Les paroles prononcées par le président du Conseil européen, Donald Tusk, samedi dernier (17 décembre) en Pologne, lors de la cérémonie de clôture de Wrocław – capitale européenne de la culture — étaient remplies de sens, d’émotion. A la mesure de la gravité du moment . Et elles méritent une certaine écoute , une écoute attentive, recueillie, car les paroles dépassent le cas polonais et leur auteur. C’est l’Europe toute entière qui est menacée. C’est l’Etat de droit dans plusieurs de nos Etats membres qui est menacé.
Une fois de plus à travers toute l’histoire de la Pologne, l’Europe se penche avec bienveillance et inquiétude sur le sort de la Pologne, inextricablement lié au sien. Que la Pologne s’en détourne et elle connaitra à nouveaux des jours noirs comme ce fut le cas dans le passé, un passé lointain et proche. C’était un des premiers discours de l’ancien Premier ministre polonais sur sa terre natale depuis longtemps, il survient à un moment clé pour le pays. La Pologne comme plusieurs autres pays s’interrogent sur la notion de liberté, de démocratie, de pouvoir.
Le message envoyé est un véritable avertissement au parti de Jarosław Kaczyński (PiS, Droit et Justice) et au gouvernement de Beata Szydło. Un message qui a une portée plus générale car il peut se lire au-delà de la Pologne… Un avertissement comme la Commission européenne en a délivré plusieurs, en vain.
« L’essence de l’Europe est un modèle unique de démocratie où les citoyens, le droit et la morale définissent les limites du pouvoir. Et non vice-versa. Comme nous le savons, la démocratie sans le respect de la culture, quand on prive les gens de l’accès à l’information ou qu’on impose un modèle de vie unique, cela devient aussi insupportable qu’une dictature.
« Aujourd’hui, donc, dans ce moment critique, [la démocratie] nécessite une protection, de la sollicitude, et même de la tendresse, vis-à-vis d’elle-même, si non elle ne survivra pas. Elle est plus fragile et délicate que nous, Polonais, quand nous l’avons ratée derrière le rideau de fer pendant ma jeunesse. Est-ce que le modèle européen survivra ? Ce n’est pas une question idéologique mais la question de notre survie. Celui qui aujourd’hui défie le modèle européen de démocratie, viole les constitutions et des bonnes mœurs, nous met en danger.
« Après les événements d’hier au Parlement et dans les rues de Varsovie ( avec la mémoire personnelle de ce qui signifie décembre dans notre histoire (1), je lance un appel à ceux qui exercent effectivement le pouvoir dans notre pays, pour le respect des personnes. Et je dis merci à ceux qui luttent pour la démocratie européenne en Pologne. Merci, vous êtes les meilleurs gardiens de la Pologne. »
(1) Donald Tusk fait référence principalement à décembre 1981 et la proclamation par le général Wojciech Jaruzelski, alors chef de l’Etat polonais, de la loi martiale (état de guerre) coupant court à un mouvement d’émancipation de la société polonaise. Mais il peut aussi faire référence à décembre 1970, avec les grèves contre la hausse des prix à Gdansk (la ville natale de Tusk, celui-ci avait 13 ans au moment des faits) et dans plusieurs villes de la Baltique. Des manifestations qui furent violemment réprimées par le régime avec plusieurs dizaines de morts. Elle entraîna la démission du dirigeant polonais d’alors, Władysław Gomulka.