Les 18 et 19 octobre dernier, les dirigeants des forces progressistes se sont réunis à Bruxelles dans le cadre d’un événement intitulé « Construire ENSEMBLE un avenir progressiste ». Cet événement fait partie de l’initiative ENSEMBLE. En parallèle et en prévision du Sommet de l’UE, l’évènement a accueilli des dirigeants du PES (European Committee of the Regions), auquel se sont joint des premiers ministres et chefs de partis progressistes.
Parmi les intervenants figuraient Gianni Pittella (Président du Groupe S&D), Serguei Stanichev (président du PES), Jeremy Corbyn (Chef de file des travaillistes britanniques), Pedro Sánchez (secrétaire général du PSOE espagnol), Paul Magnette (Maire de Charleroi), Federica Mogherini (Haute Représentante aux Affaires étrangères de l’UE), Frans Timmermans (commissaire européen), Naika Foroutan, (professeure de sciences sociales à l’université Humboldt de Berlin), Sir Paul Collier (professeur d’économie et de politiques publiques à l’université d’Oxford), ainsi que de nombreux autres parties prenantes et représentants de la jeunesse.
L’événement s’est étendu sur deux journées. Le premier jour des discussions en assemblée plénière ouverte étaient organisées. Le second jour prévoyait sept ateliers de discussion sur ce que le groupe considère comme étant des priorités politiques concrètes. Participaient à ces ateliers des dirigeants du Groupe S&D, des commissaires européens et ministres progressistes, des parties prenantes, des partenaires et des citoyens.
Le jeudi 19 octobre, une partie de l’équipe d’EU-Logos a participé à un de ces atelier intitulé « Does Africa still need Europe ? ».
Cet atelier était consacré aux relations entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique, l’actualité africaine ayant un fort impact sur l’agenda des institutions européennes.
L’atelier était présidé par Gianni Pitella ; il veillait à la répartition de la parole entre les différents participants. Ces derniers étant : Nikolas Papadopoulos (Président du DIKO et candidat president de Cipre), Ernst Stetter, (Secrétaire Général du FEPS), Gerry Salole (CEO du European Foundation Centre), Ajay Bramdeo (Représentant de l’Union africaine au sein de l’Union européenne), et Ilaria Bellacci (Ambassadrice de Together).
Cet atelier peut être divisé en trois parties, correspondants aux trois grands axes abordés : le partenariat entre UE et Afrique ; la sécurité ; et enfin, l’éducation et la jeunesse.
Premièrement, l’importance de développer un partenariat entre l’Union européenne et l’Afrique a été souligné. Dans le contexte d’un monde en constante évolution qui correspond à l’émergence de nouvelles perspectives politiques, économiques et sociales, l’UE doit réfléchir à des approches à long terme : l’Afrique doit être considérée comme un partenaire essentiel.
Selon les intervenants, cela constitue un premier pas vers l’élargissement du spectre d’action de l’UE qui doit être attentive non seulement au développement interne de l’Union, mais aussi à la coopération avec ses voisins.
En effet, lors de l’atelier, il est apparu que la stabilité politique (notamment en Libye, au Mali et en Afrique subsaharienne) est une priorité pour au moins deux raisons. Premièrement, la stabilité politique est la projection d’un système institutionnel basé sur des structures efficaces et adaptées aux besoins de la population. Deuxièmement, la stabilité sociale est un objectif essentiel pour éviter, ou du moins réduire, des différences économiques disproportionnées au sein d’une même société.
Nikolas Papadopoulos rappelait alors que l’UE pouvait jouer un rôle d’assistance auprès des pays africains. Cependant, il est primordial que ce partenariat respecte l’égalité des deux parties. L’UE est un partenaire essentiel pour le développent de l’Afrique, mais il ne faut pas oublier que l’UE a aussi besoin de ces partenariats avec l’Afrique. Selon lui, dans cette relation, l’arrogance ne mène à rien, il faut jouer sur un pied d’égalité. Dans le domaine de l’énergie, l’exemple de l’Egypte parle de lui-même : l’Egypte est un allié essentiel et l’UE soutient son projet de gazoduc ; en contrepartie, l’UE cherche à avoir accès à cette source d’énergie.
Sur cette idée de partenariat entre l’UE et l’Afrique, Ajay Bramdeo rappelait que nous partageons une histoire commune nous amenant à nous entraider et à regarder vers nos intérêts communs.
