans l’affaire des Panama Papers, certains trusts de cette nature ont été utilisés dans le but de cacher des fonds relève Lucie Watrinet, chargée du financement du développement au CCFD-Terre Solidaire.

Encore une fois, il est nécessaire que soit mise en œuvre une meilleure coopération entre les Etats Membres. C’est d’ailleurs ce que relève Věra Jourova, commissaire européenne à la Justice, aux consommateurs et à l’égalité des genres et membres du parti politique ANO, affirmant qu' »une meilleure coopération pour lutter contre ces problèmes fera toute la différence. »

L’UE paralysée par l’explosion de données recueillies

Depuis les menaces terroristes, les moyens européens pour lutter contre ce phénomène se sont accrus dans plusieurs secteurs et principalement s’agissant de l’échange des données entre Etats Membres. La proposition de la directive du 5 juillet 2016 élabore le renforcement de « l’arsenal de l’UE en matière de lutte contre le financement du terrorisme ». Il s’agirait de renforcer cet « arsenal » à plusieurs niveaux tel que la monnaie virtuel, l’accès aux renseignements relatifs au compte bancaires et de paiement…etc. Toutes ces données seraient donc stockées dans des registres nationaux centralisés. L’avantage que présente cette centralisation des données repose sur une détection plus rapide en matière de transactions suspectes.

Cependant, est mis en avant un bouleversement dans la lutte anti-terrorisme par l’explosion des données recueillies. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, il existe une multiplication des échanges de données entre les Etats Membres en vertu des mesures européennes adoptées pour lutter contre le terrorisme. Toutefois, ces données que les enquêteurs doivent analyser, trier, recouper entre elles représentent une explosion de ces dernières, provoquent le « problème du chiffrement, à la multiplication des moyens de communication, aux masses de données » explique l’AFP dans un article du 12 juillet 2016 paru sur le site Euractiv. Effectivement, les enquêteurs court de plus en plus le risque de se noyer dans cet océan de données recueillies. L’échange de données entre les Etats Membres rend plus efficace la lutte contre le terrorisme mais ce processus a ses propres limites. Pour Patrick Clavar « le renseignement technique est aujourd’hui un enjeu majeur». Or, c’est un aspect qui reste en dehors des propositions du rapport parlementaire.

Quid du rôle des lanceurs d’alerte au sein d’un tel contexte ?

Tout d’abord, il convient de définir ce qu’est un lanceur d’alerte. Selon Transparency International, le lanceur d’alerte est « tout employé qui signale un fait illégal, illicite ou dangeureux pour autrui, touchant à l’intérêt général, aux instances ou aux personnes ayant le pouvoir d’y mettre fin ».

C’est depuis le scandale financier Luxleaks révélé en 2014 et entrainant la condamnation de trois lanceurs d’alertes, que cet aspect a été mis au centre de l’actualité européenne.

Le 7 juillet 2016, les députés européens ont souligné, en session plénière, leur « rôle crucial pour la démocratie » ainsi que dans la lutte contre la corruption d’où la nécessité de leur offrir une protection légale. Par conséquent, dans le but d’améliorer le statut des lanceurs d’alerte, la Commission s’est lancé dans des démarches législatives sectorielles.

C’est donc suite à l’affaire « LuxLeaks » que l’UE a réagi sur la question d’une protection européenne relative aux lanceurs d’alerte. Cependant, il faut rappeler que les lanceurs d’alertes bénéficient d’une protection au niveau du secret des affaires par l’intermédiaire d’une directive. Toutefois, ce n’est qu’une directive sectorielle. Ce que demande le Parlement européen, depuis un certains temps – notamment suite à l’affaire des LuxLeaks – est que les lanceurs d’alerte puissent bénéficier « d’un statut unifié au sein de l’UE ». Leur rôle de veiller à l’intérêt général et donc dans celui des citoyens européens est le principal argument du Parlement d’où la nécessité de les protéger et non de les sanctionner.

Face à cette demande du Parlement européen, la Commission met en avant l’absence de compétences juridiques de l’UE pour établir cette protection unifiée et européenne des lanceurs d’alerte. Pourtant, dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, il est possible de s’appuyer sur certains articles afin d’élaborer ce texte. Il convient de citer alors l’article 114 de ce traité sur le bon fonctionnement du marché intérieur ou encore l’article 83 sur les dispositions en matière pénale.

Néanmoins, ce n’est pas cet aspect le plus problématique. Ce qui empêche cette évolution est la « frilosité politique » explique Virginie Rozière, eurodéputée française du groupe radicale, membre du groupe des socialistes et démocrates. En effet, il existe du côté des Etats Membres une réticence à appliquer une protection des lanceurs d’alerte ce qui rend cet aspect très hétérogène. Il est donc nécessaire de souligner l’importance du rôle à jouer du Parlement européen. Selon cette même eurodéputée française « le Parlement doit rééquilibrer le rapport de force. » Ainsi, l’eurodéputé explique que le Parlement va fournir un rapport d’initiative législative dans lequel l’incompétence de l’UE dans l’élaboration d’une directive globale relative aux lanceurs d’alerte n’est pas un argument pertinent.

Kristell Prigent

Pour en savoir plus : principales sources d’informations :

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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