Mercredi 31 août 2016, la commission LIBE s’est réunie avec la Commission européenne et le Conseil de l’UE afin de débattre sur l’état actuel de la lutte contre le terrorisme. Pour ouvrir le débat, Monsieur Claude MORAES, président de la commission LIBE, a relevé les attaques terroristes de cet été 2016, incitant à une mobilisation plus forte de l’UE dans la lutte contre le terrorisme.Instruments européens, coopération entre Etats membres, ou encore, renforcement du contrôle aux frontières ont été les mots clés qui ont refait surface en cette rentrée de septembre 2016.Toutefois, un élément nouveau a pu être souligné par la Commission européenne au cours de la réunion : le changement du « modus operandi » de l’Etat islamique.Face à ce constat, il est légitime de s’interroger sur la prise de position de l’UE. Autrement dit, est-il nécessaire de mettre en place d’autres instruments européens pour la lutte contre le terrorisme ou faut-il faire de nouvelles propositions en la matière ?
Le changement du modus operandi
La réunion du 31 août s’est ouverte par en rappelant que les menaces terroristes étaient certes toujours très présentes, mais qu’en plus, il y avait un nouveau type d’attentats et un nouveau type de profil quant au suspect des ressortissants d’UE et des Etats tiers. Ce point a très vite amené à mettre sur table le sujet concernant la radicalisation. En effet, le taux de radicalisation semble être en augmentation, comme l’a relevé la Commission européenne, d’autant plus qu’elle se fait de manière chaque fois plus rapide, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux, par lesquels les principales cibles se trouvent être les jeunes. Par conséquent aujourd’hui, Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel dans la radicalisation et le recrutement des individus essentiellement des jeunes, d’où la nécessité de mettre en place selon la Commission européenne, un processus de dé-radicalisation et de prévention.
Par conséquent, l’une des conclusions qui a été tiré est que le modus operandi a changé, la situation de conflit a évolué et cela a amené l’Etat islamique à intensifier ses appels. Ces actes renforcent ainsi la détermination de la Commission européenne à agir plus fermement. Cependant, pour celle-ci, il faut que les Etats membres exploitent bien les instruments européens et nationaux existants en favorisant plus de coopération entre eux.
Les eurodéputés s’accordent sur le fait de mettre en place un processus de prévention et de dé-radicalisation, établissant un contrôle renforcé quant au contenu des réseaux sociaux.
Par ailleurs, s’agissant des instruments européens existants, Sophie IN’T VELD, eurodéputé néerlandaise démocrate, affirme qu’il faudrait réaliser plus d’évaluations sur l’efficacité de ces derniers. Luigi SORECA affirme lui la nécessité de faire valider des initiatives législatives comme la législation sur les armes à feu ou encore la directive sur la lutte contre le terrorisme. Cela a été approuvé par la majorité des eurodéputés tout en précisant le besoin d’une amélioration de la traçabilité des armes à feu. Ils relèvent également la nécessité d’utiliser les instruments européens existants contre le terrorisme de manière efficace sans avoir le besoin de faire nécessairement de nouvelles propositions législatives.
Le manque de coopération entre Etats membres de l’UE : une critique redondante
Lors du débat du 31 août 2016, plusieurs eurodéputés se sont interrogés sur le « dispositif de formation en matière de lutte contre la fraude documentaire, la proposition d’un « ESTA européen » ou encore la possibilité d’une directive pour rapprocher les droits et obligations de tous les opérateurs en liaison avec le chiffrement. ». Ils ont souhaité avoir des informations complémentaires sur le « fonctionnement quotidien du centre européen de lutte contre le terrorisme au sein d’Europol et si les États membres ont à présent davantage recours au Système d’information Schengen et aux autres bases de données européennes. » Ces questions, auxquels la Commission européenne travaille pour faire des propositions de réponses, seront reprises par d’autres eurodéputés au cours du débat.
Cela démontre un certain questionnement quant à l’effectivité des instruments européens contre le terrorisme. En effet, aujourd’hui il existe déjà plusieurs instruments en la matière. Cependant, s’il y a interrogation sur l’effectivité de ces derniers, est alors remis en cause, une fois de plus, la coopération entre Etats membres. Celle-ci est à chaque fois prônée que ce soit par le Parlement européen ou la Commission européenne. En effet, de nouvelles propositions présentées, font appel à cette coopération.
Par conséquent, les Etats membres doivent coopérer pour faire face au terrorisme, puisque c’est une menace sans frontière qui touche l’ensemble des pays de l’UE.
Comme l’a rappelé François HOLLANDE dans son discours du 8 septembre 2016, c’est la démocratie qui est la cible principale du terrorisme. Or, la démocratie est l’arme contre ce dernier, d’où la nécessité de défendre l’Etat de droit et faire face au populisme. Celui-ci a propose toujours le même discours, prétendant incarner le peuple, et portant ainsi des critiques sur la démocratie, ses faiblesses, ses élus, tentant de la faire douter d’elle-même.
