« Souviens-toi ! dans le vide de mémoire qui caractérise notre époque », telle a été la Réplique du pape.
C’est sur un fond de querelles internes mesquines, avec comme seule référence un livre blanc au potentiel intéressant, mais aujourd’hui sans projet concret, que le pape a lancé un appel aux gouvernements européens à se ressaisir. À plusieurs reprises, il a cité de nombreux pères fondateurs. Il a appelé chacun à réfléchir, au mieux de son intelligence, au plus haut de ses possibilités. Car rappelle-t-il, en 1957 il fallait beaucoup de vertus, du courage et de l’audace, de la foi aussi en un avenir meilleur. C’est ce qui manque le plus à nos dirigeants aujourd’hui. Qu’il parle des populismes, des gouvernants qui n’écoutent pas les citoyens, de la nécessaire solidarité, évoquant l’impérieuse nécessité de l’unité, il précise « l’Europe naît comme unité des différences et unité dans les différences (…) on ne peut penser que l’unité soit préservée par l’uniformité. Elle est plutôt l’harmonie d’une communauté ». Il demande aux gouvernements de ne pas oublier leurs responsabilités : « il revient à celui qui gouverne de discerner les voies de l’espérance. » et l’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle ne s’enferme pas dans la peur et cela implique l’écoute attentive et confiante des requêtes qui proviennent aussi bien des individus que de la société./
En ce jour anniversaire, il se veut pédagogue du souvenir « redécouvrir la mémoire vivante de cet évènement et en comprendre la portée dans le présent (…) on ne peut pas comprendre le temps que nous vivons sans le passé compris. Sans une telle conscience de la réalité de son unité, l’histoire perd son fil logique et l’humanité perd le sens de ses actions et la direction de son avenir. Ils semblent des faits lointains et non comme la sève vitale qui irrigue le présent.
Citant les pères fondateurs, il souligne que c’est le souvenir de leurs malheurs et de leurs fautes qui leur ont donné le courage nécessaire pour oublier les vieilles querelles stériles et agir et penser vite pour réaliser la transformation la plus bouleversante, la plus nouvelle que l’Europe n’ait jamais connue.
Le Pape François a tenu à rappeler le passé comme pour faire remarquer qu’en 1957, il fallait sans doute plus d’audace et de courage, deux vertus qui semblent manquer aux dirigeants d’aujourd’hui.
Il a ensuite donné une définition de la multi-crises qui frappe l’Europe – politique, financière, de valeur.
Il y a la crise économique, qui a caractérisé les 10 dernières années, il y a la crise de la famille et des modèles sociaux consolidés, il y a une diffuse “crise des institutions” et la crise des migrants : beaucoup de crises, qui cachent la peur et le désarroi profond de l’homme contemporain, qui demande une nouvelle herméneutique pour l’avenir.
« Malheureusement, on a souvent l’impression qu’est en cours un ‘‘décrochage affectif’’ entre les citoyens et les institutions européennes, souvent considérées comme lointaines et pas attentives aux diverses sensibilités qui constituent l’Union. »
De l’importance de l’ouverture aux autres
L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle ne s’enferme pas dans la peur et dans de fausses sécurités. […] On ne peut pas se contenter de gérer la grave crise migratoire de ces années comme si elle n’était qu’un problème numérique, économique ou de sécurité. La question migratoire pose un problème plus profond, qui est d’abord culturel. Quelle culture propose l’Europe aujourd’hui ? […] Sans une vraie perspective d’idéaux, on finit par être dominé par la crainte que l’autre nous arrache à nos habitudes consolidées, nous prive des conforts acquis, mette en quelque sorte en cause un style de vie trop souvent fait uniquement de bien-être matériel. […] L’Europe a un patrimoine d’idéaux et de spiritualité unique au monde qui mérite d’être proposé à nouveau avec passion et avec une fraîcheur renouvelée et qui est le meilleur antidote contre le vide des valeurs de notre temps, terrain fertile pour toute forme d’extrémisme.
La solidarité ensuite, notamment entre États (un message assez clair, qui s’adresse notamment aux pays les plus riches du nord de l’Europe, trop durs lors de la crise financière)
L’Europe retrouve l’espérance dans la solidarité qui est aussi le plus efficace antidote contre les populismes modernes. […] Parlant des populismes il dira aussi :«qu’ils prospèrent précisément à partir de l’égoïsme qui enferme dans un cercle restreint et étouffant qui ne permet pas de surmonter l’étroitesse de ses propres pensées et de regarder au-delà ». C’est à la politique que revient ce leadership d’idéaux qui évite de se servir des émotions pour gagner le consentement, mais qui élabore plutôt, dans un esprit de solidarité et de subsidiarité, des politiques faisant grandir toute l’Union dans un développement harmonieux, en sorte que celui qui réussit à courir plus vite puisse tendre la main à celui qui va plus lentement et qui a plus de difficultés à atteindre celui qui est en tête.
Un ensemble de règles et de protection pour les plus faibles, enfin.
Le développement n’est pas assuré par un ensemble de techniques productives. Il concerne tout l’être humain : la dignité de son travail, des conditions de vie adéquates, la possibilité d’accéder à l’instruction et aux soins médicaux nécessaires. […] Il n’y a pas de vraie paix lorsqu’il y a des personnes marginalisées et contraintes à vivre dans la misère. […]
L’Union européenne est aujourd’hui appelée à se remettre en cause, à soigner les inévitables ennuis de santé qui surviennent avec les années et à trouver de nouveaux parcours pour poursuivre son chemin. […] Il vous reviendra, en tant que dirigeant, de discerner la voie d’un « nouvel humanisme européen », fait d’idéaux et de choses concrètes. Cela signifie ne pas avoir peur de prendre des décisions efficaces, en mesure de répondre aux problèmes réels des personnes et de résister à l’épreuve du temps. […] Ceterum censeo Europam esse ædificandam, […] je pense que l’Europe mérite d’être construite.
La conclusion nous la tirons des commentaires du cardinal de Munich Reinhard Marx , président de la Comece (commission des épiscopats de la Communauté européenne) : le pape a donné de l’espoir à l’Europe »
Aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne
Le Pape François a reçu vingt-sept chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne. Une rencontre exceptionnelle organisée pour le 60è anniversaire du Traité de Rome fêté samedi 25 mars, dans la capitale italienne. (cf. sources pour lire le texte complet de son allocution).