Si une société démocratique donne « le pouvoir au peuple » alors les referendums ne seraient-ils pas des “outils démocratiques par excellence” ? Ils permettent l’intervention directe des citoyens. Des pays comme la Suisse en ont d’ailleurs fait un outil de base de leur procédé décisionnaire. Idéalement, cet outil montre que les dirigeants font confiance aux citoyens et en leur maturité démocratique.
Cependant, le bien-fondé de leur utilisation est de plus en plus débattu. Les récents referendums anglais et italien ont en effet prouvé que cet outil pouvait être utilisé à mauvais escient et avoir des conséquences dangereuses.
Pour certains académiques tels que Elie Cohen, Bernard Manin ou Gérard Grunberg, le referendum force en effet une opposition binaire sans compromis et invite à accepter de manière irréversible une décision, cette dernière pouvant être politiquement minoritaire. Pour Paul Allié, professeur de l’université de Montpellier, le referendum mène au « triomphe de l’ignorance », à « la défaite de la raison par la peur ».
Le referendum est en effet risqué s’il est utilisé par les citoyens pour exprimer un vote de défiance ou de confiance à l’égard du gouvernement plutôt qu’une opinion précise sur un sujet. Il est aussi risqué s’il est manipulé par des acteurs politiques pouvant être identifiés comme « populistes ».
Est-ce donc un outil défectueux ou faut-il améliorer son utilisation, en l’entourant de règles strictes ?
Pour avancer sur cette question centrale, EU-Logos, 1989 génération initiative et Students for Europe lancent leur première conférence : “Le referendum : un bon outil démocratique ?”
Trois intervenants vont débattre et tenter de répondre à cette question.
LAURENCE MOREL
Laurence Morel nous propose ce premier élément de réflexion : « Il n’y a pas d’essence du referendum. Le procédé est complètement déterminé par ses modalités et les conditions de sa tenue. Ainsi le referendum peut-il être la meilleure ou la pire des choses pour la démocratie. Mais c’est le propre de toutes les procédures démocratiques, à commencer par les élections. »
Professeur de Science Politique à Lille, elle est spécialiste en théorie de la démocratie et de la vie politique italienne. Ses intérêts principaux sont les referendums dans les démocraties (avec un focus sur l’Italie), la démocratie directe et participative et le populisme. Laurence Morel a notamment publié plusieurs articles sur le thème du referendum en Europe de l’Ouest. Elle a été élue en 2014 présidente du « Research Committee on Political Sociology » de l’Association Internationale de Science Politique
PIERRE DEFRAIGNE
Pierre Defraigne a été fonctionnaire européen de 1970 à 2005, lorsqu’il a pris sa retraite comme Directeur général adjoint de la DG Trade. Il fut notamment Vice-président de la Commission européenne (1977-1983), Chef de Cabinet de Pascal Lamy, Commissaire européen au Commerce (1999-2002), mais aussi Chef de Cabinet d’Etienne Davignon. Il a également fondé ‘Eur-Ifri’, la branche bruxelloise de l’Institut français des relations internationales (2005-2008). Il est actuellement Directeur Exécutif du Centre Madariaga – Collège d’Europe depuis 2008.
Gérard GRUNBERG
Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, (Centre d’Études Européennes) de Sciences Po. Ses travaux portent sur la sociologie politique et notamment la sociologie électorale et les partis politiques. Gérard Grunberg anime également le site Internet Telos, un centre de réflexion et d’information, et il participe également à la rédaction d’articles pour Slate. Son domaine d’investigation porte principalement sur le champ partisan de la vie politique. Il a écrit de nombreux ouvrages dont « Le referendum français de ratification du Traité constitutionnel européen du 29 mai 2005. »
Cette conférence sera suivie de workshops qui traiteront de la démocratie participative.