Tous les États membres de l’UE, sans exception, font face aux mêmes défis internationaux, et ces enjeux internationaux mettent en question la capacité collective des Européens à répondre aux attentes des citoyens. D’ores et déjà, il apparaît évident que le monde va devenir encore plus instable dans les années à venir : relever ces défis multiples et variés nécessitera une coopération multilatérale renforcée, et la capacité à nouer de telles alliances sera la mesure de la puissance plus que la mesure du PIB. Avoir des ressources suffisantes ne suffira plus . La capacité médiatique, le pouvoir des idées, les relations, les succès culturels, sportifs ou de grandes entreprises, par exemple, et le pouvoir d’innovation technologique verront leur importance augmenter. Il faut donc envisager d’une manière toute nouvelle le pouvoir géopolitique, trop axé jusqu’à aujourd’hui sur la puissance matérielle seule. Cette redistribution de la puissance ne peut que favoriser l’UE.
Il existe une continuité évidente entre la dimension interne des défis et des moyens d’y faire face et la dimension externe (diplomatie, défense). Les thèmes au cœur des débats politiques, nationaux en période électorale notamment, présentent une dimension nationale, mais aussi européenne et mondiale : incertitudes économiques, terrorisme, crise migratoire, défis climatiques, l’État de droit, la montée des discours populistes et extrémistes singulièrement vis-à-vis de la mondialisation, la lutte contre la corruption, la criminalité internationale organisée, tous mettent en jeu la sécurité, la défense, la prospérité et dépassent manifestement les nations. C’est sa capacité de résilience qui est en jeu.
Autant de raisons pour Eu-logos de donner plus d’ampleur et de visibilité à sa rubrique consacrée à l’Europe dans monde (EU-MUNDUS). La première priorité, c’est évidemment la dimension extérieure de l’espace de liberté, sécurité et justice, mais sans perdre de vue le facteur géographique avec la politique européenne de voisinage et la coopération au développement, singulièrement en faveur de l’Afrique, si proche et trop longtemps oubliée, ni l’élément institutionnel avec les grandes institutions internationales (famille des Nations Unies, Conseil de l’Europe, OSCE, OTAN…).
Replacer l’Europe dans le monde, c’est lui redonner de l’ambition, un nouveau dynamisme fait d’imagination, de créativité et d’initiatives. Se sentir à l’aise à l’extérieur de ses frontières lui garantit un poids accru et une capacité de négociation plus efficace, nous renforce et nous protège des tumultes migratoires, des conflits militaires et aussi des tumultes monétaires et du tumulte des échanges commerciaux. L’UE, c’est ce grand laboratoire où s’élaborent de nouveaux modes de gouvernance .
Inévitablement, l’échelle mondiale devra être prise en compte dans la formulation de tout projet européen, dans une stratégie de relance politique et géopolitique pour faire revivre une ambition et répondre aux défis internes et externes.
Pour cela, mieux connaître la mondialisation, les faits, mais aussi les tendances et les grandes évolutions. Ne pas nier ou diaboliser la mondialisation. La réponse n’est pas la suppression incantatoire de la mondialisation et des frontières, ne pas se tromper de combat et ne pas abandonner les critiques souvent justifiées à ceux qui n’aiment pas l’Europe.
Ne plus subir les crises des autres, « civiliser la mondialisation », pour reprendre l’expression de Nicole Gnesotto et Pascal Lamy dans « Où va le monde ? ». L’UE c’est ce grand laboratoire où s’élaborent de nouveaux modes de gouvernance. Mieux connaître le monde et le fréquenter de façon assidue, c’est sortir l’Europe de son abstention et de son renoncement stratégiques. De grandes réformes sont nécessaires, chacun en est bien conscient. Bien conscient aussi qu’elles doivent s’inscrire dans le temps long, sur plusieurs années, mais surtout qu’elles doivent s’inscrire sur un espace vaste, celui du monde. Redisons-le, il faut donc le connaître en le fréquentant de façon assidue.
L’attente des citoyens européens : l’enquête d’Eurobaromètre de mars 2017.
On assiste à un regain de popularité dans presque tous les pays, y compris en Hongrie, en Pologne comme en témoignent des manifestations importantes, (une bonne chose d’appartenir à l’UE pour 71% des polonais, soit +20 points) en France également malgré une campagne électorale sévère où l’euroscepticisme s’exprime fortement.
Dans toute l’Europe, 57% voient avec faveur l’appartenance à l’UE (+4% en un an), par rapport à 58% avant la crise financière. Interrogés sur les derniers évènements géopolitiques, tels que l’instabilité croissante dans le monde arabe, l’influence accrue de la Russie, de la Chine ou le Brexit et l’élection de Donald Trump, les sondés ont indiqué leur préférence « pour une réponse commune plutôt que […] des actions nationales individuelles » à 73% dans l’UE et 72% en France où la bataille fait rage sur le thème de la souveraineté française.
Cette expression des Européens en faveur d’une politique étrangère européenne ne doit pas masquer les autres soucis. Ainsi pour les Français l’UE doit en priorité se concentre sur la lutte contre le chômage (84%), puis sur la protection de l’environnement (83%), la lutte contre le terrorisme (82%) et la lutte contre la fraude fiscale(79%). Toujours en France les inégalités sociales sont un sujet de préoccupations majeures (citées par 94% des sondés et 84% dans toute l’Europe).
« Les résultats de l’enquête du Parlement européen sur l’état d’esprit des Européens à l’égard de l’Union, sont pour la première fois depuis le début de la crise en 2007 très encourageants », estime le président du Parlement européen, Antonio Tajani. Les citoyens européens attendent de l’UE qu’elle réponde d’une même voix à leurs très vives craintes face aux récents bouleversements internationaux qui ont rendu le monde plus incertain et dangereux ».
Ce regain de faveur ne peut être nié, le populisme marque le pas : il vient de connaître trois graves défaites incontestables en Autriche, aux Pays-Bas et en France. Les forces antipopulistes s’organisent et coopèrent de façon transnationale comme vient de le souligner le journal le Monde dans une série d’articles du 5 mai dernier : « à l’ouest comme à l’est, la petite revanche du drapeau bleu aux douze étoiles », devenu l’étendard et le signe de ralliement de la génération Erasmus. Tout n’est pas gagné, loin de là, mais le temps de la reconquête est venu.
HPL
Sources:
– Communiqué du Parlement européen http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20170427IPR72790/faire-partie-de-l%E2%80%99ue-est-une-bonne-chose-selon-un-nombre-croissant-de-citoyens
– Séries graphiques sur certaines questions clés (EN) http://www.europarl.europa.eu/resources/library/media/20170427RES72819/20170427RES72819.pdf