Seuls 5 candidats à la présidentielle française ont pu participer au grand débat organisé par TF1, lundi 20 mars 2017; Benoît Hamon, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. L’absence des six autres candidats – Nicolas Dupont-Aignan, Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Jacques Cheminade, Jean Lassalle et François Asselineau – a d’ailleurs fait l’objet de remarques de la part de la candidate du Front national et de François Fillon en tout début de soirée.
Le débat a commencé par un rapide descriptif des programmes de chacun puis de nombreux sujets ont été survolés, allant de l’éducation au revenu universel en passant par le terrorisme et l’immigration. Les questions internationales et européennes n’ont été quant à elles évoquées que lors du dernier quart d’heure de l’émission télévisée.
Les questions nationales
Sans surprise, Marine Le Pen a fortement insisté sur la souveraineté nationale et sur son déclin face à une organisation telle que l’Union européenne. Elle a fièrement assumé être favorable à un arrêt complet de l’immigration en France, que ce soit « l’immigration légale et illégale » et à un contrôle plus ferme des frontières. Enfin, elle a déclaré vouloir supprimer le droit du sol (en France, un enfant qui naît et qui réside 5 ans sur le territoire français obtient la nationalité française à sa majorité, même lorsque ses parents ne sont pas de nationalité française).
Les autres candidats se sont montrés moins radicaux face aux problématiques migratoires. Emmanuel Macron a parlé d’instaurer une « vraie politique de reconduite à la frontière efficace », et a insisté sur la nécessité d’une « politique européenne réformée coordonnée plus effective ». François Fillon a présenté l’idée d’instaurer des quotas migratoires votés chaque année par le Parlement, une idée très « démocratique » selon lui. Benoît Hamon a insisté sur le fait qu’il faille absolument arrêter d’utiliser l’immigration à des fins de commerce électoral, phrase clairement dirigée contre Marine Le Pen. Il a en outre considéré que la France n’avait pas rempli son devoir d’hospitalité envers les migrants depuis 2015 et voudrait fortement que le pays s’imprègne du modèle allemand en matière d’immigration. Jean-Luc Mélenchon a demandé aux Français et à ses adversaires de garder à l’esprit que l’immigration constitue, par définition, un exil forcé et en a ensuite profité pour très rapidement glisser sur le terrain des Traités commerciaux internationaux qu’il souhaite abandonner.
Autre sujet traité avec ferveur par les candidats : la laïcité. Alors que Macron, Mélenchon et Hamon se sont appuyés sur la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat, Marine Le Pen a défendu son idée d’inscrire dans la Constitution l’impossibilité pour la République de reconnaître des communautés et sa volonté d’insérer la laïcité dans le code du Travail. Fillon, quant à lui, a directement pointé du doigt la religion musulmane et s’est adressé aux musulmans en leur demandant de lutter contre l’intégrisme au sein de la religion à laquelle ils adhèrent.
En économie, les cinq candidats n’ont pas réellement échangé, rivés sur leurs propres idées et programmes. Macron s’il est élu, souhaite assouplir l’application des 35 heures et Le Pen a insisté sur les dangers de l’ultra-libéralisme. Elle a notamment accusé l’Europe « d’empêcher de parler français sur les chantiers français » en référence à la clause Molière visant à imposer le français dans les marchés publics franciliens, clause sur laquelle l’Union européenne ne s’est pas encore prononcée.
Les moments forts
Se sont ensuite enchaînés plusieurs échanges plus ou moins houleux tout au long de la soirée. Parmi eux, on peut entre autres citer la réponse cinglante du candidat socialiste à Marine Le Pen qui, quand elle a énoncé vouloir supprimer les aides sociales aux parents de « jeunes délinquants », lui a répondu : «Que vous soyez une droguée aux faits divers, c’est une chose. Mais vous êtes candidate à l’élection présidentielle et ce n’est pas sérieux», l’occasion pour le candidat de se poster en adversaire premier du Front national.
Lorsque la proposition de François Fillon d’abaisser la majorité pénale à 16 ans a été évoquée, Le Pen a rétorqué que ce dernier « avait déjà proposé cela en 2006 », sans aucun succès.
Le prix des phrases les plus marquantes revient tout de même à Jean-Luc Mélenchon qui, fidèle à sa réputation, a été offensif tout au long du débat faisant souvent rire les spectateurs et parfois même, ses adversaires politiques. Par exemple, lorsque la journaliste Anne-Claire Coudray a lancé les candidats sur le terrain des affaires judiciaires en cours concernant certains d’entre-eux, le candidat de la « France insoumise » a tout de suite pris la parole pour lui lancer « J’ai admiré vos pudeurs de gazelle » et a continué en déclarant « Quand vous dites que le débat a été pollué par les affaires de certains d’entre vous, pardon, pas moi. Je tiens à le préciser mais ici, il n’y a que deux personnes qui sont concernées : monsieur Fillon et madame Le Pen. Les trois autres, nous n’avons rien à voir avec tout ça, alors s’il vous plaît, ne nous mettez pas dans le même sac. »
Les questions européennes et internationales
Après une évocation confuse des relations franco-russes en toute fin de soirée entre les candidats, Madame Le Pen a conclu en confirmant qu’elle avait l’intention d’organiser un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne si elle était élue présidente.
Le candidat « d’En marche! » a été le seul à remarquer que l’Union européenne était la grande absente du débat présidentiel. Il a terminé la soirée en soulignant qu’ « On a peu parlé d’Europe. Je suis le seul candidat qui se conforme depuis le début à nos engagements européens.»
Il reste maintenant à savoir si les candidats ont réussi à répondre effectivement aux questions et aux attentes des citoyens. Dans les sondages, Marine Le Pen reste favorite au premier tour, et perdante au second face à Emmanuel Macron ou François Fillon.
Sabrina Terentjew
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