Le deuxième grand thème abordé lors de cet atelier était celui de la sécurité. Une attention toute particulière a été portée aux Etats dit « fragiles ».
Tous les participants s’accordent à dire que le changement climatique et le terrorisme sont des problèmes globaux sur lesquels UE et pays africains doivent travailler main dans la main.
Les questions de migrations ont également été abordées.
Le problème migratoire est parfois associé exclusivement à une menace terroriste, et vice-versa. Or, le problème est plus complexe. Au cours de l’atelier, il a été dit que migration et terrorisme sont deux facteurs qui peuvent sembler profondément liés. Cependant, ce sont des phénomènes qui nécessitent une approche différente de l’UE, car l’origine est bien plus complexe que ce simple lien de corrélation.
Le terrorisme est un phénomène politique, la migration massive est plutôt un phénomène social qui devient un problème politique : la pauvreté, le manque d’éducation, la frustration, sont des phénomènes structurels qui résultent d’un déséquilibre social. Cette question soulève alors la nécessité d’une démocratie ouverte et inclusive pour éviter la marginalisation des individus, pouvant déboucher sur le développement de cellules terroristes. Si les individus n’ont pas l’opportunité de s’éduquer, ils n’ont pas d’esprit critique, ni de recul vis-à-vis de leur situation ; par conséquent, ce sont des individus influençables, très sensibles à la radicalisation. Quand les gens perdent l’espoir, ils trouvent des « solutions alternatives ». L’éducation est donc une donnée primordiale.
Cette affirmation a ouvert la voie à un troisième grand thème, celui de l’éducation et de la jeunesse.
L’éducation joue un rôle clé dans l’éradication de la pauvreté et des inégalités, ainsi que dans la prévention de crises humanitaires et sécuritaires. Or, 75 millions d’enfants sont déscolarisés dans le monde, en raison d’urgences humanitaires, alors que moins de 2 % de l’aide humanitaire est affectée à l’éducation. À travers sa campagne EDUCA, le Groupe S&D veut continuer à se battre pour que l’éducation dans les conflits devienne une priorité internationale. L’UE a déjà accepté d’affecter, en 2017, 6 % de son aide humanitaire au financement de l’éducation pour les enfants se trouvant dans des situations de conflit. Cependant, selon les intervenants, l’UE doit augmenter son effort de financement.
En effet, le 6 juillet 2017, en assemblée plénière, les Socialistes & Démocrates ont voté la proposition de la Commission concernant le Fonds européen du développement durable (FEDD). Celui-ci devra mobiliser des investissements à hauteur de 44 milliards d’euros pour l’Afrique et les pays voisins de l’UE. Le FEDD concentrera sous une coupole unique le Fonds de garantie du FEDD et des outils existants. Ce nouvel instrument servira à doper l’investissement, à soutenir un développement socioéconomique durable et inclusif : plus que les grandes entreprises, il faudrait agir sur les vrais besoins de la société des pays en développement afin d’avoir un impact sur leur économie et leur quotidien. Le partenariat avec l’Afrique se doit de prendre en compte la diversité des besoins présent sur le continent.
L’Afrique du Nord est un partenaire économique important. L’instabilité de la Libye ne doit pas être négligée, surtout lorsqu’il s’agit de la question la migratoire.
L’Afrique centrale a besoin de plus de politiques socio-économiques pour agir sur l’origine des inégalités qui alimentent l’exclusion de certaines communautés.
Dans certains pays d’Afrique subsaharienne, il est nécessaire d’intervenir directement sur les institutions politiques.
Cet atelier se termine par des réflexions positives et constructives.
Ajay Bramdeo suggère l’idée que les institutions européennes et celles de l’Union Africaine doivent être réformées pour permettre une meilleure coopération.
Tous s’accordent à dire que l’UE doit travailler avec l’Afrique et non pas pour l’Afrique. Que le partenariat entre ces deux acteurs doit être égal.
Enfin, il faut garder en tête qu’il n’existe pas un seul modèle de démocratie. Autrement dit, l’Europe ne doit pas imposer sa vision de la démocratie aux pays d’Afrique. Le plus important reste de servir les intérêts des citoyens et de veiller à ce que ce ne soit pas l’inverse : les citoyens ne doivent pas servir les intérêts d’un gouvernement.
Maria Elena Argano & Louise Bougot