Aujourd’hui, se dessine une forte montée du populisme entrainant la division de l’UE. Même s’il y a l’apparition de nouvelles formes de radicalité politique ou sociale, appelant à la rupture de l’UE, il faut que les Etats membres réagissent à leur niveau, puisqu’ils possèdent toutes les clés en main par l’intermédiaire des lois. Celles-ci suffisent, il faut juste les « appliquer dans leur rigueur », rappelle le président de la République, François Hollande. Il y a un besoin de renforcement de la cohésion et donc la coopération entre tous les Etats membres de l’UE.
Vers de nouvelles propositions
Au cours du débat, a été mentionnée par la Commission européenne, une initiative conjointe de la France et de l’Allemagne sur la sécurité intérieure en Europe, par la création notamment d’un « ESTA européen » ; initiative proposé lors de la conférence de presse du 23 août 2016, réunissant les deux Etats.
ESTA,(Electronic System for Travel Authorization),en vigueur depuis 2009 au Etats-Unis, ce système oblige les voyageurs en direction de ce pays, bénéficiaires du Programme d’Exemption de visa (VWP), d’avoir une autorisation de voyage électronique que ce soit par voie maritime ou aérienne. Ce système permet aux voyageurs d’embarquer au sein de compagnies à destination des Etats-Unis mais ne permet pas l’admission au territoire américain. Cela oblige donc à procéder à un second contrôle quant à l’entrée du territoire. Des systèmes similaires existent en Australie et au Canada.
S’agissant du projet d’un « ESTA européen », qui concernerait la zone Schengen, il en serait de même pour les individus sans visa, souhaitant se rendre au sein de l’UE. Ce système permettrait donc un renforcement du contrôle aux frontières extérieures de l’UE.
Toutefois, il fait appel à la coopération des Etats membres et ne peut être effectif seulement si celle-ci est mise en œuvre.
Toujours sous l’impulsion franco-allemande, les deux Etats souhaitent proposer une initiative en matière de chiffrement sur trois plans : un meilleur contrôle aux frontières extérieures de l’UE, un meilleur partage des informations entre Etats membres et armer nos démocraties sur la question du chiffrement », sans remettre en cause ce principe. Bernard CAZENEUVE, ministre de l’intérieur de France, affirme que « nous proposons que la Commission européenne étudie la possibilité d’un acte législatif rapprochant les droits et les obligations de tous les opérateurs pour les obliger à retirer des contenus illicites ou déchiffrer des messages dans le cadre d’enquêtes, que leur siège soit en Europe ou non. »
Parallèlement, au regard des nombreuses attaques terroristes dans l’UE, il y a eu une augmentation des demandes pour la création d’une agence de sécurité européenne,sorte de FBI à l’européenne, plus focalisée sur le terrorisme qu’Europol, et destinée à la lutte contre les fraudes et le crime organisé. C’est pourquoi le président de la Roumanie, Klaus IOHANNIS, a proposé l’établissement d’une telle agence suite à a sa rencontre avec les dirigeants allemand, luxembourgeois et belge, le 13 septembre 2016.
Par ailleurs, l’idée de la création d’une « armée européenne » est chaque fois plus évoquée, notamment depuis le Brexit.
Ainsi du débat du 31 août 2016 et du contexte européen en matière de terrorisme, il en ressort la nécessité d’efforts de la part de tous, Etats membres et UE dans la lutte contre le terrorisme. L’UE doit savoir rebondir face aux attaques qui se multiplient, en transformant son approche mais tout en restant uni.
Il faut relever également que l’Union n’a jamais été aussi mobilisée pour lutter contre le terrorisme afin de détecter le plus vite possible des signes de radicalisation.
Kristell PRIGENT
Sources d’information :
-. Site de l’Agence europe : – http://www.agenceurope.info/pub/index.php?numPub=11626&pubType=1&langage=fr.
-. Site Euractiv :
– https://www.euractiv.fr/section/politique/news/romanian-president-backs-eu-anti-terror-agency/.
– https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/eu-army-much-ado-about-nothing/.
-. Site de l’ESTA
– https://esta.cbp.dhs.gov/esta/.
-. Articles en ligne sur le chiffrement :
– E. HAEHNSEN, Lutte contre le terrorisme, la France et l’Allemagne main dans la main, Infoprotection, 24 août 2016. URL : https://www.expoprotection.com/SURETE-ET-SECURITE/Article.htm?Zoom=88677ad2345d30dd10ea69e19d27d1c4.
– G. SERRIES, Le couple franco-allemand veut affaiblir le chiffrement pour lutter contre le terrorisme, News, 23 août 2016. URL : http://www.zdnet.fr/actualites/le-couple-franco-allemand-veut-affaiblir-le-chiffrement-pour-lutter-contre-le-terrorisme-39840974.htm.
-. Site du ministère de l’intérieur français concernant le chiffrement:
– Texte franco-allemand transmis à la Commission. URL : http://www.interieur.gouv.fr/Le-ministre/Interventions-du-ministre/Initiative-franco-allemande-sur-la-securite-interieure-en-Europe.